Termes les plus recherchés
[PDF](+51👁️) Télécharger Les fastes de l'abbaye d'Aulne "la riche" de l'ordre de Cîteaux pdf
Includes bibliographical referencesTélécharger gratuit Les fastes de l'abbaye d'Aulne "la riche" de l'ordre de Cîteaux pdf
' ' . . ' ’■ B. /'A
111
EKüWSir^
SjtfMiyQ
l
#
.0
»
Digitized by the Internet Archive
in 2016 with funding from
Getty Research Institute
«
https://archive.org/details/lesfastesdelabbaOOboul
L’ABBAYE D'AULNE-LA-RICHE
BOULMONT
de
l’Abbaye d’Aulne
« la Riche »
IDE X-^'OEIDEE IDE CIXE-A.XJX;
Simple notice historique, accompagnée de nombreux
détails, généralement peu connus, sur nos vieilles
institutions monastiques du moyen-âge, et surtout
sur la « vie intime de nos anciens moines
Ouvrage complétant hepreusement toutes les monographies spéciales d’anciens monastères.
FASTES»!
QAND
MAISON I. VANDERPOORTEN
rue de la Cuiller, *18
NAMUR
MAISON VICTOR DELVAUX
rue de la Croix, 23-25
Les Fastes de l’Abbaye d’Aulne-la-Riche
Vii8 géncra’8 de l’abbaye d’Aulne (côté sud) telle qu'elle était avant la grande reconstruction du XVIIl siècle
L’ABBAYE D’AULNE-LA-RICHE
PAR G. BOULMONT
LES FASTES
de
l’Abbaye d’Aulne
‘ la Riche •
IDE E’OEIDEE IDE CIXE^XJIS:
Simple notice historique, accompagnée de nombreux
détails, généralement peu connus, sur nos vieilles
institutions monastiques du moyen-àge, et surtout
sur la « vie intime de nos anciens moines ».
Ouvrage complétant heureusement toutes les monographies spéciales d’anciens monastères.
GAND
MAISON I. VANDERPOORTEN
rue de la Cuiller, 18
NAMUR
AtAISON VICTOR DEL VAUX
rue de la Croix. 23-25
TOUS LES EXEMPLAIRES SONT REVÊTUS DE LA SIGNATURE DE l’AUTEUR.
Li3-^ARY
PREMIÈRE PARTIE
I. Notice Historique
CHAPITRE 1
Origines d’Aulne
Sommaire : I. Fondation du monastère hénédictin. — 2. Une erreur historique trop
répandue. — 3. De la reconstruction du monastère par Saint Ursmer à sa destruc-
tion par les Normands. — 4. Vahbaye séculière d' Aulne. — 5. Le couvent Augustin
et son existence éphémère. — 6 . Fondation de Vabbaye cistercienne d’Aulne.
1. — Avant de commencer la visite des ruines de l’antique abbaye
d’Aulne et d’en interroger, pour ainsi dire, chaque pierre en détail,
il est très utile de s’initier tout d’abord à ce que l’histoire de cette
institution religieuse nous apprend de plus général tant sur leur édifi-
cation successive que sur les origines, splendeurs et épreuves du monas-
tère. Outre l’avantage assuré d’une étude plus fructueuse de ces ruines
vénérables, ce simple coup d’œil historique inspirera sans nul doute à
nombre de lecteuis le désir de faire plus ample connaissance avec
VHis oire de V Abbaye d'’Aidne, proprement dite, par laquelle nous
comptons clôturer cet humble travail.
Tout d’abord, remarquons qu’il n’existe peut-être pas un seul
établissement monastique de nos contrées dont les origines soient enve-
loppées de plus de ténèbres.
Les historiens ne sont guère d’accord que sur un seul point, le nom
du fondateur d’Aulne, saint Landelin, qui leur a été transmis par les
hagiographes du moyen âge avec les principaux événements de sa vie.
2
2
l’abëaye b’aulke
que nous ne pouvons rapporter ici en détail. Rappelons seulement que
ce saint personnage, après avoir reçu une très bonne éducation de
saint Aubert, évêque de Cambrai, se laissa entraîner dans le mal par
de mauvais compagnons, et, comme cela arrive souvent à ceux qui ont
renié leurs principes religieux, il s'enfonça tellement dans le crime qu’il
se trouva bientôt à la tête d’une bande de brigands semant l'épouvante
et la désolation dans la vallée de la Haute-Sambre; qu’il y possédait
deux repaires presque inaccessibles, l’un à Landelies, l’autre à Grignart,
près de Lobbes; que s’étant enfin converti il retourna auprès de saint
Aubert, lequel lui pardonna généreusement et finit même par l’ordonner
prêtre; qiv après plusieurs pèlerinages à Rome, Landelin s’établit avec
quelques compagnons sur les rives du Lobach, ce qui donna naissance à
l’abbaye de Lobbes; et qu’enfin un beau jour (on croit que c’était
en 657), brûlant du désir de reprendre la vie solitaire, que l’arrivée de
nombreux disciples lui avait rendue impossible à Lobbes, il dit adieu à
ses frères et descendit la Sambre avec deux compagnons jusqu’à l’entrée
d’un vallon très retiré et d’aspect sauvage qu’il nomma “ Aulne „ du
nom d’un arbre qui y pullulait, et y bâtit un oratoire et quelques
pauvres cellules.
Voilà à peu près tout ce qu’on sait de certain sur la fondation du
monastère d’Aulne.
2. — Quant à son existence depuis lors jusqu’au milieu du
XIP siècle, non seulement les auteurs en disent très peu de chose, mais
ils ne sont même pas d’accord sur le nom de l’ordre religieux qui l’habita
tout d’abord.
La plupart, et non des moins autorisés, s’appuyant sur une tradition
cistercienne, ne reposant elle-même, ainsi que nous le prouverons ailleurs,
que sur une fausse interprétation de texte d’une charte du XIP siècle,
avancent sans sourciller que saint Landelin fonda son monastère pour
des Clercs dits de la commune vie, ce qui ne peut évidemment être exact,
cet ordre ne datant que du XIV® siècle.
Si ces historiens avaient pris la peine de compulser soigneusement,
ainsi que nous l’avons fait, les vieux chroniqueurs de l’abbaye bénédic-
tine de Lobbes, nul doute qu’ils ne se fussent rangés à l’opinion de
Dôme Martêne, ce savant archiviste du XVIIP siècle, si bien au
courant des chroniques monastiques de son ordre, lequel dit textuelle-
ment de l’abbaye d’Aulne ; “ Saint Landelin la fonda il y a plus de
NOTICE HISTORIQUE
3
mille ans pour des religieux bénédictins auxquels dans la suite succé-
dèrent des chanoines... „ Sans entrer plus avant dans une discussion
historique, qui serait ici hors d’œuvre, constatons seulement ce fait
important pour nous que l’abbaye d’ Aulne doit sa fondation, et par suite
sa première construction, aux Bénédictins, ce qui nous expliquera cer-
taines anomalies présentées par la disposition générale des bâtiments
claustraux.
3. — Les chroniqueurs de Lobbes nous apprennent qu’environ un
demi-siècle après la fondation d’ Aulne par saint Landelin, son premier
successeur bien connu, l’illustre saint Ursmer, l’ami intime de Pépin
de Héristal qui se plaisait à l’entretenir à son château des Estinnes,
reconshndsit entièrement le monastère.
Grâce aux immenses ressources que la générosité du grand seigneur
austrasien, honoré aujourd’hui sous le nom de saint Hydulphe, avait
mises aux mains de saint Ursmer, l’humble monastère de S*' Landelin
jusqu’alors composé de petites cellules élevées çà et là sans aucun ordre^
put enfin, de même que celui de Lobbes, revêtir la forme exigée par la
règle de S*' Benoit. La distribution des lieux rappelait les observances
monastiques et en étaii le symbole. A l’entrée, la maison de Dieu ou
l’église abbatiale, limite du siècle et du cloître. Au levant du cloître^
le chapitre, où l’abbé instruisait et corrigeait ses frères, tout en unissant
les vivants et les morts par la charité; etc. (t)
S* Ursmer administra le monastère directement comme ses prédé-
cesseurs concurremment avec celui de Lobbes. Cet état de choses,
pendant lequel Aulne partagea toutes les vicissitudes de l’abbaye-mère
dura jusqu’à la désastreuse invasion des Normands vers 880.
4. — Après un demi-siècle d’abandon. Aulne, devenue partie
intégrante de la mense épiscopale de Liège depuis 888, est enfin relevée
de ses ruines par 4 évêque Hichaire qui l’érige en abbaye séculière dite
de Sainte-Marie et de Saint-Pierre et devient ainsi le troisième
constructeur ou fondateur de ce monastère.
Vers la fin du X® siècle, l’abbatialité séculière d’ Aulne est trans-
(Ij Voir pour plus de détails nos quelques pages intitulées : Lobbes, son abbaye
et son église romane dans les Publicalions de la Fédération archéologique et Historique
de Belgique. XVII R congrès. Mons 1904 ou 'a la fin du présent ouvrage.
4
l’abbaye d’aulne
féréé par l’évêque Notger dans la ville de Thuin où elle donne naissance
à la collégiale de Sainte-Marie et de Saint-Théodart.
A partir de cette translation et jusqu’au milieu du XII® siècle, que
s’est-il passé à Aulne? On l’ignore et on l’ignorera probablement
toujours.
5. — Une charte de l’évêque Albéron, datée de 1144, nous apprend
qu’à cette époque les cénobites d’ Aulne adoptèrent la règle des chanoines
réguliers de saint Augustin. Une autre, de l’an 1158, émanant de
l’évêque Henri II, nous fait connaître le remplacement de ces chanoines
par des Cisterciens venus de Clairvaux à Aulne dès 1147 (c’est-à-dire
quatre ans après la réforme stérile de 1144) et la transformation défi-
nitive de riiumble monastère bénédictin de saint Landelin en une
florissante abbaye cistercienne, œuvre collective du grand saint Bernard
et du prince-évêque de Liège.
C’est alors que commence réellement l’histoire de l’abbaye.
6. — Grâce au “ Chronicon alnense „ de D. Herset, dernier abbé
d’ Aulne, on peut, à partir du milieu du XII® siècle, suivi’e presque pas
à pas tous les événements importants qui se sont déroulés dans l’abbaye
cistercienne d’ Aulne jusqu’à la fin du XVIIP siècle.
Nous nous bornerons, pour le moment, aux faits qui se rapportent
spécialement aux origines des constructions qui font le principal objet
de ces pages.
Les douze disciples de saint Bernard, arrivés à Aulne sous la
conduite de Francon de Morville, se contentèrent tout d’abord de
restaurer les constructions existantes, lesquelles “ tombaient en ruines „,
dit la chronique. C’est sous cet abbé qu’on fit don au monastère des
dîmes de Viscourt, de Saint- Vaast, etc.
Son second successeur, l’abbé Dom Gérard de Grave, vit doubler
le nombre des moines (lequel s’était déjà accru considérablement sous
Francon) et dut par suite se mettre forcément à construire pour les
loger, ce qui d’ailleurs lui fut aisé, grâce aux dons qui affluaient de
toutes parts.
Landelies.
6
L’ABBAYE D’AULNE
CHAPITRE II
Splendeurs d’Aulne
Sommaire : 1. Prospérité spirituelle et matérielle de la nouvelle abbaye sous Hugues
de Pierrepont. Disparition du village P Aulne. — 2 . Pons procédés réciproques.
Un document curieux. — 3 . L'âge d'or de Vabbage. — 4 . Donations princiéres et
autres. — 5 . Observations.
1. — L’enceinte de l’abbaye d’ Aulne ne paraît avoir avoir atteint
les vastes proportions que nous lui constatons aujourd’hui qu’au
XIII® siècle, sous l’épiscopat de Hugues de Pierrepont. Cet évêque,
si ardent à soutenir les droits de son église sur le comté de Moha contre
le bouillant Henri, duc de Brabant, auquel il ht essuyer la sanglante
défaite de Steppes, fut le véritable auteur de la prospérité matérielle, de
l’extension définitive et surtout de l’indépendance de l’abbaye d’Aulne
qu’il avait prise en grande aftéction.
En effet, il l’enrichit de nombreuses dotations, la protégea efficace-
ment contre ses ennemis et forera même les habitants du village d’Aulne
(village formé peu à peu autour du monastère primitif et dont nous
parlerons plus en détail ailleurs), lesquels rendaient impossible l’agran-
dissement du monastère et en molestaient les nouveaux religieux en
toute occasion, à aller s’établir en dehors du vallon, moyennant, bien
entendu, une juste compensation pour les maisons et terres qu’ils durent
abandonner. De plus, il renonça généreusement, tant en son nom qu’à
celui de ses successeurs, à la plupart des droits qu’il avait sur l’abbaye,
laquelle cessa, par conséquent, de faire partie de la mense épiscopale.
Aulne, grâce à lui, jouit donc dès lors, pour la première fois, d’une exis-
tence propre, d’une indépendance presque absolue.
2. — Les moines, en retour, vouèrent à Hugues une reconnaissance
sans bornes. La lecture du “ Chronicon alnense „ le démontre suffisam-
ment. Comme l’évêque aimait à venir se délasser de temps à autre
NOTICE HISTORIQUE
7
quelques jours au milieu d’eux, les religieux d’ Aulne lui construisirent
de leurs mains une vaste habitation au pied des anciens jardins en
étage et lui creusèrent même un vivier rempli de poissons de choix à peu
de distance de là, près du vieux pont, afin qu’il pût s’y livrer au plaisir de
la pêche avec plus de tranquillité et de succès qu’au bord de la Sambre.
En 1224, cinq ans avant sa mort, le prince-évêque, par une charte
spéciale, céda au monastère l’habitation ci-dessus avec sa petite chapelle
pour servir à perpétuité d’infirmerie. 11 donna aussi le vivier en stipulant
que les poissons seront réservés aux malades.
Voici la traduction de cette petite charte assez curieuse et qui
intrigua tellement D. Martène lorsqu’on lui montra le cartulaire que, des
783 pièces qu’il renferme, celle-ci eut seule l’honneur d’une mention
spéciale du savant bénédictin :
“ Moi, Hugues, par la grâce de Dieu, évêque de Liège, fait con-
naître à tous, présents et futurs que les frères d’ Aulne ayant, par
l’amitié qu’ils me portent, bâti à leurs frais et sueurs une maison située
à l’extrémité de l’abbaye, sur le col de la montagne, auprès des vergers,
maison à laquelle j’ai fait aussi quelques dépenses, j’ai pour le salut de
mon âme et de celles de mes prédécesseurs, légué, cédé, donné après
ma mort, à ladite église d’ Aulne, tout ce que j’avais, ou pouvais avoir
dans cette maison de droits, d’avantage ou d’utilité. De manière toutefois
que cette maison avec son terrain et sa chapelle, soient à perpétuité à
l’usage des malades de l’abbaye et ne puissent être convertis même
momentanément à d’autres usages.
En outre, les mêmes frères par reconnaissance ont creusé dans leur
terrain, sous la fontaine des Aulnois, près du pont de la Sambre, un
étang par leurs labeurs et à leurs frais que j’ai partagés en partie.
Or, tout ce que j’y ai eu et pouvais y avoir de droits, d’avantage et
d’utilité, je l’ai aussi pour le salut de mon âme et de mes prédécesseurs,
légué, cédé, donné, après mon décès, à laditte église d’ Aulne, et cela à
perpétuité, sous réserve cependant que les poissons de ce vivier serviront
à l’alimentation des frères malades, soit profès, soit convers, et ne
pourront être employés autrement, excepté que deux fois par an on y
pêchera le dîner de la communauté.
Tout cela a été fait solennellement avec le consentement de l’abbé
et de tout le monastère d’Aulne.
Et pour que la donation soit ratifiée et respectée j’ai ajouté mon
sceau au présent écrit.
8
L’ABBAYE D’AULNE
Et moi aussi, frère Gille, abbé d’ Aulne, donnant mon consentement
à tout ce qui précède et l’approuvant solennellement, du consentement
de mon chapitre, je l’ai également muni de notre sceau.
Ainsi fait en l’an de l’incarnation du Verbe 1224, au mois de
Mars. „
(Trad. lill. de la charte n° 31 du Cartulaire d' Aulne.)
3. — On peut affirmer que les trente années d’épiscopat d’Hugues
de Pierrepont constituèrent Vâge d’or de l’abbaye d’ Aulne. Par suite du
nombre prodigieux de personnes de toutes conditions qui accoururent
alors s’enrôler sous la bannière de saint Bernard, on se vit obligé de
donner aux constructions claustrales et surtout à l’église une extension
si considérable (t) que dans les siècles de relâchement qui suivirent cette
brillante période, l’abbaye paraissait aux visiteurs beaucoup trop grande
pour le nombre des moines qu’elle abritait. Témoin ces lignes écrites
par Dom Martêne lors de la visite qu’il fit à Aulne, en compagnie
de Dom Durand, au commencement du XYIIP siècle, c’est-à-dire bien
avant la reconstruction presque complète de l’abbaye par l’abbé Louant :
“ Il y a peu de maisons de cet ordre qui aient un tel air de
grandeur. Tout ce qu’on y voit fait juger du nombre infini de religieux
qu’il y. avait autrefois. „ (Voyage littéraire de deux religieux bénédictins
de la Congrégation de Saint-Maur, T. I, p. 208.)
4. — Hugues de Pierrepont ne fut pas d’ailleurs le seul bienfaiteur
d’Aulne à cette époque de prospérité. D’autres personnages, et non des
moins considérables, comblaient comme à Tenvi la jeune abbaye cister-
cienne de leurs faveurs princières C’est ainsi, entre autres, qu’en 1219
nous voyons Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut, suivant en
cela l’exemple de Baudouin V, céder à l’abbaye la rente de 24 muids
d’épeautre et de 12 muids d’avoine que celle-ci lui devait sur les terres
d’Ofiregnies et de Theignies sous la condition que cette rente sera
appliquée à la construction d’une chapelle dans la nouvelle église.
En 1229, c’est Ferrand, mari de Jeanne, qui s’unit à celle ci pour
donner à l’abbaye une rente annuelle de 80 livres blancs, payables sur
leurs accises de Binche, afin de servir à l’entretien de huit moines
(1) Il en fut de même alors à l’abbaye de Villers, où l’on (iomplait au XIIE siècle
jusqu’à trois cents convers à la fois, ce qui explique les vastes dimensions données à
l’église abbatiale.
Église abbatiale d'Aulne. — Vue intérieure prise du fond du transept vers 1890
10
L’ABBAYE D’AULNE
“ devant prier Dieu pour le salut de leurs âmes ainsi que de celles de
leurs ancêtres et de leurs successeurs Ceux-ci d’ailleurs et notamment
la comtesse Marguerite et son fils aîné, Jacques d’Avesnes, continuèrent
ces traditions de générosité envers l’abbaye d’Aulne, à laquelle, entre
autres faveurs, ce dernier fait don en 1253 de toutes les droitures qu’il
avait à Clermont.
Dans sa nomenclature des bienfaiteurs principaux de la nouvelle
Aulne, Dom Herset mentionne d’abord les évêques de Liège, Henri II,
Hugues de Pierrepont et Pobert, lequel voulut même y être enterré et
dont on voit encore aujourd’hui la pierre tombale. Immédiatement après
il cite Jean, avoué de Thuin, “ homme d’un mérite éminent „, dit-il,
lequel, entre autres choses, céda d’abord à l’abbaye, en 1204, 40 bon-
niers de bois situés à Montigny, puis en 1209 tous ses droits d’avouerie
sur Aulne, et fit même jurer à son fils Gilles sur les reliques de l’autel
d’Aulne que jamais il ne molesterait les moines à ce sujet (voir folios 6
et 7 du Car tu! aire Aulne).
Viennent ensuite Jacques d’Avesnes (ses ancêtres sont mentionnés
plus loin en bloc par D. Herset), puis le seigneur Bastien de Gourdinnes
qui donna à Aulne, dès 1182, l’église de Clermont avec toutes les dîmes
et biens qu’il y possédait (voir Cart folios 51, 53, 290, 295). Arnould
de Morialmé qui, en même temps que Jean de Thuin, abandonna aux
moines ses droits sur Aulne (Car^., fol. 8) et dont la fille fonda plus tard
une chapelle dans la nouvelle église d’Aulne {Cart. y fol. 32) et enfin
Jean de Bianwez, avoué de Thuin et gouverneur (toparcha) de Monceau
d’après D. Herset, qui ajoute : “ dont plusieurs membres des deux sexes
de sa famille furent enterrés dans des cloîtres; et un très grand nombre
de souverains du Hainaut, du Brabant et de Flandre qui, animés d’une
sainte émulation, comblèrent merveilleusement nos anciens pères de
faveurs et biens de tout genre. „ {Giron. Alnen., fol. 3.)
5. — Notre aperçu historique sur les origines de l’abbaye d’Aulne
et surtout de ses constructions principales semblerait devoir se clôturer
rationnellement ici, attendu que les quelques travaux relatés par la
chronique de Dom Herset comme s’étant effectués en diverses parties de
l’abbaye et notamment à l’église, durant les siècles suivants, n’eurent
guère pour but que de remédier à l’œuvre destructive du temps ou des
hommes, sans apporter aucun changement important aux dispositions
générales adoptées au XIIB siècle et conservées même presque entière-
NOTICE HISTORIQUE
11
ment lors de la grande et malencontreuse reconstruction de l’abbaye en
style moderne entreprise au XVIII® siècle par l’abbé Louant, dont il
sera reparlé en détail plus loin.
Notre intention primitive était en effet de ne pas pousser cet aperçu
plus avant et de nous borner à ce qui se rapporte spécialement à
l’histoire archéologique d’ Aulne, ainsi que nous l’avons fait pour Villers.
C’est même la raison du développement exceptionnel que nous avons
donné en ce coup d’œil préliminaire au rôle véritablement prépondérant
joué par Hugues de Pierrepont dans la construction définitive de
l’abbaye.
Toutefois, cédant à des observations qui nous ont paru dignes d’être
prises en considération et dont la principale est la nécessité de satisfaire
au désir biei* légitime qu’éprouve naturellement tout visiteur des ruines
d’avoir dès l’abord une idée générale, non seulement de l’origine des
constructions de l’abbaye, mais encore et surtout de ses anciens habi-
tants, nous nous sommes décidés à continuer, très brièvement du reste,
notre aperçu historique jusqu'au XIX® siècle, renvoyant pour plus
amples détails à notre récit in extenso des fastes de l’abbaye. Conti-
nuons donc notre petit aperçu historique.
Après la mort du prince-évêque, Hugues de Pierrepont, qui fut
suivie de près par celle de son ami, le bienheureux Simon, le fondateur
de l’église abbatiale, le grand thaumaturge cistercien et la gloire la plus
pure de l’abbaye d’ Aulne (et peut être même de tout l’Ordre de Cîteaux,
abstraction faite de saint Bernard), le monastère continua de prospérer
matériellement et spirituellement jusqu’au commencement du siècle
suivant. Son prestige était si grand que ses abbés reçurent le haut
privilège d’administrer par surcroît plusieurs monastères assez impor-
tants, tels que ceux d’Aywiere, Félix-Pré et Soleilmont.
12
L’ABBAYE D’AULNE
CHAPITRE III
Epreuves, dernier éclat et destruction de
l’abbaye d’Aulne.
Sommaire : 1. Épreuves et déclin de Vahhaye au XIV^ et au XV^ siècle. — 2. Alternatives
de prospérité et de revers au XVI'^ siècle. — 3. Situation assez satisfaisante au
XVIl^ siècle. — 4. Nouvelle période de splendeur plutôt matérielle au XVIIP siècle et
reconstruction presque entière de Vahhaye. — 5. Existence mouvementée et dramatique
des dernières années. — 6 . Incendie de Vahhaye et dispersion des moines.
1. — Avec le XIV® siècle coïncide une diminution considérable du
nombre des religieux et surtout des convers, fait que l’on constate du
reste également à Villers à la même époque et qui est dû à plusieurs
causes dont la principale était apparemment l’aifaiblissement de la foi
religieuse dans nos contrées. L’abbaye, d’autre part, se ressentit fort
doloureusement des guerres intestines et autres qui ensanglantèrent à
cette époque néfaste la principauté de Liège.
Le XV® siècle fut surtout désastreux pour Aulne, par suite de la
lutte des Liégeois contre les ducs de Bourgogne et plus tard des
horrioles déprédations du trop fameux sanglier des Ardennes. Les
pauvres moines durent même s’enfuir plus d’une fois de leur saint asile.
Ils se trouvèrent en outre accablés de dettes énormes par suite des
exigences exorbitantes des gens de guerre de passage en ce lieu. C’est
cependant en ce même siècle qu’ Aulne, demeurée fervente malgi’é ses
épreuves, eut la gloire d’êtie appelée à léformer les monastères de
Moulins et du Jardinet.
2. — Après les invasions françaises du commencement du
XVI® siècle si funestes à Aulne, mise littéralement à sac, celle-ci jouit
de près d’un demi-siècle de prospérité et de calme relatifs sous les abbés
de Bosman, de Lanoy et Xoël. Par contrej le dernier cycle vit l’abbaye
NOTICE HISTORIQUE
13
en proie à des divisions intestines déplorables, causées par une élection
abbatiale irrégulière. Les ravages des G-iieux vinrent mettre le comble
aux maux d’Aulne, dont les moines durent fuir à Thuin.
3. — Durant la première moitié du XV!!® siècle, le monastère
répare peu à peu ses pertes et cicatrise ses blessures sous l’administra-
tion bienfaisante des abbés de Velpen et Jouvent.
Grâce à l’extrême prudence de l’abbé Reyers et de son successeur,
Aulne put traverser sans autre désastre qu’une dette énorme en perspec-
tive le reste du XVII® siècle rempli par les guerres de Louis XIV.
Si l’abbaye était très pauvre alors, Dom Herset constate avec bonheur
et fierté qu’elle était riche en vertus et peuplée de 70 religieux dont
58 moines-prêtres, 3 novices et 9 frères convers, tandis que douze ans
auparavant, c’est-à-dire en 1650, on n’y comptait que 34 moines de
chœur et 10 convers.
4. — Enfin, avec le XVIIP siècle l’abbaye d’Aulne voit poindre
l’aurore de la période la plus brillante de son existence depuis le
XIIP siècle, du moins au point de vue matériel. Le premier cycle fut
employé par les moines, sous l’habile direction de l’abbé Carion de
Thuin, à faire des prodiges d’économie et à vivre de privations afin de
parvenir à payer toutes les dettes du monastère. Il se termina par un
Te Deiim solennel et de brillantes réjouissances. Grâce à un excédent
de 35,000 florins laissé en caisse par son sage prédécesseur, l’abbé
Louant put entreprendre et continuer pendant un quart de siècle
(1728 à 1753) la construction complète du monastère dans le style alors
en vogue. Il édifia notamment les cloîtres ainsi que la grande façade;
ses successeurs achevèrent à l’église et ailleurs son œuvre si regrettable
au point de vue archéologique. Ils bâtirent enfin le nouveau quartier
abbatial servant aujourd’hui d’hospice. Inutile d’ajouter que sous ces
abbés si entreprenants les étrangers étaient l eçus au monastère encore
plus somptueusement qu’autrefois, surtout au temps de Louant.
5. — Malheureusement rouragan révolutiuiiiiaire allait bientôt se
déchaîner sur tant de splendeurs et en faire un monceau de ruines
informes. Il était réservé à Dom Herset, l’un des plus vertueux abbés
qu’ Aulne ait vus à sa tête, d’être le témoin impuissant de cette horrible
catastrophe que nous raconterons en détail ailleurs.
14
L’ABBAYE D’AULNE
Qu’on nous permette cependant de faire remarquer ici que de
même que la plupart des grands cataclysmes naturels sont ordinairement
piécédés de perturbations atmosphériques ou autres avant-coureurs
presqu’infaillibles, le jour à jamais néfaste qui devait éclairer la fin
d’une institution ayant résisté aux assauts de tant de siècles, fut aussi
en quelque sorte comme annoncé et préparé par une suite de calamités
rappelant les malheurs de l’abbaye au XVI® siècle.
En effet l’histoire complète des dernières années de l’abbaye
d’Aulne formerait à elle seule une volume assez considérable et d’une
lecture souvent très émouvante.
Ainsi, elle commence dès 1789 avec les luttes à main armée
entreprises par la municipalité révolutionnaire de Thuin, marchant à la
tête de la plus vile populace du pays (comptant bon nombre d’obligés
des moines) contre les abbayes de Lobbes et d’Aulne, que l’on payait de
la sorte de leurs innombrables bienfaits.
Elle se continue ensuite en 1790 et 1791 avec les exigences pécu-
niaires absolument exhorbitantes du Gouvernement révolutionnaire
liégeois et en 1792 avec l’envahissement du monastère par les Français
victorieux à Jemappes, puis par les Allemauds en 1793, le tout se
compliquant d’alertes presque continuelles et même de fuite des moines
menacés jusque dans leur existence.
6. — Enfin ce véritable drame en plusieurs actes, tous plus terribles
les uns que les autres, aboutit dès le 10 mai 1794 à la fuite générale
des religieux par une pluie battante devant les Français, vainqueurs des
Allemands à Thuin, et au pillage définitif de l’abbaye par les Sans-
Culottes, durant plusieurs jours de suite au milieu d’orgies indescrip-
tibles. Celles-ci furent dignement couronnées par l’incendie à jamais
regrettable de ce magnifique monastère, incendie grandiose, allumé
dans la journée du 14 mai 1794 par ces vandales modernes, vers trois
heures de l’après-midi, ainsi que nous le raconte un témoin oculaire,
Dom Herset lui-même qui, le cœur percé de douleur, assista impuissant
en compagnie de ses frères fugitifs comme lui, à ce lamentable spectacle
des hauteurs de la Louvière, distantes cependant de plusieurs lieues.
Si nous nous en rapportons à M. Lebrocquy et aux récits, qui nous
ont été faits autrefois par des témoins oculaires, l’abbaye d’Aulne offrait
un spectacle vraiment terrifiant en cette nuit à jamais tristement célèbre
du 14 mai 1794, qui vit l’anéantissement de cette antique et vénérable
NOTICE HISTORIQUE
15
institution monastique et de ses inapréciables trésors littéraires, ainsi
que des chefs-d’œuvre de l’architecture chrétienne, dont les trop rares
débris, restés debout jusqu’ici par une espèce de prodige, provoquent
encore l’admiration générale.
Qu’on se figure une afireuse cohue d’êtres plus semblables à des
démons qu’à des hommes, s’agitant au milieu des ombres de la nuit et
des reflets sinistres du gigantesque incendie allumé par leurs mains
criminelles et attisé avec une inconcevable fureur ! Autour des “ sans-
culottes „ frau(^*ais. exercés déjà de longue main à cette œuvre sata-
nique, grouille tout un ramassis de la lie des populations environnantes,
comblées cependant depuis tant de siècles de bienfaits innombrables et
continuels par cette charitable institution à la ruine de laquelle ces
malheureux apportent autant d’acharnement que de convoitise ! Ah !
l’ignoble convoitise! Que ne leur fait-elle pas faire?... Après qu’il n’y
a plus de tonneaux de vin à défoncer, plus de chambres à piller, plus
d’armoires à éventrer en quête de trésors imaginaires, n’est-ce pas elle
qui donne à plusieurs de ces forcenés, frustrés dans leurs espérances,
l’affreux courage d’aller chercher au plus profonds des souterrains,
attirés par l’appât de ces mêmes prétendus trésors, ces lourds cercueils
avec lesquels on les voit remonter péniblement sur le théâtre de leurs
exploits, et que là ils brisent ensuite à grands coups de hache?
N’est-ce pas aussi cette scélérate convoitise, qui, déçue encore dans
ses calculs cupides, pousse ces misérables à profaner avec une rage
véritablement diabolique ces restes si dignes de vénération ?
Combien d’autres scènes abominables marquèrent cette indescrip-
tible catastrophe !
Tandis que les flammes frémissent et bruissent au loin, que les
poutres crépitent, que les murs détonnent, que les toitures s’effondrent,
accompagnées des cris de triomphe de monstres à face humaine, d’autres
bruits se font entendre.
Ici, c’est la voix éraillée d’un chef que n’écoutent plus ses soldats;
là, la clameur sourde d’un incendiaire aviné, se traînant avec peine,
chargé d’un butin trop lourd pour lui, le long des murailles lézardées et
croulantes, qui menacent de l’écraser par leur chiite et de l’ensevelir
avec ses trésors sous leurs énormes débris ; d’autres en chœur chantent
des refrains sinistres, parmi lesquels on distingue : Ça wa, la Car-
magnole et la Marseillaise^ dont retentissent épouvantés les échos de ce
paisible vallon, qui pendant tant de siècles n’ont répété que le carillon
des cloches et la psalmodie religieuse !
16
L’ABBAYE D’AULNt
Parfois le bruit rauque des tambours résonnant sans mesure sous
l’action de doigts engourdis par l’ivresse, ou le son strident des clairons,
dominant tout ce vacarme infernal, viennent donner une nouvelle direc-
tion à l’œuvre de destruction et de pillage. On se précipite alors de ci
de là, sans ordre au travers des débris enflammés.
Dans les cours s’entassent des meubles, des livres et des vases de
valeur, des statues, des objets du culte arrachés à l’autel ou à la
sacristie : reliquaire s, candélabres, vêtements sacerdotaux, etc.
En un coin écarté, auprès d’une tonne défoncée et d’une table
boiteuse, un groupe à demi abruti par le vin joue le fruit de ses rapines
nocturnes et l’un ou l’autre joueur, après un mauvais tour de dé, jette un
furieux coup de poing sur la pauvre table, accompagné d’un formidable
juron; ailleurs deux hommes se disputent avec rage la possession d’un
objet qu’un troisième, caché derrière eux, se prépare à s’approprier
Entretemps les soldats de la République, échauffés par l’abus des
vins Ans destinés aux hôtes de marque du monastère, organisent des
rondes affreuses, sur le gazon fleuri des cours, avec des mégères plus
semblables à des furies qu’à des femmes, et qui eussent figuré dignement
au rqilieu des bachanales antiques ou mieux encore du sabbat des
sorcières de Macbeth....
De son côté, l’infâme général Charbonnier, digne chef de tels
bandits et que Dom Herset dans sa légitime indignation, qualifie de
Viro crapuloso, préside, en vrai vandale, à la destruction de l’immense
et précieuse bibliothèque, qui passait pour la plus riche de la Belgique et
renfermait, comme on l’a déjà vu plus haut, quarante- cinq mille volumes
et cinq mille manuscrits de valeur inappréciable.
Retiré dans le grand réfectoire, proche de la dite bibliothèque,
en face d’une longue table de marbre, convertie en un ardent foyer et
sur laquelle une soldatesque effrenée se fait un malin plaisir de jeter des
brassées de livres provenant de l’étage; ce grossier chef de soudards,
alors plein de vin, dans la fureur stupide de son ivresse, trouve encore
trop lente à son gré la combustion de ces trésors de science accumulés
par tant de générations de moines et attise le feu de la pointe de son
épée, veillant avec un soin jaloux à ce que rien n’en soit soustrait à sa
rage destructive.
Telle est la peinture bien pâle et bien infidèle de quelques-unes
des horreurs qui marquèrent la fin lamentable de l’abbaye d’Aulne.
NOTICE HISTORIQUE
17
CHAPITRE IV
Vengeance des moines d’AuIne
Sommaire : 1. Vains efforts des moines revenus de Vexil pour reconstituer leur com-
munauté. — 2. Philanthropie admirahle. — 3. Un testament digne de passer à
la postérité — 4. Conclusion.
1. — Lorsque la tourmente révolutionnaire parut être calmée, les
moines d’Aulne revinrent petit à petit, d’abord secrètement, puis au
grand jour pleurer sur les ruines de leur chère abbaye, dans les longs
corridors délabrés de laquelle on pouvait alors les voir tantôt seuls,
tantôt en groupe, errants comme des âmes en peine au travers des débris
calcinés obstruant partout le passage.
Un moment, ils crurent même pouvoir y reprendre bientôt leur vie
de prière et de pénitence volontaire, en vertu d’une ordonnance datée du
20 fructidor an III et émanant du représentant du peuple Lefebvre
de Nantes, leur rendant tous leurs biens.
Mais un mois plus tard venait la suppression des dîmes, par voie
législative, puis la mise sous séquestre de ces mêmes biens de l’abbaye
sous un prétexte futile. Enfin, le décret du 20 août 1796 rendu par la
Convention nationale et proclamant la suppression des corporations
religieuses vint anéantir leurs dernières espérances et les obliger la mort
dans l’âme, à se disperser définitivement.
2. — Cependant comme les moines avaient déjà racheté l’abbaye
et une partie assez considérable de leurs autres biens à l’aide des
“ bons de retraite „, il fallait aviser à en tirer le meilleur parti possible.
C’est en effet à quoi s’appliqua dès lors l’abbé Dom Herset, auquel
incombait ce devoir et qui seul en vertu de la règle avait le droit de
disposer de ces épaves encore assez considérables.
Il s’acquitta de cette tâche avec un tel désintéressement personnel,
3
18
L^ABÊAYE d’aulne
une telle sollicitude pour assurer la subsistance de ses religieux encore
en vie, une telle largeur de vue et un tel esprit philanthropique pour le
meilleur emploi à faire de ces ressources dans l’avenir, que son nom
a mérité de passer à la postérité parmi les plus grands bienfaiteurs de
rtumanité, représentée en l’occurrence par les pauvres vieillards de la
commune de Gosée, dont plusieui’s avaient peut-être même figuré parmi
les incendiaires de sa chère abbaye ! Vengeance bien digne d’un si noble
caractère et d’un chrétien si fervent.
Du reste la simple lecture de son admirable et immortel testament
suffit amplement à sa gloire et dispense de tout commentaire.
3. — En voici la partie essentielle, c’est-à-dire celle qui se
se rapporte directement aux ruines ou à la fondation de l’hospice :
“ Moi, soussigné Michel-Norbert Herset, ancien abbé religieux du
monastère d’ Aulne,
Art. 5. — Je laisse et lègue à mes confrères tous les matériaux
qui me sont dévolus dans les bâtiments incendiés qui tombent en ruine,
lesquels seront vendus par les administrateurs, lorsque les circonstances
se présenteront, pour les deniers en provenant être partie employés
à l’entretien des bâtiments occcupés, et le suiplus partagé entre eux,
sauf que les administrateurs pourront retenir une somme quelconque en
caisse, pour subvenir aux frais des longues maladies de mes confrères
repris au présent; quant aux pierres défectueuses, elles seront employées
à faire de la chaux pour l’engrais des terres de la ferme de la basse-cour
de ce monastère, ainsi qu’il a été pratiqué jusqu'à ce jour. (L
Art. 6. — Pour l’exécution de mes volontés ci-dessus, je dénomme
mes confrères Toussaint Baurieux, Hubert Tahon, Michel Ruquoy et
Augustin Maliieu, lesquels recevront des fermiers les rendages échus, et
en distribueront les deniers chaque année à leurs confrères ci-dessus
désignés et administreront le tout comme il suit.
Art. 7. — Dans les cas imprévus où il serait fait une demande
assez considérable en numéraire, pour subvenir aux frais de guerre et
(l) Celte uiilisalion des matériaux dont se scandalisa si fort Ghaleaubriant, lors de
son passage à Aulne, et que tous les amis de l’archéologie regrettent unanimement
à présent, avait comme on le voit ci-dessus, sa raison d’être bien légitime à celle époque.
Avant tout ne faillail-il pas assurer la subsistance des moines survivants?
NOTICE HISTORIQUE
19
autres, de la part du gouvernement, pour maintenir l’intégrité de mes
propriétés et faire exécuter mes volontés, lesdits administrateurs avise-
ront aux moyens les plus avantageux pour ne pas aliéner ni hypothéquer
les dites propriétés, afin que mes dispositions ne soient pas altérées.
Art. 8. — En cas de contestation sur mes droits de propriété, ou
sur l’inexécution des présentes, ou par telle cause que ce soit, lesdits
administrateurs pourront soutenir ou intenter en justice telle cause qu’ils
trouveront avantageuse pour l’exécution des présentes; lesquels ne
pourront cependant intenter ni soutenir d’action sans un avis favorable
de deux jurisconsultes.
Art. 9. — Comme la majorité de mes propriétés sont situées dans
un sol aquatique, et qu’elles exigent beaucoup de culture et d’engrais,
j’autorise lesdits administrateurs à passer en faveur de mes fermiers des
nouveaux baux à l’expiration des anciens, de manière qu’ils puissent
augmenter les propriétés et assurer l’exécution de mes volontés; pour ne
pas consommer le revenu de mes biens en réparations, comme il arrive
souvent, et priver mes confrères de mes bienfaits, toutes réparations
seront stipulées à la charge des fermiers et les administrateurs susdits
surveilleront à ce que les conditions soient exécutées.
Art. 10. — Si un des quatre confrères que j’ai dénommés ci- dessus
pour administrer mes biens, viendrait à mourir, les trois autres en
assumeront un quatrième, parmi ceux qui participeront à mes disposi-
tions, ainsi consécutivement jusqu’à extinction.
Art. 11. — Comme la majeure partie de mes biens est indivise,
lesdits administrateurs pourront, quand ils trouveront convenir, faire
procéder aux partages, soit amiablement ou autrement, pourvu que les
lots soient tirés par la voie du sort et sans fraude.
Art. 12. — Quant aux bâtiments de ladite abbaye, basse-cour et
terres en dépendantes, étant indivis, avec le sieur Jean-Baptiste Cordier
de Marcbienne-au-Pont, qui a trompé mes espérances, et dérangé
l’exécution de mes volontés (i), lesdits administrateurs, conjointement
avec l’exécuteur de mon présent, sont autorisés à procéder au partage,
lorsque ledit sieur Cordier aura rendu compte exact des matériaux
vendus et autres objets relatifs à ladite acquisition; et les deniers en
provenant, s’il y a bénéfice, être distribués entre mes confrères rappelés
au principe, et lors du partage, s’il y a possibilité, ils feront en sorte
(1) Nous éclaircirons ailleurs ce fait si malheureux pour l’œuvre de Dom Hersel.
âô
l’abbaye d’aulne
que les bâtiments que j’occupe présentement avec mes confrères, fassent
partie de mes propriétés, pour favoriser l’exécution de mes dispositions.
Art. 13. — Je veux et ordonne qu’après la mort de mes confrères,
désignés en mon présent testament, il soit formé une maison d’hospice,
dans les bâtiments que j’occupe, ou avec ceux qui sont loués présente-
ment — à laquelle maison je lègue la généralité de mes biens, pour
l’usufruit être consolidé à la propriété, après le décès du dernier vivant
des personnes désignées au présent testament — pour laquelle fondation,
l’exécuteur du présent et lesdits administrateurs en solliciteront l’auto-
risation près du gouvernement, selon la loi.
Art. 14. — Dans cette maison seront reçus : 1° deux de mes
parents pauvres à tel degré qu’ils puissent être, cependant les plus
proximes seront préférés; 2'" autant que possible des pauvres vieillards
natifs et domiciliés dans ladite commune de Gozée, au moins sexagé-
naires, et veufs, ou célibataires, lesquels seront nourris, habillés et
chauffés en commun du revenu de mes biens. Cette maison sera sous la
vigilance et administration de Messieurs les curés de Thuin et de
Gozée, et le Maire dudit Gozée, lesquels formeront un règlement sur
la police d’icelle, auquel sera tenue de s’y conformer toute personne
admise, à peine d’en être expulsée.
Art. 15. — Lesdits administrateurs, autant que faire se pourra,
placeront en cette maison un prêtre, dont l’âge ne lui permettra plus de
suivre les instructions pastorales, il y dira la messe tous les jours,
à laquelle assisteront ces vieillards, et prieront Dieu pour le repos de
mon âme et celle de mes confrères; il sera fourni à ce prêtre les choses
nécessaires à la vie, et il aura une surveillance active sur la conduite
des individus qui composent cette maison.
Art. 16. — Lesdits administrateurs sont autorisés, s’ils le trouvent
plus avantageux à l’hospice, de délivrer à chaque individu qui le
composera, une somme en espèces par jour, avec laquelle ils se procure-
ront les aliments nécessaires; mais dans ce cas, il faut éviter que ces
gens ne se répandent dans les cabarets, ou ne se livrent à des liqueurs
spiritneuses.
Art. 17. — Lesdits administrateurs régiront et administreront les
biens de ma fondation, ainsi qu’il est prescrit à l’art. 9 ci-dessus,
dérogeant à cet égard à toute loi contraire.
Art. 18. — En cas que le gouvernement n’autorise pas l’établis-
sement de la maison d’hospice que je propose, je veux et ordonne que
NOTICE HISTORIQUE
21
les biens que je possède en ladite ferme de La Neuve- Loiivière, située
audit Saint-Vast, appartiennent à l’hospice de Sainte-Elisabeth, à
Verviers, pour y former deux lits, pour deux de mes parents pauvres,
dont les plus proches en degré seront préférés, nés bourgeois ou non
bourgeois; quant à mes autres biens, je veux et ordonne qu’ils appar-
tiennent aux hospices des communes où ils sont situés, pour en jouir et
administrer de la même manière expliquée audit article 9.
Art. 19. — M. l’avocat Drion, de la commune de Sart, ayant
toujours été investi de ma confiance, je le dénomme exécuteur de mon
présent testament, le priant d’en accepter la charge, et de faire exécuter
mes volontés.
Art. 20. — Je veux et ordonne et lègue audit hospice, repris en
l’article 13 ci-dessus, tous mes meubles et effets qui seront inventoriés
après ma mort, pour par ledit hospice en jouir après la mort des religieux
mes confrères, repris au présent, et en cas que ledit hospice ne soit pas
autorisé du gouvernement, je veux et ordonne qu’après la mort des dits
confrères, les dits effets et meubles soient vendus publiquement, à la
requête des sieurs curé et maire dudit Gozée, que les deniers provenant
de la vente soient, par eux, distribués aux pauvres de la dite commune
de Gozée.
Art. 21. -- Que des deniers de l’article précédent, je veux qu’il
soit célébré trois grandes messes, à la rétribution de six francs chacune,
auxquelles devront assister tous les pauvres qui participeront à mes
dispositions, et y prieront Dieu pour le repos de mon âme, et de celle
de mes confrères ex-religieux de ladite abbaye.
Art. 22. — N’ayant pas désigné lequel sexe devra être reçu en la
maison d’hospice, je laisse le tout à la prudence des dits administrateurs,
pourvu que le tout soit administré en bons pères de famille, et procure
un avantage aux malheureux vieillards infortunés.
Art. 23. — Comme il existe présentement une usine dans l’enclos
de ladite abbaye, à l’usage de scierie aux marbres, j’autorise mes
confrères désignés au présent testament, de la louer à bail un peu long,
pour y former un établissement utile à la société, et par ce moyen
occuper les ouvriers, et retirer un plus grand avantage à leur bien être
et à celui de Thospice à former.
Art. 24. — Je veux que les administrateurs dénommés, pour régir
et administrer mes biens, ne retirent aucun salaire de leurs vacations,
que le tout se fasse gratuitement; et si Tun d’eux se trouvait infirme et
22
L’ABBAYE D’AULNE
hors d’état de gérer;
Lire la suite
- 28.65 MB
- 15
Vous recherchez le terme ""

51

86

43