Termes les plus recherchés
[PDF](+33👁️) Télécharger Livre Bonheur Vii 11 pdf
livre du bonheur vii 11Télécharger gratuit Livre Bonheur Vii 11 pdf
M. Moleiro ♦ UArt de la Perfection
Le Livre du Bonheur
Bibliothèque nationale de France • Paris
Nous pouvons admirer, dans toute leur splendeur, les œuvres maîtresses
exposées à la Galerie des Offices, au Prado ou au Louvre, les sculptures
grecques ou de la Renaissance, les temples extraordinaires de l'histoire
de l'architecture. Cependant, il ne nous est pas permis de voir, sinon d'un
coup d'œil occasionnel devant une vitrine, l'œuvre enluminée d'artistes
qui ont fait l'histoire de la culture et de la civilisation.
Les difficultés s'accroissent à l'infini lorsque nous nous trouvons face
à un trésor si rare comme l'est le Livre du Bonheur. Œuvre d'une finesse
absolue réalisée sur l'ordre du sultan et calife le plus raffiné de toute l'his-
toire de l'Empire ottoman. Un sultan qui savait s'entourer des meilleurs
artistes, poètes, astronomes, cartographes et savants de tout type, et d'une
infinité de femmes qui lui donnèrent 103 enfants de son vivant et 7 après
sa mort, à seulement 49 ans.
Le sultanat de Mourad III prit un soin particulier pour protéger les
peintres de miniatures, les poètes et les artistes, les astronomes et les as-
trologues. Devant la Sublime Porte, tous ceux qui détenaient une certaine
réputation dans le monde des arts, de la divination ou de la médecine,
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
Écrin protecteur en cuir
trouvèrent une situation. Mourad III, à la différence de son grand-père
Soliman I er le Magnifique, se maintint toujours loin du champ de bataille,
et délégua de nombreuses responsabilités relevant de son gouvernement
à ses femmes, si bien que son sultanat est également considéré comme le
sultanat des femmes.
C'est à Napoléon Bonaparte et à son goût extraordinaire pour les
œuvres d'art les plus précieuses que nous devons à Paris la présence de ce
trésor, actuellement conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Le Livre du Bonheur marque un avant et un après dans l'histoire de
l'édition et de la reliure artistique. Il s'agit d'un clone de l'original, si dif-
ficile à distinguer de celui que Mourad III admirait tant, à tel point que ce
dernier se fit portraiturer sur le folio 7v en train de contempler deux de
ses miniatures, visiblement satisfait et vêtu luxueusement comme padishah
ou « le seigneur de l'univers ».
mm
moleiro.com • moleiro.com/online
Le Livre du Bonheur
« Que la fortune soit ta compagne
et la félicité soit ta sœur
Que la vie, la dignité et la fortune
soient durables »
■ Lors de la seconde moitié du xvi e siècle, l'Empire ottoman était le plus
vaste et le plus puissant : ses possessions s'étendaient depuis Budapest
jusqu'à Bagdad, d'Oman et Tunis jusqu'à La Mecque et Médine, près
de la mer Rouge ; il comprenait des villes de l'importance de Damas,
d'Alexandrie ou du Caire. Les Turcs se trouvaient aux portes de Vienne
et contrôlaient la route de la soie, la mer Noire et la moitié orientale
de la Méditerranée. Le sultan, avec sa cour et son harem, gouvernait
l'empire depuis Constantinople, où des architectes, des peintres, des
calligraphes, des orfèvres, des céramistes, des poètes, etc., œuvraient à
son service. Des sultans comme Soliman I er le Magnifique ou bien son
petit-fils Mourad III, cultivés et sybarites, devirent les grands mécènes
de l'art et les responsables du développement spectaculaire des ateliers
du Sérail, qui inventèrent un art proprement ottoman qui se déprit de
l'influence perse toujours présente au xv e siècle.
■ Le xvi e siècle et le début du xvn e représentent une période très fé-
conde pour la peinture turque ottomane, et l'époque de Mourad III
(1574-1595) fut particulièrement fertile en chefs-d'œuvre comme le
Livre du Bonheur de Mohamed ibn Emir Hasan al-Su'udi.
Commandé par le sultan lui-même (dont le portrait apparaît sur le folio
7v), il comprend la description des douze signes du zodiaque, laquelle
est accompagnée de splendides enluminures ; des prévisions concernant
les différentes situations de l'être humain en fonction de la conjonction
des planètes, des tables de concordances physionomiques, des tables
permettant l'interprétation exacte des rêves et un long chapitre sur la
divination grâce auquel chacun peut prévoir son destin.
Aussi bien les enluminures que les textes du Livre du Bonheur puisent dans
une grande variété de sources: le Coran, Les Mille et Une Nuits, Shâh Na-
mêh, Le Livre des merveilles de Marco Polo, le Livre des nativités d'Albumasar,
Ikhtilaj Namêh ou Livre des Spasmes, etc. Cependant, il y existe une grande
prévalence de Y Iskender Namêh ou Vie d'Alexandre le Grand, un héros qui a
influencé considérablement la littérature arabe, perse et turque.
Le monde oriental se déploie sous nos yeux dans chaque miniature : des
personnages mystérieux aux étranges postures, des vêtements exotiques
aux couleurs magnifiques, de luxueuses demeures et de somptueux pa-
lais, des mosquées depuis les minarets desquelles les muezzins appellent
les fidèles à la prière . . . Des chevaliers au port élégant se promènent sur
leurs chevaux stylisés et harnachés de riches parures. Des multitudes
d'animaux exotiques peuplent
les pages de ce manuscrit : d'exu-
bérants paons royaux, d'extra-
ordinaires serpents marins, des
poissons gigantesques, des aigles
et autres rapaces, des hirondelles,
des hérons et d'autres oiseaux.
Une section entière est dévolue
aux génies de l'imaginaire turc
médiéval, peuplé de démons me-
naçants et de bêtes fantastiques.
Toutes les peintures semblent
avoir été réalisées dans le même
atelier, sous la direction du cé-
lèbre maître Ustad 'Osman, actif
entre 1559 et 1596.
Le sultan Mourad III fut entière-
ment absorbé par l'intensité de
la vie politique, culturelle et sen-
timentale du harem. Il eut 103
progénitures, dont seulement 47
lui survécurent. Cependant, Mou-
rad III, dont l'admiration pour les
manuscrits enluminés surpassa
celle de tout autre sultan, com-
manda ce traité du bonheur tout
spécialement pour sa fille Fâtima.
Rapporté du Caire à Paris par
Gaspard Monge (1746-1818), géo-
mètre réputé et comte de Péluse,
il fut déposé à la bibliothèque au
nom de Napoléon Bonaparte.
Quasi-original
avec un tirage seul
et unique limité à 987
exemplaires numérotés
et authentifiés par
acte notarié.
Bibliothèque
nationale de
France
Cote: Suppl. turc 242
Date : 1582
Format : 310x210 mm
286 pages et 71 enluminures
pleine page richement ornées
à l'or fin.
Reliure turque en peau rouge
et verte ornée à l'or fin.
Étude monographique de 448
pages (230 p. avec la traduction
intégrale du texte ottoman),
illustrée par 109 images en
couleur.
Avec les contributions de :
Miguel Ângel de Bunes et
Evrim Tùrkçelik (Instituto de
Historia, Madrid), Stefano
Carboni (Metropolitan Muséum
of Art, New-York) # Yorgos Dedes
(School of Oriental and African
Studies, Londres), Gùnsel Renda
(Koç University, Istanbul).
Le sultan Murad III contemple le codex, émerveillé, f. 7v
La première miniature du Livre du Bonheur montre le commanditaire
de l'œuvre, le sultan Murad III. Le sultan est assis jambes croisées, au
centre non seulement de la miniature, mais aussi d'une estrade, d'un ta-
pis en guise de « médaillon central », de la chambre et, symboliquement,
du monde, en sa qualité de padishah ou « seigneur de l'univers ». Il est
très richement habillé, avec un cafetan sans manches et le grand turban
caractéristique des sultans ottomans du xvi e siècle. On voit trois murs de
la chambre, aux tons gais et peints avec une perspective rudimentaire. La
fenêtre que le sultan a derrière lui donne sur le jardin fleuri du palais ; les
deux qui se trouvent sur les murs latéraux demeurent fermées. Le reste de
la chambre est décoré d'un revêtement à'azulejos, d'une peinture imitant
le marbre, de dessins de couleur bleue sur fond blanc, et de trois vitraux
ou qamariyyas, avec un cyprès au centre.
Debout devant le sultan, et tout en bas de l'estrade, apparaissent deux
janissaires. L'un d'eux tient l'épée royale enveloppée dans une housse en
toile, et l'autre un pot sphérique en or, pourvu d'un col étroit et d'un cou-
vercle convexe, qui, s'il n'était un simple récipient destiné au vin, pourrait
passer pour un autre symbole de la souveraineté. Deux nains royaux dis-
traient le sultan, en jouant au bord d'un bassin alimenté par un jet d'eau
central et six tubes dorés en forme de tête d'animal.
Mais, ce qui attire particulièrement notre attention dans l'enluminure,
c'est la position de la tête de Murad III et ce qu'il y a sur le bureau, du
côté droit. Le sultan contemple, absorbé, admiratif et visiblement satisfait,
le codex qui repose sur le tiroir ouvert du bureau. Sur ses deux pages on
distingue clairement deux illustrations avec des signes du zodiaque et leurs
décans, comme celles qui occupent les folios 8v à 30v du manuscrit en ques-
tion. A côté, on voit d'autres livres, signe du raffinement du sultan et de ses
inclinations littéraires. Le bureau comporte aussi une caisse, haute et dorée,
qui renferme probablement une de ces horloges ou de ces ingénieuses mé-
caniques dont la royauté ottomane était particulièrement friande, et qu'elle
sollicitait souvent, comme cadeau, des ambassadeurs européens à Istanbul.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
L'image du Bélier (signe zodiacal), f. 8v
Chacun des douze signes du zodiaque du Kitab al-mawalid (Livre des nati-
vités) d'Albumasar est représenté dans un médaillon circulaire, presque
comme s'il était vu au travers d'un télescope, dans le ciel nocturne. Le
ciel bleu apparaît toujours barré par des petits nuages blancs et parse-
mé d'étoiles d'or. Le cercle avec le signe zodiacal domine le centre de
chaque composition, et s'inscrit dans un cadre rectangulaire enluminé
avec de l'or et souvent, aussi, avec d'autres couleurs qui constituent une
ornementation typiquement ottomane riche en volutes, en fleurs, feuilles,
pendants, médaillons et rubans. Cette ornementation diffère d'un cadre
à l'autre, même si elle répète des motifs similaires. Le cadre est couronné
par un cartouche rectangulaire qui indique le titre de l'illustration écrit
en cursive muhaqqaq d'or, toujours avec les mots « taksim-i derecat-i burc-i... »
(« image du signe zodiacal. . . ») suivis du nom du signe. Au pied de la com-
position se trouve un cadre rectangulaire divisé en trois espaces égaux
sous des arcs en plein cintre, où sont logées les planètes correspondant
aux trois décans du signe représenté plus haut.
Le Bélier est un mouton blanc vu de profil. Une de ses pattes empiète
sur le cercle qui limite le médaillon à sa base, tandis que les deux pattes
de devant sont relevées comme s'il était au galop, dans une position sans
doute dérivée de la représentation astronomique la plus commune de la
constellation du Mouton. Ici, le Bélier est un animal apprivoisé, avec cou-
verture et selle, étriers, rênes et collier doté d'une clarine.
La planète qui régit le signe du Bélier est Mars, figuré par un guerrier
avec moustache qui brandit toujours une épée de la main droite et sou-
vent, comme ici, tient une tête coupée dans la gauche. L'attirail militaire de
Mars est ici réduit à l'épée, son fourreau et un casque haut, probablement
inspiré par la coiffe des janissaires ottomans. Le reste de son habillement est
simple : chemise à manches longues, pourpoint à manches plus courtes,
richement brodé, pantalon ample, ceinture et bottes.
Les planètes secondaires associées aux trois décans sont, de droite à
gauche : Mars de nouveau, avec ses jambes croisées, portant massue, bon-
net en pointe et long cafetan rouge ; le Soleil, un homme assis de face,
avec la tête auréolée de rayons de lumière ; et Vénus, une femme assise par
terre, jouant de l'oud.
moleiro.com • moleiro.com/online
La science de la physionomie appliquée
aux femmes et aux hommes
Les membres
Teint rougeâtre
Yeux bleus
Yeux globuleux
Yeux très rouges
Petite bouche
Joyeuse et agitée
Lèvre inférieure épaisse
La pointe de la langue
arrondie
Cou gras
Corps chaud, lèvres
rouges et torse ferme
Poitrine ferme
Fesses hautes
Tibias gras
Rit beaucoup
Goût pour la musique
et la conversation
Les manifestations
Ardente et luxurieuse
Désire ardemment se
marier
Large vagin
Apprécie beaucoup la
pratique du sexe
Vagin étroit
Ardente et luxurieuse
Petit vagin
Vagin humide
Vagin profond et étroit
Ardente de sexe
Luxure intense
Large vagin
Lèvres du vagin grasses
Luxure intense
Grand vagin
Désireuse de faire
l'amour
Les membres
Côtes proéminentes
Poitrine proéminente
Poitrine large et plate
Ventre petit et rond
Grosse poitrine comme
celle des femmes
Plis des hanches saillants
Peu de chair dans les
cuisses
Grosses fesses
Fesses proéminentes
Pénis long et gros
Tibia et talon
Talon d'Achille fin
Avoir un doigt en plus
Pas rapide et court
Les manifestations
Violence et vanité
Intelligence médiocre
et mauvais caractère
Courage et force
Intelligence
Caractère de femme
Courage
Courage
Caractère de femme
Caractère de femme
Mauvais caractère
Stupidité et bêtise
Lâcheté
Désire le contrôle
Mauvais caractère
Impatience et hâte pour
les choses vaines
Vlkhtilaj Namêhj f. 66r
Ulkhtilaj Namêh ou Livre des spasmes, est un texte de divination s'appuyant
sur l'interprétation des parties du corps affectées par des spasmes.
La figure qui illustre le traité, dont le texte associé est disposé en forme
de damier, s'avère difficile à interpréter pour ce qui est de sa significa-
tion « textuelle ». Elle représente un personnage couronné et richement
habillé d'une tunique verte aux longues manches, et d'un vêtement de
dessus de couleur orange, muni de manches mi-longues, avec des liserés
d'or, qui est un peu plus court que la tunique. Une longue ceinture en
guise d'étole ondule et s'enroule symétriquement à l'une et l'autre de ses
extrémités. Les mains de la figure sont ouvertes, avec les doigts réunis
sur le ventre. Les diverses parties du corps ne se trouvent pas soulignées
comme, par exemple, dans quelques images de ce qu'on nomme l'Homme
Zodiacal, ce pourquoi il paraît probable que cette figure qui se dresse ait
seulement la signification générique d'un oracle qui prédit l'avenir. La
miniature du Kitab al-bulhan (f. 51r), bien qu'également générique, paraît
avoir un sens plus clair, puisque les mains de l'oracle y sont levées, les
paumes ouvertes, en attitude de prophétie, et que l'oracle en question est
flanqué de deux cierges allumés. Il se peut que le peintre ottoman n'ait
pas prêté beaucoup d'attention à ces détails, ou que, éventuellement, la
position des mains qu'on montre ici ait été un symbole de divination plus
évident en Turquie ottomane.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
Alexandre et Khidr pénètrent dans le Pays des Ténèbres, f. 75v
Le Coran rapporte qu'Alexandre le Grand - un personnage mythique
qui, dans le monde arabe, était connu sous le nom d'Iskandar ou de Dhu
al-qarnayn (« celui qui porte deux cornes ») et qui fut un des héros sur
lesquels on a le plus écrit dans la littérature arabe, persane et turque -,
accompagné par Khidr, « le vert », s'en fut chercher la Source de la Vie au
Pays des Ténèbres (sourate 18, versets 59-81).
La miniature laisse voir un paysage baigné de lumière avec de hautes
formations rocheuses de couleur lilas, un ciel doré, un arbre de grande
taille et des arbustes en fleur qui croissent entre les rochers. Khidr porte
une torche enflammée, mais on ne sait trop si les deux personnages sont sur
le point d'entrer dans le Pays des Ténèbres, ou si c'est le feu du flambeau et
de leur foi qui illumine le paysage environnant. Alexandre arbore un habit
royal complet, avec une haute couronne et un vêtement richement brodé,
quand son l'épée, l'étui de son arc et le harnachement du cheval sont
parsemés de pierres précieuses ; il est curieux que les pattes et la queue
du cheval soient teintes avec du henné. Le compagnon d'Alexandre et sa
monture restent en partie cachés, mais le regard direct et engageant du
personnage rend patente la relation étroite qu'il entretient avec le héros.
moleiro.com • moleiro.com/online
La muraille de Gog et de Magog, f. 76r
Poursuivant avec des épisodes de la vie d'Alexandre le Grand, la minia-
ture, se devant de rendre compte de sa quête de la Source de la Vie, il-
lustre un de ses plus grands exploits légendaires, la construction d'une
colossale muraille de fer pour maintenir les populations sauvages de Gog
et de Magog à l'écart du monde civilisé.
L'histoire se trouve dans le Coran, mise en relation avec la figure
d'Alexandre (sourate 18, versets 94-97, où les peuples sont appelés Yuj et
Majuj), mais elle renvoie à l'un des plus anciens mythes de la dispersion
des populations et des langues jusqu'aux ultimes confins du monde. Dans
la Genèse, Magog est l'un des fils de Japhet (Gen. 10, 2-5). Dans l'Apoca-
lypse, les peuples de Gog et de Magog seront séduits par Satan et feront la
guerre à l'humanité (Apoc. 20, 7-8).
L'illustration, particulièrement vivante, suit le récit coranique. Il est
curieux que le point de vue adopté par l'artiste situe les choses comme si
ce dernier contemplait la scène depuis l'intérieur des terres de Gog et de
Magog. La muraille, faite de plaques de fer recouvertes de bronze fondu
pour lui donner une surface tellement lisse qu'il soit impossible de l'esca-
lader, est représentée comme une barrière de briques couleur lilas, avec la
partie du haut présentant plusieurs niveaux. Son énormité est mise en évi-
dence par la toute petite taille des habitants des terres de Gog et de Magog
qui apparaissent au premier plan, quatre d'entre eux montés sur un grand
serpent, et les sept autres essayant frénétiquement d'escalader la muraille
ou de l'user en la léchant de leurs langues râpeuses. Leur comportement
sauvage fait bien comprendre qu'il soit nécessaire de les tenir à distance.
De l'autre côté de la muraille, le monde civilisé est représenté, dans la
partie supérieure de la peinture, comme un paysage rocheux et montueux,
avec un grand arbre central et un ciel tout doré. A droite et à gauche, deux
cavaliers font résonner des instruments de musique, respectivement un
tambour et une longue trompette. Sa grande taille souligne une fois de
plus la différence existant entre le monde civilisé et le monde sauvage. Se-
lon l'histoire, la musique jouée bruyamment en face de la muraille servit,
une fois que l'armée d'Alexandre se fut retirée, à faire croire aux sauvages
de Gog et de Magog qu'il restait au-dehors une grande multitude de gens
à garder la barrière.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
Sinbad et le vieillard de la mer, f. 79v
Il est probable que l'histoire qui se trouve illustrée ici soit tirée de l'œuvre
la plus célèbre de la littérature arabe, la compilation connue sous le titre
Les Mille et Une Nuits, basée à son tour sur un grand nombre de sources
tant orales qu'écrites. Une des histoires de Sinbad le Marin raconte sa
rencontre avec un vieillard dans une île déserte où il avait fait naufrage.
Sinbad lui vint en aide en le prenant sur son dos, mais le vieillard de la
mer entoura vigoureusement de ses jambes le corps de Sinbad et ne voulut
plus le lâcher ; bien au contraire, il lui commandait d'aller par monts et
par vaux et renforçait son étreinte chaque fois que le marin osait protester.
Finalement Sinbad parvint à une vigne où il cueillit quelques raisins dont
il fit un jus qu'il exposa au soleil. Quand ce dernier eut fermenté, il le don-
na à boire au vieillard ; celui-ci fut enivré et ses forces l'abandonnèrent.
Aussitôt, le marin l'ôta de sur lui, le jeta sur le sol et le tua avec une pierre.
Une fois de plus, pour comprendre l'histoire, il est nécessaire de
comparer la présente miniature avec son modèle dans le Kitab al-bulhan
(f. 43r), où la scène se situe devant un grand pied de vigne, avec un réci-
pient rempli de vin posé sur le sol, près des deux personnages entrelacés.
Dans la peinture ottomane l'artiste a seulement conservé les deux hommes
dans la même position, le vieillard de la mer représenté comme un poisson
à tête humaine et les bras - non les jambes, comme dit le récit - entourant
le corps de Sinbad. Cet être porte deux cornes pointues qui n'apparaissent
pas dans le Kitab al-bulhan. Mais, dans le cas présent, il n'y a pas trace de
la vigne ni du vin qui mettra fin à l'histoire. Au contraire, délibérément
ou pas, la scène se déroule dans un paysage côtier bien dégagé, avec un
poisson de grande taille au premier plan et une maison sur un promon-
toire éloigné, immédiatement après que Sinbad, ayant sauvé de la mer le
vieillard, s'est retrouvé attrapé par lui.
moleiro.com • moleiro.com/online
Le puits abandonné, f. 80r
L'histoire du puits abandonné est mentionnée au passage dans le Coran
(sourate 22, verset 45) et a été enrichie par plusieurs auteurs, parmi les-
quels Kisa'i dans les Qisas al-anbiya' (Histoires des prophètes), un codex enlu-
miné très populaire élaboré du temps du règne de Murad III, tout comme
le présent manuscrit. Le titre de la miniature fait clairement allusion au
puits abandonné, bien que son rapport avec l'histoire ne soit pas si évi-
dent. Un homme du nom de Hanzala cheminait vers la Mecque depuis
le lieu où se trouvait sa tribu, à Aden, situé à l'extrémité sud-occidentale
de la Péninsule Arabique, quand il eut une vision au cours de laquelle il
lui fut ordonné de s'en retourner chez lui, parce que sa tribu s'était mise
à adorer des idoles. Ainsi fit-il, et il prêcha pour les siens, mais ceux-ci le
mirent à mort, et Dieu se vengea en asséchant un puits qui était vital pour
leur subsistance.
Les mauvaises actions de la tribu de Hanzala se reflètent dans ce qui
paraît être l'illustration de son châtiment, avec un homme qui ignore que
le seau qu'il sort du puits contient une tête humaine au lieu d'eau. Le fond
du puits, qui peut être vu grâce à une coupe de terrain, apparaît comme
gardé par un djinn armé d'une épée, mais on ne saisit pas quel rôle il joue
véritablement dans l'histoire. La scène s'inscrit dans un paysage avec des
pierres disséminées au premier plan et les habituels arbres et collines au
fond, mais dominé par une imposante et luxueuse yourte de feutre blanc
où apparaît un autre homme, en train de dormir. Derrière un monticule,
deux chameaux laissent voir leurs têtes, et à droite de la tente on voit les
quatre pattes avant d'un cheval et d'un âne, pour souligner que le puits se
trouve dans un lieu écarté.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
\
L'église aux pucelles, f. 82r
Voici une autre histoire qui peut être mise en relation avec les miniatures
qui illustrent celles où il est question des églises du corbeau, de l'idole et
des étourneaux (ff. 78r-79r). Mais, tout comme cela se passe pour l'église
de l'idole, celle-ci ne se trouve pas non plus dans le Kitab sukkardan, de
sorte que nous n'avons pas d'autre information que son titre : l'église aux
pucelles.
La peinture montre une grande construction basilicale, avec une haute
nef centrale et deux nefs latérales, la représentation la plus aboutie d'un
édifice chrétien dans ce manuscrit. Aux fenêtres des nefs latérales on voit
quatre moines, mais ce qui attire l'attention ce sont les deux registres su-
périeurs de la nef centrale, où l'on distingue huit visages, ceux des pu-
celles du titre. Malheureusement nous ignorons pour quelle raison ces
jeunes filles, des novices peut-être, se trouvent dans l'église, bien qu'il dût
s'agir d'une histoire suffisamment curieuse pour que le compilateur du
manuscrit la juge digne d'être illustrée. A propos de la miniature corres-
pondante dans le Kitab al-bulhan (f. 35r), l'auteur du catalogue du xix e
siècle de la Bodleian Library dit que l'église se trouve au Caire, sans citer
sa source. Si cette information s'avérait exacte, ce que nous voyons pour-
rait être un édifice copte.
moleiro.com • moleiro.com/online
Un homme mettant à mort un serpent, f. 83v
Le titre de cette illustration se veut descriptif : il parle d'un homme qui
avait aidé un serpent et qui ensuite le tua. Mais on ne nous dit pas com-
ment s'appelle cet homme, ni, par conséquent, nous informe sur l'origine
de l'histoire ; pour être un fait assez commun dans la littérature épique et
non épique d'Arabie et de Perse, il est difficile de préciser les choses.
Comme le saint Georges qui tue le dragon dans l'iconographie chré-
tienne orientale, mais aussi comme le héros Esfandyar dans l'œuvre épi-
que persane Shah Nâmeh (Livre des rois), cet homme apparaît massacrant,
avec une lance d'une incroyable finesse, un serpent à tête de dragon. Le
reptile est également piétiné par le chameau, dans l'équipement duquel
on note la présence d'une sonnaille, suspendue au cou de l'animal. Il y a
un ruisseau au premier plan, et un paysage avec de hauts rochers escarpés
et un arbre de grande taille bien au-delà des figures.
Le visage de l'homme qui tue le serpent est sans expression. Il est re-
couvert d'un turban qui lui entoure aussi la gorge, une coiffe typiquement
ottomane au moyen de laquelle on a probablement voulu représenter
quelqu'un appartenant à une tribu nomade et situer ainsi la scène en des
temps anciens.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
Le talisman de la Fièvre, f. 90r
Huma est le nom de ce djinn, qui veut dire « celui qui échauffe le corps
humain », ou, ce qui revient au même, l'agent de la fièvre dont on souffre
communément. Par conséquent Huma est un des djinns les plus connus
parmi ceux qui causent des maladies, et son talisman se rencontre fré-
quemment.
Le djinn de la fièvre est couramment représenté comme un démon à
trois têtes, avec une iconographie qui vient peut-être du biblique Testamen-
tum Salomonis (Testament de Salomon), dans lequel on attribue à un démon
tricéphale la naissance d'enfants aveugles, sourds et épileptiques. Dans la
miniature, deux de ces têtes sont identiques, vaguement chevalines mais
pourvues des habituelles canines et crachant de la fumée, l'une regardant
à droite et l'autre, à gauche. La troisième a un aspect plus démoniaque et
se trouve au centre, de face et au-dessus des deux autres. La position fron-
tale de Huma n'a rien d'insolite, mais le fait d'avoir les jambes ouvertes
avec les genoux pliés et les bras également ouverts, comme s'il voulait se
saisir du spectateur, le distingue de tous les autres djinns. Est tout aussi
singulière la présence d'une queue s'achevant en tête d'animal : bien que
pas si inhabituelle dans les représentations de démons et de djinns, elle est
assurément unique au sein de cette série d'illustrations. Deux assistants
cornus, l'un d'eux coiffé d'un chapeau, font irruption dans la peinture,
tout près des têtes de Huma situées de part et d'autre.
moleiro.com • moleiro.com/online
Le Serpent Rieur, f. 90v
L'iconographie de cette dernière peinture est particulièrement intéres-
sante. La scène montre un grand serpent à tête humaine dans un paysage
champêtre et accidenté, planté de quelques arbres seulement, et une ville
fortifiée dans le lointain. Un groupe d'hommes apparaît parmi les rochers
distants ; celui qui marche en tête porte un grand disque d'argent qui lui
cache le visage. Le serpent anthropoïde regarde en direction des hommes
qui s'approchent.
Le titre nous dit que l'histoire évoquée est celle du Serpent Rieur
(jnar-i kahkaha) et du miroir (ayine), ce qui nous renvoie à un ensemble
assez complexe de mythes allant de la Grèce ancienne jusqu'en Iran. De la
miniature nous pouvons déduire que le miroir est utilisé par les hommes
pour se protéger du regard mortifère du serpent, lequel, de cette manière,
se verra reflété et mourra. Bien que nous ne connaissions pas précisément
la source littéraire, la parenté avec un grand nombre de légendes est évi-
dent : depuis la Gorgone, qui tuait avec son regard, jusqu'au motif iranien
du Cheval Phénix qui faisait mourir les gens de rire ; du Basilic, un reptile
au regard terrifiant dans la mythologie romaine, et dont le nom en persan
est précisément « serpent rieur », à la figure épique iranienne de Dahhak,
« l'Homme qui rit », qui éleva deux serpents affamés sur ses épaules. En
outre, le miroir est un autre objet symbolique qui apparaît dans toutes
les légendes, dont beaucoup en rapport avec Alexandre le Grand, tandis
que d'autres témoignent de détournements locaux, comme l'histoire de
Sannaja, une espèce d'Abominable Homme des Neiges qui, d'après le géo-
graphe al-Qazvini, vivait au Tibet.
Ainsi donc, bien qu'elle soit probablement mal placée eu égard à la
séquence originale, cette miniature propose un digne couronnement à
une série extraordinairement riche et complexe d'histoires illustrées sans
texte, qui n'ont pas d'équivalents connus dans la peinture islamique.
Tél. (+33) 09 70 44 40 62 • Tél. +34 93 240 20 91
La prédiction du prophète Sulayman (Salomon), f. 131v
La seule illustration de cette section où l'on trouve des figures repré-
sente la Maison de Sulayman, ou du prophète Salomon. Dans le Coran,
Sulayman est fils de Dawud (David, f. 129v), duquel il a hérité le don d'at-
tirer toute sorte d'animaux, à la suite de quoi Allah lui accorde un pouvoir
sur toutes les créatures, y compris les djinns. Particulièrement connu
comme prophète de la sagesse et du jugement juste (« salomonique »),
son vaste royaume inclut jusqu'au Yémen, et l'histoire la plus célèbre de
sa vie que relate le Coran est celle de sa relation avec Bilqis, la reine de
Saba, laquelle finit par l'épouser après avoir abandonné le culte au Soleil
et s'être convertie.
L'édifice, et surtout le jardin de derrière, ont perdu de leur importance
dans cette illustration, qui est dominée par la présence de deux anges
ailés et deux djinns cornus, les uns et les autres entourant de leurs bras
les sveltes colonnes de marbre qui soutiennent les arcades de l'entrée per-
mettant l'accès au salon du trône de Sulayman. On voit le trône hexago-
nal du prophète entre les deux anges qui le gardent, mais de Sulayman
lui-même il n'y a pas trace. Derrière l'édifice, de part et d'autre, un autre
ange et deux djinns apparaissent, tronqués. Posés sur le toit ou voltigeant
il y a quatre oiseaux, parmi lesquels un paon et un simurgh ou phénix, qui
symbolisent l'autorité de Sulayman sur toutes les créatures. Le salon du
trône occupe la majeure partie de l'espace pictural, et il est surmonté d'un
toit incliné et de deux coupoles surbaissées recouvertes d'azulejos, tandis
que des extensions du salon de dimension plus réduites occupent l'espace
restant, des deux côtés.
moleiro.com • moleiro.com/online
Toutes nos éditions sont premières, uniques et limitées
à 987 exemplaires dûment numérotés
et certifiés individuellement par acte notarié.
i
■
José Antonio Caneda Goyanes
Notaire de Ourcnse, Colegio de Galicia
JE CERTIFIE : qu'à cette présente édition fac-similéedu
1
Livre du Bonheur
dont l'original est conservé à la Bibliothèque nationale de France, à Piiris, sous k cote
« Suppl. turc 242 *, lui correspond le numéro 3oi de l'édition unique et exclusive,
numérotée en chiffres arabes et limitée à 987 exemplaires, réalisée sous la direction de
Manuel Moîeiro Rodriguez et éditée par :
I M. Moleïro Editor, S.A.
i
I Cette même édition comp rend 77 exemplaires numérotés en chiffres romains destinés à
la Bibliothèque nationale de France» à l'Editeur et au Dépôt Légal.
Tout cela sdon l'acte autorise par moi- me tue, te numéro 1385 de mon protocole,
le 6 juillet 2ÛÛ7.
Ourense-s ksîSjïiîIe^QpZ
M.Mokira -Tîsvesçrade Gracia 17.21 - 08021 Bardctonn- Espagne
Tel, (34) 932402091 ■ Fax (34) 932 M 5062- www.Tnolciro.coni - rnniolcm>@ino(cîro,ne(
Passez votre commande maintenant et recevez votre édition
« quasi-originale » immédiatement.
M. Moleiro
Travesera de Gracia, 17-21
08021 Barcelona - Espagne
Tél. (+33) 09 70 44 40 62
Tél. (+34) 93 240 20 91
www.moleiro.com
www.moleiro.com/presse
facebook.com/moleiro
youtube.com/moleiroeditor
3
Lire la suite
- 3.25 MB
- 15
Vous recherchez le terme ""

33

28