Termes les plus recherchés
[PDF](+79👁️) Télécharger Les juifs, rois de l'époque : histoire de la féodalité financière T. 2 pdf
Más detalles
PUBLICACIÓNParis Gabriel de Gonet, 1847
DESCR. FÍSICA2 v. ; 22 cm
NOTATít. en anteport.: Histoire de la féodalité financière
SubjectFeudalismo -- Europa -- HistoriaJudíos -- Condiciones económicasJudios -- Europa -- HistoriaJudíos -- Europa -- Condiciones económicasJudíos -- ComercioEuropa -- Comercio -- Historia -- Hasta 1492Edad Media -- HistoriaFeudalismoEuropa -- Condiciones económicas -- 0476-1492
CLASIF. ABREV.308CLASIFICAC.308 "04/14"Télécharger gratuit Les juifs, rois de l'époque : histoire de la féodalité financière T. 2 pdf
HISTOIRE
DE LA
r r >
FEODALITE FINANCIERE
'MJ AO/..'\
DE E’JMPRLMERÎE DE CRAPELET
fillE DE YAlîGIRARD, 9
h
'V-
i
i
/
LES JUIFS, ROIS DE L’ÉPOQUE
HISTOIRE
DE L.\
FÉODALITÉ FIIVAIVCIËRÉ
PAR A. TOUSSENEL
Lft spéculation légitime consiste a acheter au meiUour
marché possible , pour revendre le plus cher possible. ..
< l'est Pâme du commerce.
(Sylvain Dumon, ministre des travaux publics. 1
Les financiers soutiennent TEtat comme la coude smv
Tient le pendu. (Montesquieu.)
La maison de mon père est une maison de prière . et
vous en avez fait une caverne de volouru.
(Jésus chassant les marchands du Temple.)
\K*rcurc, dieu de IV loquence, du commerce et dos voleurs.
( Mythoioÿif. )
«
4
*
LES JUIFS, ROIS DE L’ÉPOQUE.
HISTOIRE
DE LA
FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
CHAPITRE PREMIER.
Oenève.
Il Y a un proverbe de bourse qui dit qu’im Génevois
vaut six juifs. Les habitants de Genève disent à leur
tour que ceux de Neufchâtel valent six Génevois.
Genève est une des capitales du protestantisme et du
puritanisme , par conséquent du judaïsme. La même
foi politique et religieuse a dû engendrer les mêmes
mœurs en Suisse et en Juda. Les puritains de Boston
ont poussé plus loin que leurs coreligionnaires d’Hel-
vétie leur amour pour la Bible; ils portent presque
tous des noms juifs, pour que personne ne se trompe
à renseigne de leur foi.
On dit la position de la Suisse formidable sous le
rapport de la stratégie militaire. Je la crois plus formi-
dable encore sous le rapport de la stratégie financière.
Il 1
2 l)t LA. FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
La Suisse est assise sur la France, comme le gui
sur le chêne. La Suisse n a pas d armée, pas d impôt.
Pourquoi aurait-elle une armée à elle? Les soldats de
la France, payés par l’impôt de la France, sont là qui
veillent pour elle et protègent sa nsutvcLlité, La Suisse
fait mieux que de ne rien dépenser pour l’entretien
de ses troupes : elle vend ses soldats , elle en tire un
revenu. Ce qui ruine partout les nations, lui fait
profit à elle. Je ferai même observer à ce propos, que
la Suisse républicaine ne vend des soldats qu’aux
monarchies absolues. A Palerme, c’est un compatriote
de Guillaume Tell qui vous force à mettre chapeau bas
devant une affiche de spectacle collée sur un mur,
sous prétexte que ce mur est celui du palais du roi.
C’est la Suisse républicaine qui vend à tous les tyran-
naux d’Italie , les baïonnettes avec lesquelles ils compri-
ment les velléités d’indépendance de cette malheureuse
contrée. L’histoire flétrira un jour de quelque appel-
lation infamante, ce rôle de valets de bourreau que
jouent pour un peu d’or les fils de la noble Helvétie.
Le consommateur suisse paye moitié moins cher
que le consommateur français , le sucre et le sel que
lui fournit la France; et ceci, ou le, sait, est un fait
d’une portée immense dans la question de concur-
rence industrielle , toute la question du prix de revient
dépendant du prix des denrées de nécessité première.
La Suisse , en appliquant la première les principes de
l’association aux seules branches d’industrie agricole
que comportât l’aridité de ses montagnes, l’élève du
bétail et la fabrication des fromages , a converti en
^ pactoles les eaux de ses glaciers. Elle a réalisé les
mêmes prodiges dans l’industrie manufacturière. C’est
GENÈVE.
ainsi qu’en y introduisant l’a//é??7iûf?îCf et Và diviylcm du
travail^ elle a accaparé le monopole de l’horlogerie,
la plus lucrative de toutes les industries humaines. ^il
y a dans Genève, ville lettrée, une espèce d’université
où se font des cours publics. Le professeur de phy-
sique , qui est peut-être rétribué à mille francs par an ,
possédé, in’a-t-on dit, cinq cent mflle francs de revenu;
le professeur de géologie, un lion delà localité , quelque
chose conmie sept à huit cent mille francs de rente.
Genève paverait ses rues de lingots d argent, si la
fantaisie lui en prenait un jour, et si elle ne savait
tirer un parti plus avantageux du métal; Genève
achèterait les empires, s ils étaient- encore à l’encan ;
et tous les gouvernements constitutionnels, tous les
güuv( rnernenis de fabrique anglaise , sont pins ou
moins à l’encan.
Tous les ans, les adultes besogneux de la Suisse,
intrépides chasseurs d’espèces , pourvus d'oiie pa-
tience à toute épreuve, descendent de ses montagnes
pour se répandre dans les riches vallées de la France,
terre généreuse et hospitalièie par exeellence, nour-
ricière complaisante de tous les parasites. Tons réus-
sissent à se caser en peu de temps à Paris on dans
les autres grandes villes commerciales du royaume;
car tous ont l’esprit d’ordre et de persévérance qui
doit aboutir au succès. Tout ce monde- à fait d’abord
de 1 usure, des habits ou des bottes. Le tailleur est
le banquier-né des fils de famille qui se ruinent.
Nombre de grands hôtels de Taris appartiennent à des
tailleurs suisses. Beaucoup de ces industriels, dont le
nom barbare dit assez rorigine étrangère, pratiquent
l’usure jusqu’à ce qu ils aient acquis les ino}'ens
4 DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
d’être probes. Au bout de vingt années d’exercice,
ils possèdent palais et livrée, font courir des chevaux
de sang sur rhippodrome , achètent par devant no-
taire ou ailleurs une belle jeune fille pauvre , et finis-
sent par se retirer sur les bords du lac natal, dans
quelque villa délicieuse , où s’achève paisiblement
leur vieillesse. Et quand l’un de ces nobles usuriers
a payé son tribut à riiumaine nature, le journaliste
de l’endroit consacre à sa mémoire une notice tou-
chante. « La cause de la liberté et de la philanthropie
a perdu aujourd’hui l’un de ses plus fervents apôtres,
la patrie un de ses plus grands citoyens^ et nous un
abonné fidèle et.... eœact dans ses payements,
Genève, Bâle, Lausanne et Neufchâtel possèdent des
monceaux d’or déposés dans les caves de toutes les
banques européennes. Je me suis laissé dire que Ge-
nève avait près de cinquante millions sur les fonds
français 5 pour 100, et cinquante millions ou plus
sur la place de Lyon. Bâle a bâti Mulhouse, dont l’in-
dustrie et les maisons lui appartiennent. Genève a
arraché la Grèce au sultan, et n’arrachera pas à l’An-
gleterre l’Irlande, plus malheureuse et plus digne de
pitié que la Grèce. Genève soudoie des journaux à
Paris pour défendre la politique de M- Guizot, le
protestant. J’en parie savamment, ayant été pendant
un an le rédacteur en chef de l’une de ces feuilles ,
un journal ultra-doctrinaire de très-grand format, et
dont la polémique belliqueuse ne répondait pas par-
faitement aux promesses de son titre. Genève impose
les tarifs qui lui conviennent sur les canaux de France
(ordonnance du 17 avril 1843). C’est elle qui ne veut
pas qu on réduise la rente. Le grand conseil des dix ,
LE JOURNAL DES DÉBATS.
5
qui s’adjugea longtemps les emprunts nationaux, et
qui prélevait la dîme papale sur le revenu de tous les
États européens, était composé de Génevois pour les
trois quarts, et de juifs pour le reste.
Les grandes épreuves législatives de ces dernières
années , et celles de la cession actuelle , ont prouvé
que la féodalité financière , dont les hauts barons ne
sont pas Français, pouvait tout oser désormais. Une
fois qu’on discutait à la chambre la réforme postale,
les avis étaient partagés sur la question. Beaucoup
penchaient en faveur de la réduction demandée par
l’auteur de la proposition. « Mais vous n’y pensez pas,
écrivit un journal des juifs , réduire les impôts , ré-
duire les revenus du fisc, c’est altérer la valeur du
gage sur lequel M. Rothschild vous a prêté naguère
deux cent millions, c’est abuser de la confiance du
généreux banquier j )) et la chambre , éclairée par cette
considération lumineuse , rejeta une proposition dont
l’utilité n’était pas contestable, de peur d’altérer la
valeur du gage de l’Israélite. Essayez donc de faire
entrer une idée de réforme financière importante dans
la tête de gens qui ne veulent pas même entendre
parler d’une réduction de port de lettres !
Jje «fournal des Débats.
La féodalité financière a , pour faire connaître son
bon plaisir aux hommes du gouvernement nominal,
son journal officiel, le Journal des Débats.
C’est dans cette feuille que les véritables hommes
politiques du jour, les hommes d’argent, vont cher-
cher, non pas ce que le ministère pense, mais ce
DF. I-A FÉODAUTÉ FINANCfÈRE.
que le ministère fera. La haute banque a obtenu de
la servilité ministérielle que les nouvelles officielles
fussent publiées dans le Journal ries Débats avant de
rètre dans le Morntmr universel. Ce sont les articles
du Journal des Débats, rédigés par quelques affidés de-
là maison Tl.... qui font la iiausse et la baisse à la.
Bourse. On a osé imprimer que tout ministère était
tenu de payer au Journal des Débats une énorme con-
tribution de guerre.
Tl y a eu de grands ministres qui ont essayé de
s'affrancliir de ce protectorat onéreux, M. de Villèle
entre autres. Mais M. de Villèle fut renversé par une
coalition dans laquelle les Débats figurèrent glorieu-
sement, et le ministère Martignac qui lui succéda fut
oblisîé de rembourser au Journal des Débats les trois
qui n’a jamais été pour M. Berlin l’ancien qn’nn petit
brouillon spirituel et vantard . eut aussi un iom% à ce
qu’on assure, la velléité de se révolter contre le des-
potisme des Débats. Mais le vieux Eotelle terrassa d’un
seul revers d’article le présomptueux Darès , qui mit
aussitôt les pouces, demanda pardon et se hât.a de
conclure la paix avec le caissier du journal. L’acte de
contrition fut accepté , mais il ne réussit pas à calmer
le sentiment du Burgrave irascible , qui cninprit la
nécessité de faire un exemple. Et le lendemain du
jour où la paix s’était faite, le petit ministre put lire
(\nm\e Journal des Débats, en manière de remercîment,
une foudroyante satire des actes de son administra-
tion. On rapporte une réponse sublime de M. Bertin
1 ancien à M. Thiers, qui se flattait de faire mareber
de front, M» Bertin aidant, le Journal des Débats cl
■ft
LE JOURNAL DES DÉBATS.
7
la France, w La France tant que vous voudrez, aurait
répliqué l’homme dos vieux jours; mais le Journal des
Débats f jamais. Celte affaire-là ne regarde que moi et
Saint-Marc que voici. » (Saint-Marc, un des apôtres
de la religion des Débats^ le même qu’ils ont fait aca-
démicien il y a deux ans , parce qu’il lui manquait un
titre et une sinécure pour en avoir autant que le ba-
ron Dupin. )
M. Guizot et xM. Ducliâtel s’honorent de leur em-
pressement à exécuter les moindres ordres du Journal
des Débats. « Si c’est possible, c’est fait; si c’est im-
possible, on le fera. « Ils lui servent sa subvention à
genoux, et sur un plat d’or. La dévotion de M. de
Montalivet au Journal des Débats dépasse les bornes
de la servilité. C’est, à proprement parler, le Journal
des Débats qui règne à l’intérieur, quand M. de Mon-
talivet est ministre. M. de Montalivet a dû causer
un tort immense à la dynastie de juillet, plus en-
core par son entourage que par ses actes ; non pas
seulement parce qu’il a encombré tous les offices
publics des pires écrivains des Débats y mais parce
qu’il a habitué l’opinion à faire intervenir le. nom du
roi dans tous les tripotages de la presse ministérielle ,
et à considérer le Journal des Débats comme l’organe
du château, du parti de la Cour, Et comment aurait-
on douté dans le public de l’intimité qui existait entre
la royauté de la rue des Prêtres et celle des Tuileries,
quand on voyait figurer sur la liste des rédacteurs du
journal tous les noms des précepteurs des princes ?
On s’est imaginé, et c’a été un grand mal, que les fa-
miliers du château avaient la haute main dans la ré-
daction du journal, tandis qu’ils n’étaient que tolérés
8 DE LA. FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
par la direction; et l’on a bâti de méchantes accusa-
tions contre le parti de la cour avec de méchants arti-
cles du Journal des Débats, On aurait pu croire cepen-
dant que si le journal de M. Bertin eût été inféodé à
la cour, la cour n y eût pas laissé en pied le coupable
auteur de ce mauvais livre et de cette mauvaise action
qu’on appelle Barnave,
J’ai pu habiter aussi longtemps que je l’ai voulu
sous le 15 avril la région des faveurs , des sinécures
et des gratifications. Je ne sais pourquoi , malgré mes
affections pour le pouvoir, je n’ai jamais pu séjourner
dans cette région plus d’un mois. Il faut qu’il s’exhale
de ce milieu officiel une senteur de rachitisme moral
et d’âpreté argentière qui suffoque l’homme de cœur.
Je voudrais pouvoir dire la vérité, sans offenser qui
que ce soit parmi ces gens avec lesquels j’ai vécu et
qui ne m’ont fait aucun mal ; mais en conscience il y
en a trop dans le nombre dont la fortune est une in-
sulte à la capacité.
Il semblerait nécessaire que le chef du cabinet d’un
ministre de l’intérieur, que l’homme à qui appar-
tient la direction de la presse gouvernementale et du
Bureau de l'Esprit public^ fût au moins homme de
lettres, sinon homme d’esprit. Le chef du cabinet de
M. de Montalivet s’appelait Félix Lebertre : celui de
M. Duchâtel s’appelait Édouard Mallac. Faites ces
gens-là préfets ou directeurs des services de la liste
civile, rien de mieux; mais, pour Dieu, ne confiez
pas la direction de l'Esprit public à des gens dont la
main n a jamais su tenir une plume ni le cerveau une
idée !
Le crédit et 1 influence des incapacités sont une des
LE JOURNAL DES DÉBATS.
9
plus grandes calamités de ce temps. M. Hartmann,
M. Fulchiron, M. Delessert, M. Calmon ne sont pas
certainement les orateurs les plus éminents de la
Chambre,* et je n’ai pas entendu dire qu’ils valussent
mieux dans le conseil que dans la bataille j ces mes-
sieurs n’en comptent pas moins parmi les plus impor-
tants personnages du pays.
Le Journal des Débats est l’organe officiel de la
haute banque et non pas du château. Il protégera la
cour, tant que la cour se montrera docile aux volon-
tés des puissants seigneurs de la rue Bergère et de la
rue Laffite , sinon , non j et son dévoûment à la dynas-
tie n’ira jamais plus loin. Le Journal des Débats a en-
terré beaucoup de dynasties dans sa vie, et il y a long-
temps qu’il a juré de ne plus s’attacher à des institu-
tions si fragiles.
Quelqu’un qui avait carte blanche pour vendre cent
cinquante mille francs un journal qui en valait quatre
cent mille, offrit un jour ce journal à la liste civile,
au RoU M. de Montalivet répondit que le Roi, tout en
reconnaissant l’importance de l’offre, s était trouvé
dans l’obligation de la refuser, par la crainte de four-
nir à la presse anti dynastique un nouveau prétexte
de rendre la royauté solidaire des articles d’un jour-
nal. Le refus était plausible j mais j’ai su de bonne
source que M. de Montalivet n’avait pas même osé
laire pai’t de la proposition à Sa Majesté, tant était
grande sa peur de porter ombrage aux Débats. On dit
que huit jours après, des hauts barons de la finance
offrirent trois cent mille francs du journal en question,
et qu’on ne leur donna pas.
Toutes les fois que M. de Montalivet, l’homme du
IQ DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
château, arrive au ministère de Tintérieur, c est un
ex-rédacteur des Débats y M. Lesourd, régisseur de
l'octroi de Paris (place de douze mille francs), qui
prend la charge de distribuer à la presse subvention-
née les mandats sur la caisse Gcrin. M. Lesourd est un
homme d’esprit dans toute la force du mot.
C'est également un rédacteur des Débats ^ M. Petit-
jean ou un autre, qui prend la direction du cabinet
de l’esprit public dans les circonstances difficiles. Les
écrivains dévoués et courageux ne manquaient pas à
la cause du pouvoir sous le ministère du 15 avriL
Lorsque ces écrivains, parmi lesquels j’ai compté de
nombreux amis, eurent vaincu dans la grande ba-
taille électorale de 1837 ; quand ils eurent largement
fourni leur contingent de travail, d’énergie et de zèle,
le ministre , pour récompenser dignement leurs ser-
vices, nominale rédacteur des Débats ci-dessus, rrhef
de section à l’intérienr, puis maître des requêtes, puis
référendaire à la Cour des comptes.
Le Journal des Débats est donc l’arbitre suprême
des dest’nées de la nation, et le Berlin régnant l’Egé-
rie de tous les ministères. (7est en môme temos TÉole
qui soulève les flots et le Neptune qui gourmande les
tempêtes. Il a chanté la Marseillaise , en 1840, à la
tête de ces bataillons invincibles que M. Thiers, le
grand vainqueur, avait promis de mener, en personne,
à la conquête du îlliiii, mais à la pousse des feuilles.
Les ieuilles n ayant pas poussé cette année-là, par
bonheur, le Journal des Débats s’est calmé et s’est mis
à entonner l’hosanna de la peur, à la tête des trem-
bleurs de la politique modeste.
Le Journal des Débats est une véritable puissance,
LE JOURNAL DES DÉBATS.
11
qui est presque officiellement reconnue en Europe .
et qui s’amuse quelquefois à piquer aux naseaux Tem-
pereur de Russie. Il n’y a pas de beau couronnement
d’empereur d’Autriche ou de reine d’Angleterre, sans
lin envoyé extraordinaire du Journal des Débats.
Mais la feuille Bertin est surtout la grande feuille
des bénéfices, le Livre Bouge du règne actuel. Je
vous défie d’entrer dans une bibliothèque publique,
dans un amphithéâtre du collège de France ou de la
Sorbonne , sans vous cosner la tête à un rédacteur des
Débats. La Cour de cassation, la Cour des comptes, le
conseil d’État, les ambassades, le conseil royal de Fins™
truction publique, tout est de son ressort. Tout ce qui
a corrigé une épreuve et noirci du papier dans le
bouge enfumé de la rue des Prêtres, a droit de viser
à un portefeuille de ministre, ou à une ambassade,
ou à une division ministérielle. M. de Broglie avait eu
Texcellente pensée, il y a quelques années, de rendre
une ordonnance oui réservait les consulats aux élèves
»
dp Vérole des ronsuls. L’ordonnance de M. de Broglie
n’n jamais eu de signification. La véritable école, Fu-
nique école des consuls, est le Journal des Débats. ÎjP
Journal des Débats a son consul général à Bagdad f un
juif s un autre à Alexandrie, un autre à Jérusalem,
nn autre à Gênes, sans compter un ambassadeur à
Constantinople. M. Adolphe Guéroult, un ex-saint-si~
mor\\oïi, rédacteur des Débats , homme d’esprit, s en-
nuyait en Europe; M. Guizot, pour le tirer de peine
et lui créer une distraction, lui a trouvé un consulat
â Fatifre bout du monde. Un jour que le Journal des
Débats s’était fort emporté contre M. le comte de Ratti-
Menton, consul général à Canton, j’écrivis dans un
12 DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
journal qu’il y avait gros à parier que la feuille toute-
puissante avait parmi ses rédacteurs un candidat dési-
reux de succéder à l’honorable fonctionnaire. Au ton
d’aigreur avec lequel le Journal des Débats releva mon
insinuation perfide , il était facile de reconnaître que
le trait avait porté. On m’a assuré que le titulaire ac-
tuel du consulat de Canton avait appartenu à la rédac-
tion du Journal des Débats.
On a embarqué, il y a quelques années, une expé-
dition pour la Chine. Naturellement on omit de faire
entrer des savants spéciaux, des naturalistes, des in-
dustriels, des agronomes, dans le personnel de l’am-
bassade ; on y refusa place à M. Henry Brunei, dé-
légué par les trois grandes cités industrielles du Nord,
Lille, Roubaix et Tourcoing. En revanche, on y avait
réservé une espèce de poste d honneur pour le re-
présentant du Journal des Débats. Le représentant du
Journal des Débats^ encore un ex-saint-simonien,
M. Xavier Raymond a reçu de l’État un traitement
de DIX MILLE francs, en sus de ses appointements de
rédacteur, pour écrire des articles sur la Chine, qui
devaient être probablement insérés dans le Journal
des Débats. Le médecin de l’expédition, le docteur
Yvan, qui était chargé, outre son service médical,
des recherches scientifiques, zoologiques, botaniques,
astronomiques, etc., etc., ne devait toucher que
quatre mille francs ; mais le chiffre de ses appoin-
tements a été augmenté de deux mille francs par
Mo Guizot, au moment du départ de l’expédition. Il
n y a pas à dire non ; je tiens ces chiffres de M. X.
Raymond et de M. le docteur Yvan, parlant tou s les
deux à ma personne.
LE JOURNAL DES DÉBATS.
13
Depuis que M. Bertin a fait donner à M. Michel
Chevalier une mission gouvernementale aux États-
Unis , laquelle a valu à son journal la publica-
tion des fameuses Lettres sur V Amérique de Nord y il
a pris goût à ces missions dont le gouvernement fait
les frais et dont son journal profite. C’est en effet un
moyen assez agréable et fort économique d’accroître
l’intérêt d’une publication périodique. Après les
Lettres sur V Amérique du Nord, par M. Michel Che-
valier, sont venues les Lettres sur FEspagne^ par
M. A. Guéroult; puis devaient venir Lettres sur la
CMne, parM. X. Raymond, Dans trois ou quatre ans
d’ici, la France aura des ministres plénipotentiaires
et des consuls qui s’appelleront Alloury, Jules Maurel ,
John Lemoine, Benazet ou Berger de Xivray. M, Adol-
phe Donné, sera secrétaire perpétuel de l’Académie
des sciences, aux lieu et place deM, Arago, M. Francis
Barrière , directeur du Jardin des Plantes. M. Fran-
cis Barrière est un savant botaniste qui a découvert la
graine du chanvre mâle y et qui, dans ses feuilletons,
s’appelle un gros coquet —
Le Journal des Débats peut tout, même le bien, mais
il n’en abuse pas. 11 devra lui être cependant pardonné
beaucoup pour avoir publié les Mystères de Paris.
L’Académie française et le théâtre Relèvent du feuil-
leton des Débats y comme les ministères, les ambas-
sades , les consulats , et le reste relèvent du premier
Paris.
M. Saint-Marc Girardin , rédacteur des Débats (douze
à vingt mille francs), est membre du conseil d’État
et du conseil royal de l’instruction publique (douze
mille francs), professeur d’éloquence à la Sorbonne
üi: I,A FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
fsix mille francs), député. M. de Sacy est bibliothé-
caire à Sainte-Geneviève , M. Philarète Chasles a l In-
stitut; M. Michel Chevalier est conseiller d’État, pro-
fesseur d’économie politique, ex-député. M. Trognon,
M. Cuvilier-Flcury, M. Antoine Latour, ont élevé les
fils du roi; M. Vidaillant {Quid Vidaillant?) doit être
préfet quelque part; M. de Bourqueney représente la
famille Berlin à Constantinople; M. Loè\e-\eyniars
(Israélite), fait le même métier à Bagdad , M. Lantivy
à Jérusalem, M. Ailetz à Gênes, M. Guéroult à Ma-
zatlan , M. Lefèvre de Bécourt en Chine; M. Lesourd
à Toclroi ; M. Petit-Jean à la chambre des comptes.
M. le docteur Donné avait eu le malheur d’échouer
dans un concours pour l’agrégation. Le Journal des
Débats y pour le venger de la science médicale ingrate
à ses mérites, a fait nommer M. Adolphe Donné in-
specteur général de toutes les écoles de médecine du
royaume. Cependant rambition des Débats n’était pas
satisfaite. Le journal s’est aperçu un jour, en 1844,
que sa rédaction n’occupait encore que deux ou trois
fauteuils à l’Académie française, et il a commandé
9 *
qu 011 lui en préparât un de plus pour M. Saint-
Marc Girardin. M. Saint-Marc Girardin a passé au
premier tour; le siècle est à la médiocrité. M. Jules
Jaoin s’était chargé de faire valoir, en cette circon-
siaqce, les titi’es littéraires de son collaborateur aux
Débats. C'est un [élit service qui trouvera sa récom-
pense à i-on heui e, et j’ai grand peur que l’auteur de
Barnave et de l\4y/c mort n'endosse le frac à brode-
ries vertes avant MM. Alfred de Musset, de Balzac et
Alexandre Dumas.
Le leuilleton des Débais a aussi droit de haute et
15
LE JOURNAL DES DÉBATS,
basse justice sur le théâtre, et régente insolemment
la littérature contemporaine. Les plus hautes illustra-
tions de la poésie, du roman et du drame sont con-
damnées à accepter les politeéses du critique, pour
éviter les éclaboussures de sa plume.
M. de Chateaubriand, M. de Lamartine, M. Victor
Hugo ont été peut-être obligés bien des fois de faire
antichambre chez le feuilleton des Débats ^ un journal
de boutique 1 U a fallu que Georges Sand lui deman-
dât ^ un jour, la permission avoir du génie ^ pour me
servir de F expression de mon éloquent et courageux
ami Eugène Pelletan. Le feuilleton des Débats s’est
permis de traiter, un jour, de rimailleur de troisième
ordre, M. Alfred de Musset, Fun de nos plus grands
poètes. Le même feuilleton professe un souverain
mépris pour M. de Balzac, pour M. Scribe et pour
M. Alexandre Dumas. 11 y a là un aristarque myope
qui a écrit deu:v volumes pour transmettre à la posté-
rité les horions et gestes d un paillasse, et qui fait
tous les lundis un feuilleton pour démolir les pièces
à succès. Ce feuilleton incolore , que je m’ennuie d en-
tendre appeler depuis si longtemps le spirituel, avait
aussi entrepris dans le temps la démolition de made-
moiselle Hachel... Mademoiselle llachei est une actrice
hors ligne, qui a ressuscité Racine et Corneille, et
qui, par sa diction admirable, nous a fait découvrir,
dans les chefs-d’œuvre des maîtres de la scène , des
merveilles d’harmonie ^ue nous n’y soupçonnions
pas!... Le héros du feuilletoniste était un paillasse
enfariné qui faisait le bonheur du public des Funam-
bules^ et que Fon disait sublime dans le Bœuf enragé.
La critique sans foi croirait n’accorapiir que la
|g de la féodalité financière.
moitié de ses devoirs, si elle se bornait à dénigrer le
talent; elle aime à compléter son œuvre par l’apologie
de la médiocrité. Le mépris de la poésie d’Alfred de
Musset a pour correctif 1 admiration de la prose de
M. Saint-Marc. C’est de la mauvaise foi en mode com-
posé qui s’appelle <le rimpartialité dans les hautes
régions de la critique.
11 est arrivé quelquefois à l’admirateur du paillasse
de faire passer le Rhône par la ville de Marseille, de faire
un lac français de Tocéan Atlantique, ou de confondre
le petit port de Cannes , en France, où débarqua l’em-
pereur, avec la bourgade d’Italie où vainquit AnnibaL
Il traite de pédants ceux qui le reprennent de ces in-
croyables âneries.
Hélas! la lâcheté de nos mœurs protège la critique
injuste, et l’indifférence de la loi laisse le talent sans
appui. Et c’est une des hontes de la littérature con-
temporaine qu’il ne se soit trouvé parmi nous qu’un
écrivain de cœur pour protester , au risque de sa li-
berté, contre l’ignoble despotisme du Journal des Mar-
chands, Comment comprendre aussi que, dans le
nombre des admirateurs passionnés d’Hermione, il
ne se soit pas rencontré un Oreste pour lui faire rai-
son des injures du faquin qui l’a si longtemps in-
sultée.
Il est vrai qu’il en conte de dire ses vérités au feuil-
leton des Débats, La loi punit de six mois de prison
et de six mille francs d’amende ces actes danne-
D
reux de franchise. Ainsi, tel a passé vingt années de
sa vie à injurier des femmes, à déverser le ridicule
et 1 outrage sur toutes les notabilités artistiques ou
littéraires de son pays ; tel a vécu vingt ans de ca-
LE JOURNAL DES DÉBATS.
17
lomnies ou d’apologies stip<endiées , qui a le front de
réclamer pour sa personne le privilège de l’inviolabi-
lité et peut se cacher sous l’égide de la loi pour de là
braver l’indignation de l’homme de cœur.
Mais malversez dans un emploi public, une direc-
tion de poste, par exemple, et l’impunité vous est
assurée en dépit des dénonciations du National, pour
peu que vous soyez parent d’un rédacteur du Jour-
nal des Débats,
Soyez feuilletoniste et faites donner des fêtes à votre
maîtresse par les préfets et les lieutenants généraux,
faites distribuer le prix de vertu dans les écoles par
les mains de Phryné , et le ministère public ne verra
dans cette impudente bravade de l’homme sans édu-
cation et sans cœur qu’une charmante facétie.
Il y en a un qui n’eut pas honte de déshabiller sa
femme légitime en public, le propre lendemain de
ses noces. La tenemos virgen,... J’ai cru, pour un mo-
ment, que le cuistre nous en étalerait la preuve con-
vaincante sous les yeux. Tous les austères puritains,
dont je viens de parler, appartiennent à la rédaction
du Journal des Débats,
Le premier Paris insulte M. de Lamartine et l'ap-
pelle poëte pour lui faire de la peine. 11 plaisante
agréablement les utopistes qui réclament pour le tra-
vailleur le droit de vivre. Le feuilleton littéraire s’at-
taque à MM. Alfred de Musset, Alexandre Dumas,
BalzaC; Scribe ; le feuilleton scientifique à M.; Arago....
Avec cela peut-être ne sommes-nous pas une centaine
d’honnêtes gens en France à qui la lecture des Débats
n’inspire qu’un souverain dégoût. Le Journal des Dé-
bats, que j’ai toujours vu assez médiocrement rédigé,
Il 2
de la féodalité F[NANCTÈRE.
4 le singulier privilège de faire fanatisme pour son
style. Je citais un jour à un de ses applaudisseurs en-
thousiastes la phrase suivante du Journal des Délmts
de je ne sais plus quel numéro de juin 1846 :
« Le pays est représenté par son gouvernement. Ce
n’est pas là une fiction, et cette fiction doit être surtout
respectée au dehors!,,.. »
Avouez que vous ne diriez pas les choses comme
ça, vous autres, s’exclama le Romain ravi.
Une autre fois que le ministère du 29 octobre était
sorti sans trop d’avaries d’une passe difficile, le meme
journal, qui voulait dire que la cause était sauvée,
écrivit, par l’effet d’une préoccupation singulière, le
mot caisse pour cause. Le quiproquo fut trouvé ado-
rable.
La maison Bertin avait, comme de raison, son en-
voyé aux fêtes qui eurent lieu à Madrid , à l’occasion
du récent traité d’alliance matrimoniale conclu entre
la maison d’Orléans et la, maison de Bourbon-Espagne.
L’envoyé de la maison Bertin avait rencontré sur sa
route des gendarmes , postés de distance en distance
pour assurer la marche du prince français; il fit une
phrase adorable sur l’effet pittoresque du gendarme
accoudé sur l’appui du roc dans l’attitude de la mé-
lancolie — Il avisa, dans un mauvais village, une
douzaine de paysans esjiagnols dansant sur la place
publique, à la lueur de trois ou quatre fusées volantes,
tirées en plein soleil. L’étrange innovation pyroteciini-
que le ravit en extase. Son admiration n’y tient plus
et déborde : « Je vous quitte , écrit-il aux lecteurs des
Débats y pour retourner à un de ces spectacles qiion ne
lunt^Mts de}(æ. fois dans sa vie! »
LE JOURNAL DES DÉIÎATS.
19
Il ne m’est pas bien prouvé que rimpudence de la
üagornerie ait été poussée plus loin que de nos jour^
par Boileau Despréaux.
Le Journal des Débats a eu trois de ses champions
blessés dans la dernière bagarre électorale, MMr Cu-
vilier-Fleury, Ailoury, Michel Chevalier. Il baisse, et
je ne serais pas étonné qu’il fût distancé avant peu
par r Époque y feuille beaucoup plus amusante et beau-
coup plus spirituelle , ou l’on est toujours sûr du
moins de rencontrer bonne mesure d’épigrarmnes, à
défaut de raisons.
Mais je voudrais bien savoir pourquoi le feuilleton
des Débats serait tenu à de la justice ou à des égards
pour un artiste éminent, pour une femme, quand le
premier Paris ne se croit pas meme tenu à du respect
pour le propre lils du Roi ; quand le premier Paris ne
craint pas d’infliger sa semonce insolente au jeune et
valeureux prince dont le noble patriotisme , s’exal-
tant à la vue des empiétements sans fin de l’Angle-
terre, a jeté courageusement le cri d’alarme au pays.
Un fils du roi des Français réprimandé de son patrio-
tisme dans une feuille soi-disant française. Ah !
voilà de ces spectacles qui ne pouvaient nous être
donnés qu’en des jours de dégradation nationale et qui
disent une époque !
Cette feuille, cependant, c/est l’organe tout puissant
qui dicte au gouvernement sa conduite dans la question
d’Orienl et dans celle de l’Irlande; qui aide à replacer
les catholiques de Syrie sous le joug abhorré desTurcs;
qui fait trembler le pâle M. Guizot rien qu’à la menace
de lui retirer son estime, et qui demande en riant à
Robert Peei d’en finir ave*! la mauvaine platsanterie
20 DE LA Féodalité financière.
d’O’Connell... Voilà les nobles esprits qui imposent
au ministère le choix des représentants de la France
à Tétranger. Étonnez-vous après cela que la France
soit si dignement représentée au dehors, et que les
Rosas et les Espartero, et les Turcs de Tunis, et ceux
de Jérusalem, si pleins de déférence pour les consuls
anglais, traitent si cavalièrement les nôtres! Étonnez-
vous que la France soit déjà tombée, dans l’esprit des
peuples, au rang de puissance de second ordre, et
descende si rapidement la pente de V abaissement con-
tinu !
Dans tout ce que je viens de dire rien n’est exagéré.
Ce que j’ai dit, je l’ai vu ou entendu; je n’ai fait que
répéter la plainte commune, la plainte des députés
conservateurs les plus sincères et celle des ministres
qui sentent toute la pesanteur du joug, mais qui n’o-
sent le briser, comme s’il était si difficile de suppri-
mer toute subvention aux Débats et de faire écrire
tous les jours, pendant six mois, dans la feuille offi-
cielle, que le Journal des Débats ne reçoit plus aucune
communication du gouvernement. Car, non-seule-
ment les ministres sont tenus de livrer la primeur des
nouvelles importantes aux Débats; non-seulement les
journaux ministériels ont la consigne de présenter
arme aux Débats en toute rencontre ; mais il est inter-
dit à ces malheureuses feuilles de prendre parti pour
le ministère contre les Débats, On peut ajouter foi à
mes accusations; je ne relèverais pas ces lâchetés sans
des preuves , et j’ai eu le temps d’en ramasser dans
les régions ministérielles où j’ai vécu dix ans. Qu’on
m en laisse citer une : il y a quatre ans au plus, le ca-
binet du 29 octobre avait été menacé de perdre la pro-
LE JOURNAL DES DÉBATS.
21
tection de M. le comte Roy, de M. Fulchiron et de
M. Mimerel, s’il persévérait dans son projet d’union,
douanière aveola Belgique ; il retira ce projet. Je pris
alors la liberté de lui reprocher vertement oette hon-
teuse reculade dans le journal subventionné que je ré-
digeais en ce moment à Toulouse. J’attribuais cette
détermination fâcheuse à l’influence des Débats. Je
m élevais contre cette influence néfaste ; je déplorais
en termes amers l’inféodation de ce cabinet à la feuille
Berlin, organe de la coterie des gros marchands. En
un mot, je prenais parti pour le roi, pour le minis-
tère qui me soldait ^ contre les Débats qui faisaient la
guerre au roi et au ministère. Alors M. Mallac, chef
du bureau du cabinet du ministre de l’intérieur, qui
s’était fait probablement auprès des Débats caution
de l’obéissance passive de la presse ministérielle ( il
est devenu préfet depuis) j M. Mallac, mon ami,
m’écrivit à cette occasion, pour me demander si je
voulais nous perdre. Ce fut bien pis, quinze jours
après, quand le Journal des Débats eut intimé au mi-
nistère des finances l’injonction d’épuiser la juridic-
tion des tribunaux contre une entreprise rivale ( la
Presse)^ et quand le ministère eut obéi à l’ordre.
Cette fois, comme j’avais signalé avec plus d’énergie
encore l’oppression cruelle ^^exercée sur les ministres
par le Journal des Débats^ M. Mallac m’offrit sa tête.
Je n’avais pas besoin de la tête de M. Mallao : je ne
l’acceptai pas. Seulement je priai le chef du cabinet
de l intérieur de me donner un successeur au plus
vite, par le motif qu’il m’était impossible de faire
cause commune avec les ennemis du pouvoir que je
m’étais engagé à servir. M. Mallac s’amusa beaucoup
22 DE LA FÊOnALtTÉ FINANCIÈRE.
de cet étrange scrupule et me retira son estime , ce
qui m’affligea vivement.
Une autre fois , le Journal des Débats ayant trouvé
excessivement habile de donner des complices mo-
raux au régicide Lecomte , le rédacteur du journal
ministériel de Lyon, le Rhône y eut le malheur de
juger cette tactique aussi maladroite que perfide,
et le malheur plus grand de l’imprimer. Il fut à 1 ins-
tant même cassé aux gages.
On sait, par l’histoire diplomatique de ces dernières
années, comment le Journal des Débats mène les af-
faires du dehors où l’influence anglaise prime partout
celle de la France, à tel point, que nos nationaux
recourent plus volontiers à la protection des consuls
britanniques qu’à celle des consuls français. Le rôle
que le Journal des Débats joue dans les affaires de
l’intérieur devait être encore plus funeste aux intérêts
de la grandeur nationale.
On peut se faire une idée de la sympathie que le
Journal des Débats éprouve pour les classes laborieuses,
au ton seul des articles par lesquels il a accueilli,
naguère, cette incroyable prétention des anti-mono-
polistes anglais, qui demandaient que leur gouver-
nement fût tenu de fournir à chaque travailleur, en
échange de son travail^ un salaire suffisant pour vivre.
Comme si les gouvernements étaient faits pour s’oc-
cuper de nourrir, de loger et de vêtir le peuple î et
de veiller à l’équitable répartition des produits du
travail...! 11 faut voir avec quelle légèreté de bate-
leur et avec quelle ironie charmante , les souteneurs
de la banque et du parasitisme commercial, rédui-
vsirent à néant les arguments de ces pauvres travail-
LE JOURNAL DES DÉBATS.
25
leurs anglais. Que le gouvernement français s’avise
un peu de donner dans de pareils travers 1
Hélas! la menace est inutile, le gouvernement de
M. Guizot est compléfement d’accord sur ce point
avec le gouvernement de M. Robert Peel; tous deux
estiment que les ministres ont mieux' à faire qu’à
s’occuper de nourrir le peuple et d’organiser le tra-
vail... et, par exemple, qu’il est beaucoup plus im-
portant d’organiser la corruption électorale et de nour-
rir la majorité parlementaire. N’ayez peur, M. Guizot
ne s’exposera pas une dixième fois à perdre l’estime
du Journal des Débats J pour gagner celle du peuple!
Cependant on a pu lire de temps à autre , dans le
Journal des Débats , des articles de M. Michel Cheva-
lier ou de M. Philarète Chasles, non-seulement par-
faitement écrits, mais, ce qui vaut mieux, bien pen-
sés et empreints d’une tendance élevée, d’une tendance
sociale progressive. Ceci est le comble de l’habileté et
de la rouerie du journalisme. Ces articles, qui n’en-
gagent à rien la politique des Débats, n’ont qu’un but:
prouver à l’abonné, partisan du progrès, qu’on n’est
pas l’ennemi du progrès, qu’on le comprend, qu’on
le désire, mais que le temps de la réalisation n’est
pas encore venu. Le temps des réformes n’est jamais
venu pour les fainéants gorgés de sinécures , et qui
touchent cent mille écus par an de la location de leur
feuille d’annonces. C’est au moyen de cette savante
tactique qu’on a réussi jusqu’ici à retenir dans le de-
voir les nombreux conservateurs qui seraient tentés de
faire défection au journal du parti des bornes, pour
passer dans le camp de la Presse. Les articles progres-
sifs des Débats se publient habituellement dans la
24
DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
quinzaine qui précède le renouTellement trimestriel.
On a vu le Jow'nal des Débats effleurer le radicalisme,
la veille des grands renouvellements. C est une raison
de cette nature qui a fait entreprendre au Jouvnal des
Débats la publication téméraire des Mystères de Pans,
où il est dit que le peuple a droit au nécessaire y seF>
lement Timprudente feuille a été plus loin cette fois
qu’elle ne croyait aller. Aussi beaucoup de gros ban-
quiers ont-ils retiré leur confiance aux Débats depuis
cette publication dangereuse, pour fonder une nou-
velle feuille sur des principes moins révolutiomiaires^
Le Globe y ce digne précurseur de r Époque, le Globe ^
journal de l’esclavage et de la liante banque parisienne,
fut chargé de faire justice des théories incendiaires de
M. Eugène Sue et de la Démocratie pacifique • et le Jour-
nal des Débats, qui suivant le journal la Presse^ son
ennemi intime,’ vendrait la France pour deux abonnés
de plus y le Journal des Débats regrette amèrement son
imprudence à cette heure et il travaille de toutes ses
forces à reconquérir le terrain qu’il a perdu. Ses ten-
dances progressives pivoteront désormais sur le per-
cement de l’isthme de Panama. Quand les Anglais
forcent les portes du Céleste Empire, pour gagner
quelques consommateurs de plus à leurs manufactu-
riers affamés, le gouvernement français, qui ne veut
pas rester en arrière de celui de la Grande-Bretagne
dans la voie des glorieuses conquêtes, s’empare des
îlots des Marquises , trois ou quatre méchants rochers
perdus dans l’océan Pacifique, et peuplés de quelques
inilliers de sauvages, et qui nous ont déjà coûté plus
d hommes et d affronts que ne vaudrait la conquête
de Madagascar. Quand l’Angleterre pousse à la démo-
25
LE JOURNAL DES DÉBATS^
lition de la vice-royauté de Méhémet-Àii, pour mettre
la main sur Fisthme de Suez, à la faveur de l’anar-
chie et des troubles, le gouvernement français détache
un ingénieur vers l’isthme de Panama, pour faire
pièce aux Anglais. Le Journal des Débats tient son
style napoléonien en réserve pour ces grandes occa-
sions.
Le Journal des Débats est lié par la question de bou-
tique, dans la question extérieure comme dans la
question intérieure : voilà pourquoi ses manifestations
progressives et sociales ne peuvent pas aboutir.
La feuille d’annonces des Débats rapporte, dit-on,
près de mille francs par jour. Ce chiflre-là en dit plus
que tous les raisonnements du monde pour expliquer
l’importance supérieure de la question commerciale
dans les conseils de la boutique du journal. Il est évi-
dent qu’il n’y a pas de subvention ministérielle, si
considérable et si humblement servie qu’on la sup-
pose, qui puisse entrer en ligne de compte avec ce
revenu d’annonces, revenu normal et presque indé-
pendant des crises politiques. Or, les propriétaires
des Débats y qui ont la protubérance de la calculativité
excessivement développée, savent que ce revenu dé-
pend du nombre et de la valeur financière'^ de leurs
abonnés, et il est naturel que leur sollicitude s’attache
à prévenir le désabonnement. C’est pour cela qu’ils
ont chanté la Marseillaise en 1 840 , quand ils ont vu
l’opinion du pays à la gueiTe, C’est pour cela que la
P) "esse leur a reproché d’être disposés à vendre la
France pour deux abonnés de plus»
Du reste, les Débats font bon marché de leur vertu
politique et ne se posent pas en Gâtons, S’ils |e ran-
26 DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
gent avec les dieux du côté des vainqueurs, s ils ap-
pellent à Toccasion Napoléon un tigre ^ un ogre de
CorsCy un crocodile, un scLltiMbanquCy ils ont du moins
le bon esprit de ne pas vanter à tout propos le mérite
de la fidélité au drapeau. U n'y a que les conversions
trop brusques qui offensent leur délicatesse. La trahi-
son, pour leur plaire, a besoin d'être ménagée et fi-
lée avec art. Ils n’admettent pas non plus que l’ingra-
titude soit une infirmité morale, comme aucuns le
prétendent; ils aiment mieux Fappeler V indépendance
du cœur.
Comme la féodalité du coffre-fort fait la loi aujour-
d’hui à toutes les autres puissances, ainsi le Journal
des Débats y son organe officiel, fait la loi à tous les
journaux. Les plus vertueuses des feuilles légitimistes,
radicales ou dynastiques sont entraînées forcément
dans sa sphère d’attraction. Un écrivain de l’opposition
libérale, mort, il y a quelques années, en odeur de
patriotisme, confessa, à son heure dernière, qu’il
n’avait jamais écrit dans sa vie qu’un seul et même
article , toujours la contre-partie du premier-Paris
des Débats de la veille. Le Journal des Débats a donné
une larme à la mémoire de cet homme de bien, et
cité sa conduite politique comme un modèle à suivre
à tous ceux de sa communion. Il a renouvelé l’expres-
sion de ses regrets , à l’occasion de la retraite de
M. I ^éon Faucher, rédacteur du Courrier Français .
qui marchait dignement sur les traces de son vertueux
prédécesseur Châtelain. Le National , le Constitutionnel ,
et le Sihcley ne font guère autre chose que MM. Châte-
lain et Léon Faucher; ils n’ont pas la franchise d’en
conveDÎr, voilà tout. Mais ces journaux ont bien de la
27
LE JOÜBNAL DES DÊ6AT8.
peine à dissimuler leur allégresse, lorsque le grand
journal descendant des hauteurs de son royal silence,
veut bien se commettre à discuter une question poli-
tique avec eux. Le jour où les Débats répondent au
Constitutionnel J les rues de Paris ne sont pas assez
larges pour Téquipage de la boutique. La pâte Régnault
exulte, comme les béliers de Y Écriture.
Cependant, les juifs ont trouvé qu’ils n’avaient pas
assez du Journal des Débats ^ malgré toute sa puissance;
et ils ont songé à lui donner pour acolytes, au moyen
du monopole des annonces, les trois autres organes
les plus répandus de la presse parisienne. Par Fan-
nonce, le journal; par le journal, le député; par le
député, le chemin de fer. C’est la France qui payera
le tout. La France est assez riche pour payer sa gloire î
DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
CHAPITRE IL
Iminolilllsnie forcé.
Il a été établi que la féodalité financière , armée du
monopole des emplois lucratifs et des grandes in-
dustries, flanquée du notariat, de la chicane et delà
presse , appuyée en outre sur la sotte crédulité de
f opinion, était maîtresse absolue de la direction de la
politique, tant au dehors qu’au dedans.
Or, puisque les intérêts du peuple sont diamétrale-
ment opposés aux intérêts de l’aristocratie linancière,
qui vit de l’exploitation et de la misère du peuple, il
est évident, a priori, qu’aucun projet de réforme
tendant à améliorer la condition des masses , ne peut
être proposé par le gouvernement. C’est bien perdre
son temps, en effet, que de vouloir faire entrer un
sentiment de justice dans le cœur de l’homme d’ar-
gent. L’avarice ossifie la fibre; le cœur de riiomme de
banque est cuirassé d’airain, verrouillé et cadenasssé
comme sa caisse.
Que le gouvernement demande une réduction quel-
conque de l’impôt, le journal des juifs va lui répondre
qu’il n’a pas droit d’altérer la valeur du gage sur lequel
ont prêté ses maîtres. — Parle-t-il de réduire les
droits sur les fers, une coalition d’industriels tout-
puissants se forme soudain contre lui. — De réduction
sur 1 impôt du sel, un savant se trouve là, qui en
IMMOBILISME FORCÉ.
29
sa qualité d’actionnaire d’une entreprise qui consomme
beaucoup de sel sans payer aucun droit , est d’avis que
la législation est excellente telle qu’elle est, et que
ce serait sottise de vouloir la changer — de 'remédier
aux abus de la vénalité des charges, c’est presque pro-
voquer une révolution.
D’après cela il est facile de prédire l’issue de toutes
les propositions qui peuvent être présentées aux cham-
bres dans l’intérêt du peuple ; et nous savons d’avance
le sort réservé à toutes les réformes.
Passons en revue toutes les questions financières du
jour, et nous allons voir que l’omnipotence des juifs
en avait imposé d’avance la solution à ceux qui se
disent les mandataires du pays, mais qui ne sont
réellement que les amés et féaux serviteurs de la royauté
juive. Examinons ce qu’il y avait à faire dans les
questions de chemin de fer, canaux , rentes, oc-
trois, etc., constatons ce qui a été fait, et annonçons
ce qui se fera. Le métier de prophète n’est pas bien
dilficile aujourd’hui, car du jour où ce livre a été
écrit, jusqu’à celui où il a été publié, la moitié des
faits que j’avais énoncés au futur^ ont dû être impri-
més au passé.
30
DE LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE.
CHAPITRE III.
^iiesttou des cbemins de fer.
Voyons comment la question des chemins de fer
marche depuis 1 83T , et posons d’abord le principe.
En principe, à l’État seul appartiennent le tracé et
l’exécution des lignes.
Car l’État seul est assez puissant pour faire préva-
loir dans le tracé l’intérêt général qu’il représente,
sur les prétentions de l’intérêt local. Lui seul est apte
à fonder r unité dans le système. 11 n’y a pas pour lui
de bonne ni de mauvaise ligne ; la bonne ligne est la
ligne utile : il n’a pour guide que l’équité, le respect
des droits des populations , le principe de la justice
distributive.
Lui seul possède dans le corps des ponts-et- chaus-
sées un instrument d’exécution parfait et peu dispen-
dieux.
A l’État seul appartient l’exploitation ; car le tarif
est un impôt qui doit être fixé par les chambres, et
il faut que ce tarif soit mobile, puisque la question
de tarif ou de transport est toute la question commer-
ciale. Donnez à un juif le droit de modifier les tarifs
d uii chemin de fer, demain il se fera industriel, aflran-
chira ses produits de tous frais de transport, et ruinera
tous ses concurrents. C’est permis, et ces choses~là
se lont tous les jours sur le chemin de Rouen, sur celui
QUESTION DES C
Lire la suite
- 21.75 MB
- 15
Vous recherchez le terme ""

79
