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Martin & Walter IV 2: 17317 [edition 1: 48 p.]Télécharger gratuit Supplément de l'Adresse aux amis de la paix. pdf
SUPPLÉMENT
ÜE L’ADRESSE
'AUX AMIS DE LA FAIX.
A PARIS;
Chez les Libraires afibciés', & chez tous
ceux du Royaume.
1790.
DE L’ ADRESSE
AUX AMIS DE LA PAIX^
Qii Vuniqiie moyen de fauver la France,
Point de Banqueroute , point de Guerre civile j
point de DerpotUme :
Mats ,
Une recoiide Aflfemblée Nationale*
titre de Vadreffe aux Amis de la Paix^
m’a féduit ; & malgré mon ferment de
ne lire aucune des brochures du rnoment^
j’ai lu celle-ci ; j’ai fait plus : je n’ai pu
réfifter à l’idée de lui donner un fupplé-
A 2
<: 4 >
fîient^ car cet ouvrage n’eft fait qu’à
moitié.
Après l’avoir lu , je n’aî point été
furpris que Fadreffe aux amis de la Paix
ait été cenfurée par tous les partis; ces
hommes qu’on appelle ariftocrates , ont
regardé Fauteur comme un démagogue
un peu mitigé ; & ces démagogues à leur
tour, ont dû le traiter d'ariftocrate dé-
guifé ; tout cela devoit être : & tel eft
Fefprit des partis : Fami de la paix eft
Fennemi de tout le monde.
Pour moi , fans approuver plufieurs
idées de Fauteur de cet écrit, je rends
plus de juftice à fes intentions, & j’ap-
perçois clairement que fon grand &
véritable objet eft d’écarter la guerre
civile fufpendue fur nos têtes , comme le
tonnerre dans un nuage : il n’a vu pour
rétablir l’ordre public, d’autre moyen
que d’exécuter fans délai , les décrets
de 1 Affemblée nationale. Et pour faire
exécuter ces lois , il a dit fimplement que
fans être les plus convenable peut-être à
une grande Monarchie, elles étoient du
t s 5
tnoîns infiniment meilleures que celles
de notre ancien gouvernement j enfin ,
il leur a trouvé l’une plus grandes
perfedions que puiflênt comporter les
défauts des confiitutions humaines , c’eft
la facilité d’être corrigées. En un mot,
i’efprit de cet ouvrage eft de tâcher
parvenir à la paix en fe gliflant
les dilTentions.
Mais moi , j'ajoute avec franchife ce
que l’auteur n’a point
dis avec lui , que pour
public , écarter la guerre civile ,
venir la banqueroute, il faut exécuter
fans délai [les décrets de_, l’Aflemblée
nationale.
Mais j'ajoute hautement , que fi dans
les premières Afifemblées de départe-'
mens, on ne fe hâte pas de nommer
de nouveaux députés, & de former une
fécondé AlTemblée nationale, nous n’évi-
terons ni la banqueroute ni la guerre
civile , & la France eft également
perdue.
En deux mots : obéir fans
A 3
CA )
aux lois de là première Affemblée na-
tionàîè , mais' etl ‘former une fécondé
fanfs 'aucun retardement voilà le précis
ffétoutes mes idées, & je leur ajouterai
peu d’ëtendàe j déjà ces germes m’ont
paru prefque-dételoppés dàhs tous les
efprits.- ' ■
' ? , r c- ' '
PREMIERE PROPOSITION.
Sip hons n'exêmtons pas fans délai les
' ' décrets de V'Ajfèmhlée nationale y nous
nous expojvns n la guerre ' c 'ûsllè ^ & à
la b anqiieroüte/
Cette vérité efi: frappante pour qui-
éÔnqiie obferve attentivement la fitua-
rion'des efprits & des affaires 5 & ce
qui' prouve que les citoyens les moins
àttëntïf la fentént'^ confufément 5 c’eft
rélârme vraiment générale j^ même fous
lès dehors de la confiance 5 ceux ' qui
affeôent le plus de fe raflurer , ne cher-
chent au fond qu’à mentir^ s’ils le pou-
voient^ à eux-mênies.
( 7 >
Je me contenterai d’une fimple ré-^
flexion : dans les circonftances où nous
fommes , la banqueroute & la guerre
civile peuvent être également effet ou
caufe Tune de l’autre : il eft certain que
fi nous avons la guerre civile ^ elle en->
traîne la banqueroute ; & fi Tétât fait
banqueroute , nous aurons infailliblement
la guerre civile.
Or, remarquez-le bien, mes ConcP
toyens , déjà les portes de ces deux
fléaux font par-tout entr’ouvertes : par-:
tout vous verrez s'agiter & s’accumuler
les caufes qui annoncent la guerre civile î
là plus violente divifion dans les efprits;
le défefpoir , la rage dans un parti qui ,
depuis deux mois , ne cefTe de fe for-
tifier fourdement par de nouveaux mé-
conîens 5 la haine & , pour ainfi dite ^
la licence de la viftoire dans le parti
contraire qui , fans Tappercevoir , perd
infenfiblement fes forces j des violences
particulières exercées depuis fix mois ,
& qui ont fervi comme d’efiai à la vio-
lence générale 5 à Theure même où j’écris
A4 ‘ ^
( 8 )
ceci ^ des armées entières roulant dans
les provinces (i)> fans refpe£t pour l’or-
dre public 5 & bravant tous les pouvoirs
légitimes 5 cette multitude de citoyens
armés ne fe réuniflant quç pour jurer la
guerre aux autres citoyens , fous le pré-
texte de fe jurer la paix entr’eux 5 en
même-temps lacapitale divifée en foixante
diftrids 5 qui font autant de foyers de
dilTentions particulières , où fe préparent
les alimens d’une guerre civile ; enfin ,
l’AiTemblée nationale elle-même offrant
à fes commettans , à l’Europe , au mon-
de entier , le fpeftacle d’un champ de
bataille ^ plutôt que celui d’une Aflem-
blée de légiflateurs 5 & pour comble de
maux 5 l’antique , autorité de nos rois ,
fondée fur nos fentimens & nos habitu-
des , bafes bien plus profondes chez
l’homme que la raifon même ; cette au-
torité qui lioit 5 qui contenoit toutes les
parties de l’état, méconnue , méprifée &
même fufpeétée , les idées les plus infen-
(î) Dans le Dauphiné.
( 9 1
fées , 8c les projets les plus finiftres naïf-
fans de ces fentimens fi nouveaux , oour
nous 5 difons tout , la conviftion prefque
générale qu’il exifte dès l’origine de
rAlTemblée nationale , une confpiradon
d’hommes ambitieux & profonds^ qui fe
font de nos palîîons un inftrument pour
nous ruiner par nous-mêmes , & s’élever
enfuite fur les débris du trône 8c de la
Nation : à la vue de ces caufes réunies ,
ne peut- on pas dire que la guerre civile
nous enveloppe déjà , qu’elle nous me-
nace 5 qu’elle s’approche , qu’elle nous
prelTe , 8c que fon image terrible vole
fans ceife autour de nous ?
Confidérez enfuite , bons Citoyens ,
tout ce qui peut nous annoncer la ban-
queroute de l’Etat : l’écoulement fubit
d’une partie de notre numéraire , 8c le
relTerrement général du refte j la dimi-
nution fenfible de tous les genres de con-
fommation , l'^interruption de tous les
travaux , l’indigence des ouvriers , l’a-
néantifTementdu commerce, la fource des
impôts tariflTant de moment en moment j
( lo >
la défiance générale croiflant avec la mi-
sère ; & cette fameufe partie des finances
appuyée fur le crédit ^ dernière jeflburce
contre la banqueroute ^ croulant de toutes
pans fous les effôrts continus de la dé-
fiance & de la terreur publique 5 & ce
qu’il y a de plus déplorable , toutes ces
caufes fe fortifiant chaque jour ^ chaque
minute , l’une par raatre 5 la misère
générale détruifant le crédit , & le décri
général augmentant la misère publique.
Bons Citoyens^ ne faudroit-il pas fe com-
plaire à s’aveugler foi-même pour ne pas
voir les approches rapides de la banque-
route la plus complète ?
Réfumons ces cruelles idées ; fi dans
ce moment de fermentation générale 5
pour l’organifation des Affemblées po-
litiques 5 il fe commet en^ quelque partie
dü royaume ^ & fur-rciit à Paris ^ urr
feul afté de violence qui commence la
guerre civile ^ , vous la verrez aiiffîîôt
couler err torrent d’un bouf dli royaume
à l’autre , & fe banqueroUfe , fuite in-
faillible* “'de fe' guerre 5 fera le moindre
de nos maux.
( îr )
Si dans ce moment encore Tordre ne
ie rétablit pas avec célérité , fi les con-
fommatîons & les dépenfes des citoyens
riches ne reprennent pas leur cours , fi
le commerce ne fe ranime point, fi tes
impôts enfin tarilTent , ou s’aflbiblifient ;
fi le crédit tôU jours appuyé fur les im-
pôts & les rîcheffes de la Nation ^ refie
languifTant y la banqueroute efi' inévi-^
table , & la guerre civile arrivant à la
fuite comblera nos malheurs ; -car i! cft
împoflîble d’organifer le royauméj s’il eft
üne fois en état de banqueroute.
* Hommes fenfibles ! pourriez-vous le
croire ? Quelques âmes atroces ofent
mettre en queftion , fi la guerre civile
ne feroit pas un remède violent , mais
néceffaireà nos maux. ^ "
La guerre civile un remède ! infenfésf
& furieux que vous êtes ! la guerre ci-
vile feroit un remède aux maux de TE-
fat , comme le fuicide cft un remède
aux maux de Thomme ; car enfin, la
guerre civile eft le fuicide de la fociété.
Avec cette différence énorme ^ d’après*
/
l IZ )
ïe fuïcîde , le malheureux du mains ne
fouffre plus ; au lieu qu’après la mort de
TEtaî , tous les citoyens (ouffrent^ & qu’à
peine les générations fuivantes peuvent
reprendre un peu de vie dans le fein de
cette deftruftion générale.
La guerre civile un remède ! eh ! pour
qui depuis le dernier homme du peuple^
jufqu’au Monarque, ne feroit-elle pas le
plus affreux malheur ? Tous les citoyens
épouvantés & cachant leur perfonne & leur
fortune j tous les arts , même les plus
néceflaires , fufpendus à-la-fois j l’agri-
culture interrompue ; les campagnes pil-
lées , incultes & défertes ; les riches
propriétaires fugitifs ou foldats , par- tout
la haine , par-tout la misère , l’hor-
reur , & la famine enfin furvenant
comme un effet néceffaire de ces exé-
crables caufes voilà le remède qu’on ofe
envifager.
Ah î périfle , périffe à l’inftant qui-
conque ne facrifîeroit pas une partie de
fon fang pour éviter une guerre civile !
Non , mes Amis j non ^ mes Concitoyens ,
C 5
le mot feul en efl: horrible ; craignons
même de le prononcer } & s’il falloit
choifir une illufion ^ croyons que la
guerre civile efl: impoffible mille fois
plutôt 5 que d^ofer penfer un feul inftant
qu’elle peut être utile. Une telle penfée
efl abominable ; elle efl même un crime.
Et tout efprit capable de s’y arrêter un
moment ^ tient à un cœur méchant.
Et que nous refteroit-il après la guerre
civile ? O mes Concitoyens , la dernière
de nos calamités feroit le plus affreux
defpotifme ; un defpotîfme tel qu’il épou-*
vanteroit nos rois même. Plus de pou-
voirs intermédiaires ^ plus de réfiftances
légitimes , plus de bornes , plus rien
entre le Monarque & le Peuple qu’un
vafte cercueil ; & il ne s’agiroit plus que
de favoir lequel du Monarque ou du
Peuple y feroit englouti. La guerre après
Tefclavage , & Fefclavage après la guerre ,
telles feroit en deux mots notre fatale
hiftoire. Ah ! fi vous voulez éviter ces
malheurs 5* hommes fages , fâchez les
prévoir 5 fâchez les craindre.
( 14 )
Ce n’efî: plus le moment d’eîcamînef
fi TAiTembiée nationale eft fage ou in-
fenfée ^ fi fa confiitution convient ou non
à une monarchie 5 fi fes lois font bonnes
ou mauvaifes j ce font des lois 5 ce mot
feul fuffit : dans un naufrage , il faut fe
jeter fur une planche , même pourrie ,
fur-tout quand le rivage n’eft pas bien
loin. Les lois de l’Afiemblée nationale >
quelles qu’elles foient , peuvent nous
arracher feules à l’anarchie ; l’ordre
qu^eües établilTent , fût-il mauvais par
rapport à nous, n’importej c^eft un or-
dre quelconque 5 & maintenant nous
n’avons rien à faire qu^'à fortir de la li-
cence 5 nous chercherons après à loifir
des lois meilleures j mais aujourd’hui il
nous faut des lois.
Hâtons-nous donc, le temps prefie 5
hâtons -nous d’exécuter les décrets de
rAfîemblée nationale ^ & d’organifer
nos AlTemblées politiques des munici-
palités 5 des diftrifts & des départe-
mens. Que tous les gens de bien ac-
courent de toutes parts j qu’ils fe li-
t 15 )
guent entr’eux pour le falut de la
Patrie 5 aflez d^autres confpîreront pour
fa perte ; qu’Üs cherchent par-tout la
probité , les lumières ; qu’ils s’attachent
au mérite comme l’ombre à fon corps 5
que tout intérêt particulier celTe ; que
ia jaloufîe fe taifej qu’ils n^oublient rien
pour déconcerter les cabales ' & • les ca-
lomnies des méchans 5 qu’on voie les fuf-
frages de tous les hommes irréprocha-
bles de chaque ville , fe réunir fur la têre
des dignes citoyens , comme une pure
lumière qui éclaire à la fois leur vertu,
& Popprobre des hommes fufpeûs qu’on
ofera leur oppofer.
En un mot , bons Citoyens ^ que les
deux règles de votre conduite , dans
l’exécution des lois nouvelles pour l’or-
ganifation du royaume, foient la célérité
& la probité; & ne perdez jamais de
vue que de ces deux chofes dépendent
entièrement le falut de l’Etat & le
vôtre.
( x6 )
SECONDE PROPOSITION.
Si ^ dans les premières ajfemhlées de dé-*
partemens ^ on ne nomme pas de non*
veaux députés pour former une fécondé
légijlature 5 la France eft également
perdue*
J’avance hardiment , que fî cette
première AlFemblée nationale dure en-
core quatre mois , la ruine de la France
eft infaillible.
2^. Je foutiens aufîî que fi nous for-
mons avant trois mois une fécondé lé-
giflature ^ le falut de la patrie eft encore
pofîîble.
Je vous rappelle ici deux vérités qui
font aujourd’hui dans tous les cfprits ,
dans toutes les bouches.
' La première , que fans la confiance
publique 5 il eft impofîîble qu’une aflem-
blée de nos repréfentans falTe jamais
quelque bien , & que j dans les circonf-
tances où nous fommes, il n’eft pas
moins
( 17 )
moins impoffible qu’elle ne fafle des
maux irréparables.
La fécondé vérité , c’efi: que notre
Affemblée légiflative aftuelle , n’a plus
ce degré de confiance néceffaire 5 que
dis-je ? la défiance croît de jour en jour :
bientôt elle fera à fon comble ; & les
effets de ce fentiment feront terribles
Je ne veux point ici faire une fatire
des perfonnes 5 mais .fans manifefter au-
cun' nom 5 je puis me permettre de vous
rappeler l’opinion publique fur les hom-
mes qui compofent votre Affemblée na-
tionale. Souvenez-vous de tous les juge-
mens que vous entendez porter depuis
fix mois, & jugez après de la confiance
de la Nation pour fes légifiateurs.
Parlez-vous à ceux qu’on nomme arif
îocrates , ils vous difent que rAffemblée
eft une cabale de démagogues , qui pré-
cipitent ^ les uns par paiîîon ^ les autres
par fyftême ^ l’Etat dans une affreufe
anarchie. Interrogez- vous un homme
populaire ^ il vous dira qu’elle eft infec-
tée à.' ariftocraîes qui ne refpirent que le
B
) t
( >8 }
plus lâche defpotifme : mais démandez
férieufement à tous s’il n’y a pas des
hommes factieux , des efprits dangereux 9
& pourtant accrédités dans TAffemblée
nationale ÿ tous après avoir héfité peut-
être ^ finiront , s’ils font fîncères par
l’avouer en gémiffant.
Demandez à tous , ce qu’ils penfent
de l’empire odieux des galeries fur i’Af-
femblée nationale , & tous s’en indi-
gneront : demandez-leur quelle idée ils
fe forment du trouble indécent & ridi-
cule , s’il n’étoit pas terrible , qui règne
dans cette AlTemblée de légiflateurs ; &
vous trouverez dans tous les efprits
des idées de mépris , de pitié ^ ou de
terreur.
Demandez à tous ce qu’ils penfent
de racharnement précipité de l’AfTem-
blée nationale , à ruiner jufques aux
derniers fondemens de l’ancien gouver-
nement 9 & vous en verrez bien peu
qui n’éprouve cette efpèce de frayeur &
de triftefle qu’infpirent de vaftes ruines
au milieu d’un défert.
( ip )
Demandez à tous s’ils penfent qu’on
puiffe impunément retirer à un peuple
quelconque , & fur-tout à un peuple
corrompu , & fans morale civile , le
frein quel qu’il foit de fou ancienne re-
ligion 5 ils foupireront , en convenant
que nous fommes livrés fans défenfe à
toute la perverfité de ces hommes qui j
n’efpérant prefque rien du bénéfice des
lois J ne craindront plus rien des ven-
geances de Dieu.
Demandez à tous quel jugement ils
portent fur des légiflateurs qui foulèvent
d’abord toutes les paffions du peuple , 8c
le précipitent dans la licence où ils le
laiffent , pour s'occuper enfuite de lui
faire lentement des lois.
Demandez aux hommes fages s’ils
trouvent beaucoup de fagefle à donner
une grande puilTance à ce peuple , après
qu’il a contrafté l’habitude d’en abufer.
Nous tremblons j vous répondront- ils ^
que nos députés n’aient fait le terrible
échange du defpotifme d'un feul^ contre
la tyrannie de tous ou de plufieurs ^ &
B 2
( 20 )
nous ne pouvons regarder , comme fages^
des hommes qui , pour rendre libre un
peuple avili ^ le jettent avec violence au
milieu de la liberté , au lieu de Vy con-
duire avec ménagement pour l’y établir
avec précaution.
Parcourez ainfi toutes les conditions ,
toutes les profeflîons ; fi vous en exceptez
de jeunes enthoufiaftes fans réflexion , ou
des hommes indifférens & imprévoyans ,
pour qui tout ceci n’efl: qu’un grand fpec-
tacle 5 vous ne trouverez perfonne à qui
vous ne furpreniez la défiance dans
l’ame , en affeélant même de mettre la
confiance dans fa bouche, & quand vous
aurez prelTé leur confcience , il n’en efl:
point qui ne s’écrie en foupirant^ quand
tout ceci finira-t-il ?
Voulez» vous enfin ^ mes Concitoyens ,
juger facilement de la fiîuaîion aûuelle
de l’opinion publique à l’égard de l’Af-
femblée nationale , je vais vous offrir
un moyen bien fimple. Rappelez-vous
que dans les premiers temps de notre
révolution ^ nous n’étions inondés que
( 21 )
d’écrits favorables à l’Aflemblée natio-
nale , jufqu’à l’enthoufiafme , jufqu’au
, délire : alors , écrire contr’elle , étoit
un opprobre ^ & meme un danger. Main-
tenant tout eft changé , & nous voyons
précifément le contraire ; tous les jours,
8c de toutes parts , fortent des écrits
qui attaquent l’Aflemblee nationale fans
ménagement , 8c nul ouvrage raifonna-
ble ne paroît pour la défendre : a peine les
journaliftes mercenaires, ces hommes qui
fondent leur repos fur le trouble public ,
8c femblent s’engraiffer du fang qu’on
verfe , à peine ofent'-ils oppofer quel-
que digue à ce torrent. Du moins leur
ton d’infolence 8c de fureur eft fenfi-
blement affoibli.
On reproche à rAffemblée nationale ,
fa précipitation dangereufe à tout dé-
truire ; la France écoute en filence ; tout
eft muet , 8c nul ne répond pour jufti-
üer l’Aflemblée.
On lui rep'roche les faûions qui la dé-
chirent , le défordre 8c l’indécence qui
l’aviliffent , les conjurations même qui la
B 3
( 22 )
déshonorent ; la France écoute i & nul
ne répond pour juftifier.
On lui reproche l’anarchie populaire ,
le mépris dont toutes les lois font flé-
tries : mille violences qui ^ fur la face en-
tière du royaume, attaquant les citoyens
de diftance en diftance , les épouvantent
tous à»la-fois ; enfin , tous les préfages
d’une ruine prochaine. La France écoute,
& nul ne répond pour juftifier : mes Amis ,
que diteS'Vous de ce filence ?
Sans doute quelques hommes de parti
vous diront que tous ces écrits du jour
ne font que des libelles dignes du plus
profond mépris. Mais que cela eft bien-
tôt dit ! rappelez-vous que les hommes
d’un parti contraire vous en difoient
autant , en parlant des écrits pafTés ^
n’écoutez donc ni les uns ni les autres ^
& jugez vous-mêmes : dites-vous bien ,
que cc changement , fi fenfible dans
les écrits publics , annonce le même
changement , dans les idées de ceux
qui les îifent : car fi le petit nombre
de nos grands ouvrages a formé l’opi-
( 23 y
mon publique , foyez bien furs que c’eft
l’opinion publique qui détermine à fon
tour la foule des petits écrits. Ils reffem-
blent au tocfin qui annonce le feu ^ mais
qui ne le met pas : & , de bonne foi ,
quel écrivain voudroit perdre fa peine ,
rifquer fon honneur ^ & fa vie même
pour écrire contre une Aflemblée lé-
giflative que le peuple toujours extrême
idolâtreroit bientôt , pour peu qu’elle
obtînt d’abord fa confiance ? Ne feroit-
ce pas aller dans un temple rempli de
fanatiques , pour en profaner les myftè-
res ? Pourquoi , fi les libellîftes avoient
cette fureur courageufe ^ n^écrivoient-ils
rien il y a quatre mois ^ & ne ceffent-ils
pas d’écrire aujourd’hui ? ont-ils changés
de cœur 5 ou le public a-t-il changé
d’opinion ?
Cependant que fait notre Aflemblée
nationale au milieu de ce torrent qui
Tentraîne malgré fes efforts ? le croi-
riez-vous ? elle s^occupe à chercher des
lois contre les libelles : ah î qu’elle nous
faffe des lois fages pour l’ordre public :
B 4
(. 24 )
qu’eîîe foit elle-même fage & bien or-
donnée 5 comme les lois , & tous les
libelles difparoîtront comme de vains
phantômes.
. Mes Concitoyens , ne nous y trom-
pons pas , car cette erreur pourroit
nous coûter bien cher ; il eft trop vrai
que notre AlTemblée nationale a perdu
ce degré de confiance ^ fans lequel tout
bien eft impoffible , & tout mal eft
prefqu’inévitable. Je ne veux plus rien
ajouter aux preuves de cette cruelle
vérité. Elles pourroient reflembler trop
à la fatire ; & pourtant elles ne mon-
treroient dans une grande alTemblée
d’hommes , qu^un malheur bien com-
mun chez l’efpèce humaine ^ celui de
fe tromper : elles ne montreroient encore,
dans une alTemblée de François , qu’un
malheur bien commun chez la Nation
Françoife , celui de fe tromper à force
de précipitation. Contentons-nous de jeter
maintenant un coup-d’œil rapide fur les
^onféquences de cette défiance devenue
-prefque générale.
( 25 )
Sans notre confiance , l’Aflemblée na-
tionale ne pouvoir pas faire des lois ; &
fans notre confiance , les lois qu’elle fera
ne fauroient être utiles , le même prin-
cipe qui a produit la C9ufe 5 déterminera
les effets.
Appliquons d’abord ceci à nos finan-
ces. Vous favez que cet objet comprend
aujourd’hui toutes les fortunes des ci-
toyens.
Nous formons une nation agricole Sc
commerçante j & comme parmi nous l’i-
négalité des fortunes eft extrême , le
mouvement 8c la vie de l’Etat exigent
que les citoyens riches dépenfent , fans
relâche , leurs revenus ^ afin d’animer à-
la-fois les arts ^ l’agriculture , le com-
merce , 8c foutenir tous ceux qui ne
fubfiftent que par l’agriculture , le com-
merce 8c les arts.
Si je vous difois : tous les citoyens
riches vont s’expatrier ou cefler toutes
dépcnfes pendant quatre mois feulement,
vous vous écrieriez : l’Etat eft ruiné j 8c
dans l’indigence univerfelle ^ une guerre
■(Z6j
inteftine & une révolution feront inévita»
bks. Eh bien ! mes Amis , nous en ferons'
bientôt réduits à cette terrible extrémité 5
d'un côté , les plus riches citoyens fe
font expatriés , & de l’autre , ceux qui
relient reflerrent toutes leurs dépenfes.
Or , maintenant , qu’arrivera-t-i! ? c’ell
à vous de le dire.
Prétendrez - vous que j’exagère les
faits ? Eh bien ! ne m’en croyez pas j
interrogez 6c obfervez ; parlez à tous
les citoyens ; jetez un coup d’œil fur
l’intérieur de toutes les maifons j là , vous
trouverez des domeftiques renvoyés , ou
des équipages fupprimés. Ici une dimi-
nution fenfible dans les confommations
de la table j ailleurs , dans les dépenfes
de parures 8c de fuperfluités j enfin par-
tout , d’un bout du royaume à l’autre ,
vous n’entendrez que ces mots ^ écono-
mie & crainte ; ces mots qui font vivre
une petite démocratie pauvre , 8c qui
tuent une ancienne 8c grande monarchie,
agricole 8c commerçante.
Or, maintenant, réuniffez dans votre
t 27 )
éfprît toutes ces économies particulières
qui fe répètent dans chaque maifon de
ce royaume , & calculez ^ fi vous pou-
vez , la diminution du travail des arti-
fans & des cultivateurs ; allez enfuiîe dans
les divers ateliers ; qu’y trouverez- vous ?
des indigens , ou des hommes à la veille
de le devenir. Déjà nos villes refîembient
aux plus malheureufes de Tltalie^ où la
moitié des habitans donne l’aumône à
l’autre.
Demandez-vous enfuite quelle eft la
caufe de ce défafire général , de cette
efpèce de paralyfie unîverfeîle , & bientôt
mortelle 5 quelle autre en pourrez- vous
aflîgner ^ que le défaut de confiance ?
Chacun fe dit en fecret à lui-même :
gardons ce que j'ai , parce que dans un
mois , dans deux mois ^ ignore ce que
j"" aurai. Vous trouverez cette penfée ca-
chée dans le cœur de tous ceux qui
n’ofent pas la produire. Eh ! comment
ne la formeroit-on pas ? Les idées de
ruine & de dangers nous affaillent de
tous les côtés 5 elles fortent de tous les
< 28 )
ëvénemens de toutes les chofes ; on ne
voit que trouble^ difcorde, incertitude 5
nous n’avons pas encore la guerre civile 5
mais on diroit que chacun s’y prépare ^
enfin , à moins d’êîre abfolument infenfé ,
il eft impofîîbled’envifagerjdans un pro-
chain avenir , un état vraiment fiable :
quel efi le réfulîat de cet enfemble con-
tinuel de faits & de penfées ? La dé-
fiance ^ la défiance 5 & le propre de la
défiance , eft de croître ou décroître fans
mefure. Elle n’eft jamais fiationnaire.
Quelle caufe , bons Citoyens, a rendu
ftériles tous les emprunts propofés par
l’AfTemblée nationale ? La défiance. Quel
motif tarit la contribution patriotique ,
en refferrant tous les cœurs ? La défiance.
Enfin 5 pourquoi l’établiffement des bil-
lets de la caifle d’efcompîe , ce dernier
expédient de nos finances^ cette relTource
unique, dont nous attendions notre falut,
eft-elle fans effet ? parce que tous les
efprits font pénétrés de défiance.
Mais, ce qui m’étonne moi , mes Con-
citoyens , c’eft de voir, tant d’hommes
( 29 )
éclairés courir après une chimere 8c
chercher l’art de bâtir un édifice fans
fondement. Eft-il poffible , dites-le moi ,
qu’aucun fyftême de finances fe foutienne
direaement ou indiredement , je ne dis
pas feulement fans impôts , mais fans la
confiance dans la certitude des impôts ?
Or-, dans un état où la défiance delTè-
che de jour en jour les fourçes des im-
pôts , en tariflant celles des arts & du
commerce , comment voulez-vous fonder
un fyftême de finance y 8c fur-tout un
fyftême de finance qui ne s’appuie que
fur le crédit.
Vous me direz qu’on ne prétend ap-
puyer le crédit que fur les biens du
Clergé ^ 8c non fur les impôts ; mais en
vous paflant cette réponfe , toute infuf-
fifante qu’elle eft, en êtes- vous plus avan--
cés ? Qui ' de vous a confiance dans la
vente des biens du Clergé ? Avant que
ces biens puiiTent être vendus , ne faut-
il pas liquider les dettes de ce corps ;
afljgner le paiement des créanciers ; affi-
gner le paiement des Eccléfiaftique vi-
( 3 ° 5
vans ; choîfir les biens à vendre ; régler
la manière dont ces ventes feront faites ?
Qui ne voit qu’avant une année nul bien
du Clergé ne pourra être vendu ni acheté ?
Et dans une année , fait-on ce que fera
la France ? Sera-î-elle une monarchie ?
Ne fera-t-elle qu’une vafte anarchie j
La fécondé AfTemblée nationale que
voudra- t-elle dans une année ? Approu-
vera-t-elle le décret fur les biens du
Clergé 5 on ne le révoquera-t-elle point?
On tombe dans un océan d’incertitudes
& de défiances.
Et d’ailleurs , ne voyez- vous pas que
le premier effet de la défiance générale
eft de porter tous les propriétaires à
vendre, parce que la feule fortune réelle,
dans ce moment , eft l’argent comp-
tant. Or , quand une foule de proprié-
taires voudront vendre leurs domai-
nes (i) , dans le même temps où TEtat
voudra vendre ceux du Clergé ^ à quel
(i) Oîrprétend qu’il y a' maintenant cinq mille
terres nobles ou féodales à vendre dans le royaume.
( 31 )
aviliflement expofez-vous tous ces biens ?
& voyez à quel point la défiance croîtra
par la défiance même.
LailTons ces détails , & revenons à ce
point capital : tout fyftême de finances
eft une chimère , & le rétablilTement de
la fortune publique eft impoffible , fi
vous ne ranimez auparavant par la con-
fiance les fortunes particulières , atta-
quées dans toutes leurs parties , par la
terreur générale.
Ce que je viens de dire fur les finan-
ces 5 eft également vrai de la conftitu-
tîon politique : faute de confiance dans
les légiflateurs , chacun s’alarme aujour-
d’hui fur leurs lois. Voyez en effet tous
les hommes fages modérés , méditer
leur retraite , & s'^éloigner de tout ce
qui tient au Gouvernement, comme d’un
piège & d’un péril. Ces fentimens de
défefpoir éclatent de toutes parts , dans
ce moment fi décifif de l’organifation de
nos Affemblées politiques : en même
temps , & par un effet de la même caufe,
les intrigans , les hommes fufpeûs fe
( 32 )
raniment 8c s’avancent par l’efpérancé'
que leur donnent la retraite 8c le décou-
ragement des gens de bien. Déjà le bas
peuple agité dans toutes les villes du
royaume , trouble la paix publique , com-
me ‘le mélange de la lie aigrit la liqueur
la pius purcj déjà Tintrigue des hommes
pervers creufe par-deffous terre , tandis
que leurs calomnies fe répandent au-
defllis 5 déjà tous les poifons font ré-
pandus à-la-fois y depuis les places pu-
bliques , jufque dans l’intérieur le plus
fecret des maifons.
A la vue de ces mouvemens fî nou-
veaux 8c fî funefîes pour nous , toutes
les craintes augmentent , les cris redou-
blent , ' & par-tout on n’entend plus que
ces mots ^ par quels hommes allons-nous
être gouvernés ? Ainfî fe propage & s’ac-
croît la défiance publique 5 elle fe replie
autour de fa caufe comme ün ferpent
autour de fa tête.
Je n’infifte pas davantage fur cette
vérité d’une expérience éternelle ' : que
dans toute adminifiration publique j U efi
impofsible
( 33 ) •
inipoffible d'opérer le bien , & de ne pas
faire le mal quand le public a perdu toute
confiance dans fies adminiflraîeurs.
Où va donc nous conduire la dé-
fiance qui fait maintenant l’ame feérète
de tous les Citoyens ? Je le redis : elle
a caufé & caufera de jour en jour
davantage , la parcimonie de tous les
riches , l’interruption de tous les traVauSr ,
l’indigence de tous les ouvriers , toutes
les attaques particulières , tous les dé-
fordres de Citoyen à Citoyen , qui feront
les fuites de ce commencement d’état de
guerre : mais bientôt il fe fera néceiTai-
rement un effort dans toutes les parties
de l’Etat , pour fortir de cette fituatiofi
violente ; & cet effort répondant à fa
caufe ^ ne peut être qu’une guerre ci-
vile &. vraiment générale : quelle en fera
la mefure, la direftion , l’iffue ? Produira-
t-elle un^longue anarchie ^ où bien un
rapide delpotifme ? Je l’ignore î mais ce
que je vois très-évidemment , c'eft qus
nous fommes menacés d’affreux mal-
heurs.
C
< 34 -)
Cependant , bons Citoyens ^ calmez
vos alarmes , un peu de courage & de
confiance , 8c j’ofe vous le promettre ,
vous pourrez encore , en ranimant tout
à coup la' confiance publique, réparer
les maux que la défiance générale a
produits.
TROISIÈME PROPOSITION.
\
Une fécondé Affemhlée nationale peut,
fauver encore la France.
Oui , mes Concitoyens , elle peut ré-
parer tous les maux , parce qu’elle peut ,
à l’inliant , relever de toutes parts la
confiance , & par elle , la vie , l’ame ,
le mouvement & l’énergie du corps de
l’Etat.
Jugez fi cette fécondé AfTemblée
pourra nous fauver , puifque fa feule
efpérance eft ce qui nous i^utient en-
core. Oui , j’ofe le dire , fi nous n’efpé-
rions pas une fécondé légiflature très-
prochaine , toutes les parties de l’Etat
( 35 )
tonberoïent en difTolution ; & c’efl le
jour de Fefpérance , qui mêlant fes
doux rayons au nuage de la défiance , en
tempère encore les finiftres influences.
O ! fi quelque généreux Député por-
toit aujourd'hui dans ^l’AfTembléc natio-
nale cette motion :
Que le premier acte des AJfemblées pro^
chaînes de département ferait de nommer
les Députés pour la fécondé législature.
S'il ofoit fecouer avec force fur cette
mémorable motion , le flambeau de la
févère vérité j s’il déchiroit fans ména-
gement , aux yeux de rAfTemblée na-
tionale , les voiles qui de fi loin lui ca-
chent les plaies fanglantes , les plaies
horribles de la France ; s’il avoit le cou-
rage de leur dire :» plaignez-vous fi vous
» voulez de Finconflance du cœur hu-
)> main , ou plutôt plaignez-vous de la
» foibleffe humaine & des erreurs inévi-
» tables à notre efprit : mais la Nation
» n^'a plus en nous cette confiance , fans
)) laquelle nous ne pouvons rien que lui
w nuire. Peut-être le fentiment de fes maux
C 2
( 36 5
îa trompe fur ceux qui peuvent îa gué-
B nr ; mais imitons ces fages Médecins
î) qui fe font un devoir de s’éloigner du
î> lit de leur malade 5 quand ils voient
5) s’éloigner d’eux fa confiance j gardons-
J) nous bien de la préfomption coupable ,
de nous croire feuls capables de fauver
l’Etat 5 nous qui n^avons pu J’empê-
y) cher de pencher vers fa ruine. Ah ! fi
I) nous nous obftînons dans nos dange-
» reufes fondions 5 frémîlTons du moins
à la vue de la garantie de tous les évé-
>) nemens dont nous nous chargerions, Sc
î) dont l’épouvantable poids nous écra-
B feroit avant deux mois ; & de quel
B front , du fein de la difcorde , oferions-
B nous dire à la Nation , que d’autres ne
B feront ni plus unis , ni plus fages ^ ni
B plus éclairés que nous ? b
O mes Concitoyens ! n’enîendez-vous
pas , à cette falufaire motion , les accla-
mations de la France entière , comme
celle des matelots , quand d’un vaiHeau
prêt à s’engloutir , ils apperçoivent tout-
à-coup le rivage ? N’entendez-vous pas
( 37 )
tes frémiiTemens des ennemis de la
France , épouvantés de cette fucceffîon
de légiflatures ^ eux qui croyoient déjà
-voir notre tombeau dans la première ?
Et vous ^ de quelque condition que vous
foyez 5 Citoyens , je vous attelle ; à cette
feule efpérance , ne fentiriez-vous pas
votre confiance fe ranimer , 8c la joie
fuccéder à tant d’alarmes ? Ne voyez-vous
pas déjà au premier bruit de cette an-
nonce éclatante ^ les expatriés fugitifs
accourir 5 le clergé bénir le ciel ; la
noblefie refpirer j le numéraire rentrer
dans fes canaux , & circuler avec le
rétablilfement de toutes ks dépenfes 5
les confommations fe ranimer par la
douce, efpérance qui réveilleroit dans
tous les cœurs le défir fi naturel de jouir?
Ne voyez-vous pas l’arbre antique de
notre commerce végéter , refleurir , &
^produire dans toutes fes branches de
nouveaux fruits , attendus 8c recueillis
par la richelTe ? Ne voyez-vous pas
enfin la France abattue ^ couverte de
débris ^ fouillée de leur pouffière ^ fe'
C 3
( 38 )
relever tout-à-coup , les écarter avec
%ugueur 5 & fe montrer foudain debout ^
à Tunivers qui Tapperçoit d’un pôle à
l’autre ?
Alors les impôts fe rétablilîent ; alors
le crédit puife abondamment à leur
fource ; alors , en un mot , la Nation
eft riche de la richelTe des Citoyens 5
& les Citoyens font puiffans de la puif-
fance de la Nation. Quelle caufe pourra
produire cette étonnante métamorphofe ?
La confiance , la feule confiance , l’o-
pinion enfin , Topinion ^ la reine du
monde.
O mes Concitoyens î fi , profitant de
votre malheureufe expérience, vous avez
foin d’écarter de la fécondé Afiemblée
nationale , tous les hommes faftieux , d’un
efprit ardent , & d’un cœur fufpeft :
Si vous favez apprécier , à fa jufte
valeur , ce frivole & dangereux talent
de parler , à qui , fi fouvent , on prof-
titua le nom d’éloquence :
Si préférant des hommes d’un fens
droit & fimple ^ capables feulement d’ex-
( 39 )
jjofer fans fafte leur modefte & raifon-
nable opinion , vous avez appris à vous
défier de ces rhéteurs uniquement amou-
reux de leur efprit , jaloux du feul hon-
neur de bien dire j mais , au fond , pro-
fondément indifférens pour le bien pu-
blic , & n’ayant du patriotifme que fon
hypocrifie.
Si vous n’appelez enfin à l’œuvre des
lois 8c du bonheur public , que des
hommes vraiment fages , d’une probité
bien reconnue , de mœurs irréprocha-
bles , 8c fur-tout des hommes d’un ca-
raftère modéré : ah ! c’eft alors , mes
Amis , mes Concitoyens ; c’eft alors que
la confiance appuyée fur de folides fon-
demens , élèvera au-deflus de tous les
obftacles , nos efprits 8c nos cœurs : alors
on nous verra du fein de la mort , rem-
plir foudain notre vafte 8c magnifique
exiftence.
Gardez-vous , mes Concitoyens , gar-
dez-vous bien de vous laifler perfuader ,
8c de croire jamais que dans l’inftant
où vous formerez une aftemblée re-
C 4
( 40 )’
préfentative des chefs de famille de
votre département , aucune puiffance lé-
gitime puifle vous empêcher d’exercer
le droit de vous nommer de nouveaux
repréfenîans.
Défiez-vous , je vous le dis haute-
ment 5 des principes faux & rebelles
( remarquez bien ce mot ) que pîufieurs
faêlieux de l’Aflemblée^ nationale ont
ofé avancer contre la fainteté de leurs
mandats , & fur les limites de vos pou-
voirs ^ & l’étendue du leur.
Marquez ^marquez profondément dans
vos mémoires ces hommes infidelles 5c
hardis , vraiment coupables du crime de
lèfe Nation (i) ^ 5ç qui n’ont voulu
(i) Le crime de lèfe Nation / vingt accufations
font intentées contre ce délit, on les follicite , ces
accufations , on les mendie §C qui le croiroit ? Ce
délit n’eft pas encore défini : on n’en connoît ni la
nature ni les limites : tant que la Nation n’a été que
le Roi même; le crime de lèfe Nation n’étoit rien,
5c maintenant que chaque Citoyen voit la Nation
en lui ftul j ce délit efi: par-tout^ il embraiîe tous les
délits.
Les crimes de lèfe Nation !' ce font alTurémenÊ
( 41 )
troubler la fource de leur pouvoir y
qu’afîn de puifer les abus au courant.
N’oubliez jamais que vos Députés à
l’Affemblée nationale ne font que vos
mandataires ; qu^à ce titre ^ ils font ré-
vocables par vous & comptables envers
vous 5 ne vous laifTez plus furprendre à
cette méîamorphofe adroite des repré-
fentans de quelques-uns , en repréfentans
de la Nation entière , & voyez enfin que
cette efpèce de tour de gibecière , fous le
prétexte de foumettre vos Députés à la
Nation même, les élève au-deffus de
toute cenfure^ & les rend les defpotes de
toutes les faflions , toutes les cabales qui , du fein
de l’AfTemblée nationale , conduifent rapidemenr
la Nation à fa perte. Fraçois, Fraçois , vous ferez
donc toujours les mêmes ; toujours ardens, tou-
jours impétueux, toujours précipités, tantôt pre-
nant les mots pour des chofes , & tantôt les cho-
fes pour des mots ; ceux que vous n’aimez point,
vous parlent-ils ? les meilleures chofes ne vous
femblent plus que de vaines paroles. Sont-ce au
contraire les flatteurs de vos paffions qui vous'
entretiennent ? Alors toutes les paroles font des
chofes. O François, François, ne fongez-vous
jamais que l’Europe vous regarde ?
C 42
chaque Citoyen : concevez que la plu^
odieufe tyrannie , comme la prétention
ia plus abfurde feroit celle d’ufer de
vos pouvoirs maintenant., pour vous
empêcher d’exercer vos pouvoirs dans
l’avenir. Songez bien qu'aîors vos Dé-
putés , laîffaot tomber leur niafque , ne
vous offriront plus que des opprefleurs
mal déguifés , & qu^enfîn le ferment
même prêté par une Nation d^'obéir aveu-
glément à la volonté particulière de
quelques Députés , feroit un ferment nul
& dérifoire par fa propre énonciation.
» Une nation promet d’obéir fans exa-
î) men aux lois de fes fujeîs. Une Nation
I) fait ferment de fë taire & de refpeder
comme une chofe facréeles vices même
D qu^elle découvriroit dans les lois pro-
n pofées par une poignée de fes fujeîs ! o
Non J mes Concitoyens, jamais l’Af-
femblée nationale n’eut un fyftême fî
attentatoire à vos droits ^ & fi contraire
aux principes qu’elle a confacrés à la face
de Tunivers.
Si rAfiembiée de nos mandataires
( 43 )
exige des Milices nationales & des dîver-
fes Affemblées politiques , le ferment de
maintenir la conftitution 5 fans doute
elle ne veut ^ elle ne peut du moins
étendre Tobligation de ce ferment qu’au
maintien des lois portées par la première
Affemblée légiflative , tant que ces lois
ne feront pas révoquées par les AfTem-
blées qui la fuivront : elle a fenti , elle
confacrera par-là cette grande vérité ,
que les lois meme les plus fufpeâes font
un objet facré jufqu’à leur révocation ,
par un pouvoir légitime : ce ferment n’eft
donc que le ferment fait par tous les
Citoyens de réprimer les particuliers
rebelles.
Mais prétendre qu’un tel ferment foit
celui de limiter toutes les Affemblées
légifla'tives , pour n’obéir , fans réferve ,
qu’à la première, c’eft une lâche abfur-
dité 5 c’eft le ferment de l’efclavage.
Le premier devoir des Citoyens eft
d’obéir toujours aux lois , bonnes ou rnau-
vaifes ; le premier droit des hommes
libres eft de les examiner fans ceffe j &
( 44 )
îe premier , le plus beau privilège d’un
bon Citoyen & d’un homme fage , eft
de concourir à la réforme des erreurs de
fes lois.
Et par quel étonnant privilège la pre-
mière Affemblée nationale feroit-elle
ainfî diPdnguée de toutes les autres ^
comme le maître eft diftingué'des fujets ?
Seroit-ce en vertu de la bizarre & ridi-
cule diftinèlon entre le pouvoir confti-
tuant & le pouvoir conftitué , comme fi
ce prétendu pouvoir confiituant n’étoit
pas lui- même un pouvoir conftitué par
la Nation 5 & comme fi, à chaque légif-
laturcj, cette même Nation ne pouvoir
pas renouveler , varier ^ modifier à fon
gré cette cooftitution de fes pouvoirs ?
Par quels motifs tout ce que cette pre-
mière Affemblée a fait, feroit-il donc ref-
peâré comme fage , & tout ce que les
Affembiées fuivantes voudroienî faire ^
feroit-il fufpedé comme dangereux ?
Eft-ce parce que la première Affem-
blée a été compofée déleniens plus
contraire que jamais ne peut Fêtre
aucun autre?
( 45 )'
Eft-ce parce que nouvelle encore pour
ies plus grands objets de la politique ,
elle avoiç moins d’expériences & de
lumières que toutes les AiTemblées qui
la fuivront, & qui, joignant les lumières
aux lumières , Texpérience à Texpé-
rience , feront toujours plus dignes de
nous donner des lois ?
Seroit-ce donc parce que cette Aflem-
bîée a été le théâtre d’une difcorde qui
ne fera jamais rougir à ce point nulle
autre des Affembîées légiflatives ?
Seroit-ce enfin parce que cette pre-
mière Aflemblée a été déchirée par des
complots qu’on s’efforce de ne pas
croire , tant la feule idée du crime de
ruiner la Patrie efi: un tourment pour
l’imagination des gens de bien ?
Je m’arrête : il faut refpefter la pre-
mière Affemblée légiflative jufques dans
fes fautes } il faut reconnoître le grand
caraêtère que nous lui avons conféré par
notre volonté même ; il faut l’honorer
pour notre propre honneur.
Un fils fut maudit pour avoir révélé la
C 46 )
turpitude de fon père : maïs îa première
AITemblée nationale eft la fille aînée de
îa Nation : quelle mere n^a de rindul-
gence pour fes enfans , & même de la
foibleffe pour le premier ?
O mes Concitoyens, foyons juftes fur-
tout , & diftinguons toujours les bons Ci-
toyens , les hommes modérés & fages ^
qui formèrent une grande partie de cette
Airembiée nationale ^ retenons leurs noms j
rappelons-les à nos enfans ^ ne ks blâ-
mons jamais d'avoir courbé la tête fous
le defponfme irréfiftibîe des circonftan-
ces , & contentons-nous de bénir le ciel
de ne nous avoir point fournis nous-mêmes
à de fi difficiles épreuves.
Je termine cet ouvrage fait à la hâte ,
& qui n’efi: que le cri d’un cœur long-
temps opprelTé ; je ne l’ai entrepris ^ je
ne Tai publié que pour vous rappeler
vos idées mêmes & vos fentimens pro-
pres J échauffez-Ies dans votre cœur j
mûrilîez-les par de fages réflexions , &
pénétrez-vous bien de ces deux vérités :
vous avez le droit inconteftable de nom-
( 47 ')
nier dans vos premières Aflemblées de
département^ de nouveaux Députés pour
une fécondé Afîembîée nationale ; & li
x^ous n’ufez pas de ce droit i^ous êtes
perdu ; la banqueroute de TEtat & la
guerre civile font des événemens infailli-
bles.
Mais quels mandats donnera-t-on à
ces nouveaux Députés ? Ce n’eft pas
de cela qu^il s’agit aujourd’hui. Songez
au préfent ; l’avenir même vous donnera
des confeils ; renfermez-vous tout entiers
dans ces idées que je ne me lafle point de
vous répéter, que je voudrois vous graver
fur des tables d’airain.
Si vous voulez vous fauver^ ne perdez
pas un moment pour nommer de nou-
veaux Députés 5 & former une fécondé
Aflemblée nationale.
Si vous voulez vous fauver , fuppliez
le Roi d’affigner le lieu de la fécondé
Aflemblée nationale dans une ville
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