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t. 1. Introduction. Droit des XII tables. Droit prétorien. Philosophe du droit.--t. 2. Droit celtique. Droit romain et gallo-romain.--t. 3. Droit germanique. Droit mérovingien et carlovingien.--t. 4. Droit publique, et droit privé du Moyen âge.--t. 5-6. Coutumes de France dans les diverses provincesTélécharger gratuit Histoire du droit francais : précédée d'une introduction sur le droit civil de Rome pdf
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HISTOIRE
DU
DROIT FRANÇAIS
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r»i-i5,— Imprimé par E. Thunol et (>, 'i6, nie Racine.
H I STOl li K T>
DROIT FRANÇAIS
PRECEDEE
wm mummm sur \m droit civil m mm
M. F. LAFERRIËRK,
MEMBRE. »E L'iNSTlTUT
IN'SVKCTF.rR r.F.NÉRAL DES FACri-TÉS DE DROIT
« L'bistuire interne du droit contient la substance
I tnème du droit. (Illa ipsam Jurisprudcntlœ snh-
> stanliam ingreditnr.) »
Lkibnitz. [^ova methodus.)
«La science oiplique les lois par l'histoiie, et la
> philosophie travaille à les épurer par la morale ,
> soiirco première des lois. »
PoRTALis. (De l'usage et de l'abuf
de l'esprit philosophique.)
TOME CINQUIÈME
COUTUMES DE FRANCE
TKS DIVERSES PROVlXi.ES
PA H I S
COTILLON, ÉDITELIK, LIBRAIRE Dl CONSEIL DÉTAT
33, au coin de la i-uo Moiifllot. !33
1858
LllIlK SEPTIÈME.
himm FÉODALE ET COUTUMIÈHI-:
DU Xlir AU \V1' SIÈCLE. *
COUTUMES I)K FKANCi:,
(.ONSIDKRÉKS SIIOCESSIVKMENT
DANS LES DIVERSES PROVINCES,
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LKS COUTUiMlKhS ET LES DOCUMENTS DU MOYEN ACE,
JUSQUES AUX TEMPS MODERNES.
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in 2009 witii funding from
University of Ottawa
Iittp://www.arcliive.org/details/liistoiredudroitf05lafe
AVANT-PROPOS,
Les tomes V el VI de T Histoire du Droit fran-
çais suivent ia publication du quatrième volume
à la distance de cinq années. Mon excuse est dans
le sujet de ces deux volumes, qui contiennent les
Coutumes de France considérées dans les diverses
provinces, au moyen âge et jusqu'aux temps mo-
dernes. Que le lecteur veuille bien jeter les yeux
sur la Table des matières, que j'ai reportée à la
lin du tome VI , pour ne pas scinder l'ensemble
du travail; il pourra d'un regard embrasser le
plan dans toute son étendue, dans toutes ses di-
versités, et il compiendra quelles difficultés il m'a
VIII AVANT-PROPOS.
fallu vainoro pour ramener a un ordre niétho-
«lujue el a une exposition raisonnee tant <J"objels
et de dueunients. qui, par leur multiplieité, j>ou-
vaient elTrayer l'esprit et déeourafjer la patienee
des investigateurs. Puissent les résultats histori-
«jues et juridiques ne pas paraître trop au-dessous
du labeur!...
HISTOIRE
DU
DROIT FRANÇAIS.
COUTUMES DE FRANCE,
CONSIDÉRÉES SUCCESSIVEMENT
DAl^S LES DIVERSES PROVIiVCES,
d'après
LES COUTUMIERS ET LES DOCUMENTS DU MOYEN AGE ,
JUSQUES AUX TEMPS MODERNES.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
SUR LES DIVERS CARACTÈRES DE LA FÉODALITÉ,
SUR LA FORMATION ET LE PROGRÉS DES COUTUMES.
PLAN DU LIVRE.
Ce Livre sur le Droit féodal et coutumier embrasse
tout le mouvement des Coutumes de France, depuis le
xni' siècle jusqu'à la fin du x\* ; je pourrais même dire
jusqu'au xvi" siècle, par les liens nécessaires qui ratta-
cheront ici la Coutume de 1510 aux anciennes coutumes
de Paris. C'est le Droit du moyen âge arrivant à pro-
T. V. 1
Z LIV. Vil. COUTUMES DE FRANCE.
(luire, par un travail d'émancipation graduelle, une
sorte de droit commun ou coulamier qui a pu s'appeler
du beau nom de Droit Français, bien que le nom fût
alors plus grand que la chose.
L'unité n'était pas au point de départ. Les di-
verses régions de la France avaient dans leurs usages
un caractère propre à l'origine des races, au mélange
des populations, au développement des mœurs, que
nous étudierons dans chaque monument des Coutumes
provinciales. Mais des principes généraux sont sortis du
long enfantement de la civilisation française; et si, dans
Tapplication, de notables diversités se sont perpétuées
jusqu'aux temps modernes, il existait une commu-
nauté d'institutions, un esprit national dans la condition
de \di famille noble et dans la condition de \sl famille ro-
turière , qui répandait partout des coutumes analogues
sur ces deux bases essentielles de l'ancienne société. —
Quant à l'unité même du Droit civil, à celle qui repose
sur l'unité de la Cité romaine, ou de la Nation française
de notre temjis, il ne faut pas la chercher dans l'ancien
Droit français 5 ce n'est pas Cuniié qui est le caractère
de ce Droit, mais la dualité. Le Noble a sa condition,
sa famille, sa terre (le fief), sa juridiction, sa coutume.
— Le Roturier a sa condition, sa famille, sa terre (la
censive), sa juridiction, sa coutume. Le Bourgeois, dans
les villes de Commune ou de Bourgeoisie, a aussi sa con-
dition, quelquefois sa terre (l'alleu), sa juridiction muni-
cipale, ses franchises, ses garanties; mais sa famille,
pour la constitution personnelle et réelle, est de condi-
tion roturière ; dès lors il ne forme pas dans l'ordre civil
une branche à part, et la dualité reste le vrai caractère
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. ô
du Droit civil au moyen âge. L'uniformité des coutumes
peut s'éteiidre, sans doute, dans ces deux brandies,
dans ces deux directions delà société civile ; mais l'unité
du droit n'y pénètre point ; elle n'est possible que lorsque
la société devient une: ce sera l'œuvre de 89. Jusque-là
de grands Jurisconsultes ont pu entrevoir ou espérer ce
qu'ils ont appelé l'unité des coutumes; ils ont pu croire,
par exemple, avec Dumoulin, à la possibilité de donner
à la France la Coutume de Paris comme coutume unique,
entreprise bien difficile; mais eût-elie réussi, la France
n'aurait pas eu l'unité du droit civil : l'obstacle était
dans la racine toujours vivante de la société du moyen
âge, la féodalité.
Le Droit coutumier, en France, a divers élém'ents,
et le présent Livre exposera cette immense variété;
mais quand on voudra résumer le caractère essentiel et
dominant des coutumes du pays, on arrivera toujours
à ce résultat qui nous avait frappé dans nos premiers
essais d'histoire du Droit, il y a vingt ans : les Coutumes,
prises dans le sens le plus général , sont le Droit civil
de la Féodalité K
Seulement, et avant tout, il faut bien reconnaître la
nature même de la Féodalité du moyen-âge, et ne pas
confondre sous la même notion des institutions très-dif-
férentes, sinon dans leur source, du moins dans leur dé-
veloppement et leurs effets.
La Féodalité a, dans l'histoire du Droit, deux carac-
tères qui la distinguent : d'une part, en féodalité mili-
taire ; — d'autre part , en féodalité politique et civile.
1 Ilisloîrc (lu Droit français, essai de 1836, t. i, p. 99.
4 LIV. VII. COUTUMES DE FRANCE.
La Féodalité militaire a eu quatre grandes manifes-
tations :
r La domination successive en Italie des trente ducs
lombards et des empereurs d'Allemagne;
2° La conquête de l'Angleterre par les Normands ;
3° L'occupation successive de la Sicile par les Nor-
mands et par Charles d'Anjou ;
4° La conquête de la Palestine par les Croisés, et les
établissements passagers des seigneurs français à Con-
stantinople et dans la Morée.
La Féodalité militaire a créé, sur ces différents points,
des lois à son image :
Les Lois lombardes et le Livre des fiefs de Milan ;
Les Lois anglo-normandes ;
Les Constitutions de Naples et de Sicile ;
Les Assises de Jérusalem et les Coutumes de l'Empire
de Remanie.
Nous avons précédemment déterminé l'esprit de ces
lois et coutumes ^ ; et nous sommes arrivé à ce ré-
sultat, savoir, que de la féodalité germanique et mili-
taire est né le Droit féodal proprement dit, qui a pour
principe, la force; — pour liens, l'hommage simple des
bénéfices révocables, l'hommage -lige des fiefs héré-
ditaires, le serment de fidélité ^ ; — pour institutions et
garanties, la cour seigneuriale des pairs de fief, le duel
judiciaire , les guerres privées.
2 Voh- t. III, liv. IV, cb. /i, sect. 6, p. 120 et suiv., et t. iv,
liv. VI, cil. 2, sect. 1 et 2, p. Zi73 et suiv.
3 De forma fiddilatis, épître de Fulbert, évêque de Chartres
(1006 à 1028). — Epistola 101, dans le Recueil de ses œuvres,
et Max. Bibl. patrum, t. xviii, p. 28. —Sur l'Hommage-lige, voir
mon t. IV, p. Zil2 et 508.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. 5
La Féodalité politique et civile se rattache à la féo-
dalité militaire et absolue, mais avec des caractères
hien différents et une nature vraiment progressive. Elle
s'est établie et développée dans l'intérieur de la France,
de la fin du xi^ à la fin du xiif siècle, et en s' unissant
aux divers principes de la société, aux chartes com-
munales, aux usages locaux, au Droit romain et cano-
nique, elle a produit de nombreux monuments qui ont
un caractère territorial et mixte, les coutumes des
provinces ; elle a produit le droit qu'on peut appeler à
juste titre le Droit coutumier du moyen âge.
Cette distinction entre la féodalité militaire et la
féodalité civile est fondamentale; elle se retrouve à
divers degrés dans tous les monuments juridiques de
la période que nous étudions , et elle donne le moyen
d'apprécier leur esprit et leur plus ou moins d'infiuence
sur la formation ou le progrès du Droit féodal et cou-
tumier, qui est devenu dans ses dernières élaborations
le Droit français du xvi' siècle.
Dans les volumes précédents et le Livre vi sur le
droit privé des premiers temps du moyen âge, nous
avons vu naître et se coordonner, sous l'action de la
féodalité militaire, les institutions et les usages qui ont
concouru à former l'ensemble du Droit féodal. Nous
les avons étudiés en Orient et dans la Grèce , en Angle-
terre et dans l'Italie. Nous avons constaté avec soin les
différences qui s'établissaient par la force des situations,
entre le Droit féodal extérieur et le Droit féodal inté-
rieur : l'un conservant en Italie et dans l'Orient surtout
les caractères inhérents à la féodalité militaire et abso-
6 LIV. VII. COUTUMES DE FRANCE.
Jiie; i'aulie, au contraire, subissant en France, comme
eu Angleterre , l'action d'une société civile qui s'attache
au sol par la cenaive et la classe roturière, non moins
que par le ^e/et la classe noble, et qui s'allie au pro-
grès incessant des idées et des faits , dans l'ordre poli-
tique et judiciaire.
Nous nous sommes alors occupé seulement des prin-
cipes, des institutions qui pouvaient former le fond
commun de la Féodalité européenne et française. Quant
aux monuments, nous avons étudié ceux qui, nés hors
de la France , comme les assises de Jérusalem , les lois
de Guillaume le Conquérant, le livre des liofs lom-
bards, avaient avec elle 'des relations d'origine ou
d'influence et qui étaient produits surtout par la féo-
dalité militaire. — Nous n'avons pas encore recherché
les monuments du Droit féodal et coutumier nés sur le
sol même du pays et appliqués pendant le moyen âge à
nos différentes provinces. Nous n'avons pas indiqué les
diversités cou lumières et fécondes qui recouvraient et
modifiaient la féodalité primitive sans en étouffer le
germe, et qui constituaient le droit réel et caractéristique
des principales régions du territoire français.
C'est un spectacle curieux et instructif que celui
offert par l'ensemble et la variété des monuments du
Droit au moyen âge , qui ont leur type supérieur, au
nord , dans le livre de Beaumanoir et les Établissements
(le saint Louis, au sud, dans les coutumes d'Arles, de
Toulouse, du Béarn : mais les coutumiers acquièrent
surtout un grand intérêt quand on les considère suc-
OBSERVATIONS PRELlMINAlftES. /
cossivement, selon un certain ordre géographique, dans
leur rapport avec les lieux et les temps qui les ont vus
naître. Une lumière inattendue sort, pour l'histoire du
Droit, de cette géographie morale et politique des
Coutumes de France; et l'on suit, avec un intérêt tout
national , les efforts qui tendent , au milieu des diver-
sités de provinces et de races , vers l'uniformité des
principes et des institutions, sinon dans la France en-
tière, du moins dans plusieurs de ses grandes ré-
gions.
Telle est l'étude ici proposée; tel est l'objet du Livre
VII, l'un des plus importants et des plus difficiles de toute
l'histoire du Droit français.
Je vais donc rechercher dans nos provinces du Nord
et du Midi, de l'Est et de l'Ouest, les documents féo-
daux et les coulumiers du moyen âge produits our eçus
par chacune d'elles, et, à leur défaut, les dispositions,
de rédaction moins ancienne, qui portent l'empreinte
traditionnelle de la même époque. — Je veux étudier
et caractériser les diversités du Droit au sein de popu-
lations diverses d'origine, de sujétion, de mœurs. Je
veux tâcher de présenter, pour la première fois, l'his-
toire juridique de la France féodale et coutumière dans
un certain ordre géographique , en rappelant les pro-
vinces, les monuments et les coutumes de la circon-
férence au centre du royaume.
Je commencerai mon exploration par les provinces
de l'Est et du Sud-Est qui ont plus ou moins subi, sous
la suzeraineté de l'Empire germanique, l'action du
Livre des Fiefs et du Miroir de Souabe, J'ai déterminé, à
8 LIV. vu. COUTUMES DE FRANCE.
la fin du tome précédent, les ressemblances ou les dif-
férences essentielles du Livre des fiefs avec le droit com-
mun de la France féodale. Il faut maintenant distinguer
avec précision la place que le Livre des fiefs occupe
dans les coutumes de la Lorraine, de l'Alsace, de la
Franche-Comté, du Dauphiné, de la Provence qui rele-
vaient, à divers degrés, de l'Empire et qui forment na-
turellement la première grande ligne de notre Géogra-
phie juridique. J'y joindrai le Duché de Bourgogne
dont la Franche-Comté s'est détachée, sans répudier ses
coutumes, et le pays Lyonnais, issu de la Colonie vien-
noise et quelque temps entraîné, avec la Bresse et la
Dombes, dans l'orbite impériale.
J'avancerai ensuite vers le Midi, interrogeant les mo-
numents et l'esprit des anciennes coutumes d'Aigues-
Mortes inséparables du souvenir de saint Louis ; d'A-
lais, qui les imite et s'en défend ; de Montpellier, qui
inscrit sur son Thalamus au milieu de ses institutions
municipales l'école romaine de Placentin; de Toulouse,
où le vieux Droit romain s'est conservé avec l'indépen-
dance de la Cité gallo-romaine; d'AIbi, qui a rejeté les
Lois de Simon de Montfort et abrité ses coutumes indi-
gènes sous la seigneurie temporelle de son évéque.
Dans la région pyrénéenne j'étudierai l'esprit féodal
et libre des Fors du Béarn ; je rechercherai les traces
des mœurs ibériennes ou visigothiques, depuis le pays
basque jusqu'au Val de l'Andorre et aux terres du
Roussillon, demandant aux Coutumes de la Biscaye et
aux Usages de Barcelone leurs rapports ou leurs diffé-
rences avec les Fors de Navarre, le Forum judicum et
les coutumes de Perpignan.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 9
Puis, je redescendrai vers le Sud-Ouest avec le» cou-
tumes de Moissac, de Condom et d'Agen, de Martell
dans le Quercy, de Bergerac , de Limoges, de la Réole
où se trouve une empreinte remarquable de la féodalité
du x' siècle; — de Bordeaux qui a gardé, pour la
Guyenne, dans son recueil des Las Couslumaz, le témoi-
gnage de la féodalité militaire, reconstituée sous l'action
guerroyante des Plantagenéts.
Ne franchissant pas alors les premières limites de
l'ancienne Aquitaine et laissant la Saintonge et le Poitou
dans le rayon des provinces du centre, je serai appelé,
par de grandes affinités d'institutions et de destinées
politiques, de la Guyenne vers la Bretagne, l'Anjou, la
Normandie. En Bretagne, j'étudierai les Assises de Gef-
froy qui transforment féodalement le droit et la succes-
sion des grands domaines dans la province celtique;
en Anjou, les principaux germes des Établissements de
saint Louis; en Normandie, le parage qui protège l'in-
dépendance de l'homme du Nord jusque dans la disci-
pline des fiefs, le droit d'ahiesseet la hiérarchie féodale.
De la Normandie je remonterai au Nord vers la
Flandre, leHainaut, l'Artois, la Picardie où les coutumes
germaniques se sont fidèlement transmises, la Cham-
pagne qui a mêlé à ses traditions un caractère généreux
d'originalité; le Vermandois qui eut pour premier in-
terprète de ses usages Pierie de Fontaines, le père du
Droit coutumier.
Et après avoir décrit, dans cette revue de Coutumes,
le plus grand cercle géographique des provinces de
France, je m'arrêterai au centre du Royaume. Là , au
siège de la Royauté française, se trouvent réunis les mo-
] LIV. VJI. COLTfMES DE FRA^•CE.
numents féodaux etcoiitumiers où s'est vivement réflé-
chi ce que la Féodalité politique et civile avait de plus
général, de plus juridique, de plus civilisateur: le Livre
de la Reine Blanche ou le Conseil de P. de Fontaines,
l'ouvrage de Beaumanoir, le Livre de Justice et dePlet,
les Olim ; et ce monument que la critique moderne a
disputé, comme œuvre législative, à la mémoire de
Louis IX , mais qui , recueil privé ou code authentique,
a mérité le nom d'ÉiABLissEMENis de saint Louis, et qui a
répandu bien au delà du territoire des prévôtés de Paris
et d'Orléans l'influence salutaire de son autorité. Je
constaterai cette influence dans les diverses zones de la
France centrale, et en caractérisant le Droit spécial du
Poitou, de l'Angoumois et de la Saintonge, du Niver-
nais, du Bourbonnais et de l'Auvergne, en suivant Tac-
tion favorable des Coutumes de Lorris dans l'Orléanais
et les contrées voisines, je serai ramené à l'Ile-de-France,
au cœur du Royaume, aux Coutumes de Paris qui se
sont longtemps concentrées dans les Sentences du parloir
aux Bourgeois^ dans les Coutumes notoires du Châtelet,
dans les enquêtes par Turbes, pour se perfectionner
par l'association d'éléments divers et rayonner enfin, au
xvi" siècle, sur toute la France coutumière.
Ainsi dans son long pèlerinage, de la circonférence
au centre du Royaume, l'histoire du Droit français au
moyen âge aura recueilli tous les principes , comparé
toutes les institutions à de longs intervalles, constaté
les fortes influences, marqué les grandes lignes des
Coutumes, et donné à la philosophie du droit les
moyens d'apprécier l'esprit général de l'ancien Droit
français.
OBSEUVATlONS PRÉLIMINAIRES. il
Charles Vil, qui avait conquis son royaume et ac-
compli par la main d'une vierge héroïque et sainte la
délivrance du pays et le salut de la couronne de France,
a voulu que la France entière, dans chacune de ses
provinces, vint attester ses coutumes et les fixer dans
des monuments durables *. La pensée de l'Ordonnance
de 1 453 était non-seulement de fixer les coutumes pour
l'avenir, mais de les épurer des désordres et de la con-
fusion qu'avait entraînés la guerre de Cent-Ans. Un
siècle de guerres, de troubles, d'anarchie, de trahisons
lamentables , de violences sur les personnes et les
choses, quelle préface à ce Code civil français, dont les
fragments étaient dispersés dans les diverses contrées
du nord , du centre , de l'ouest et du midi ! Mais l'appel
du Roi libérateur a été entendu dans ces provinces dé-
chirées et sanglantes , dont le cœur plein de patrio-
tisme tenait également à ses lois municipales , à ses
lois nationales ; et lentement, à partir de l'Ordonnanco
de 1 453 , les Trois États convoqués en chaque province
par le roi ou les princes apanagistes , sous les règnes
successifs de Charles YII lui-même, de Louis XI, de
Charles VIII surtout, de Louis XII et de François I", ont
déclaré leurs coutumes féodales ou civiles et quelquefois
modifié , sous la présidence des magistrats du Parle-
ment, d'anciennes traditions qui ne pouvaient sup-
porter la lumière. La France entière représentée dans
ses comices provinciaux, en commençant par la Bour-
gogne et l'Anjou qui ont rédigé leurs coutumes en 1 459
et 1461, a donné le spectacle unique au monde d'une
Il Ordonnance, lZi5o, art 125.
1:2 LIV. Ml. COUTUMES DE FRANCE.
nation qui, sur tous les points de son territoire et dans
soixante cités choisies comme centres partiels de ses
populations, a dicté ses lois à elle-même en déposant
de ses usages territoriaux et séculaires. Il a fallu, dans
les esprits , une grande disposition à l'association des
principes, au rapprochement des institutions, et, dans
les mœurs, un profond respect des faits et des droits
du passé pour que l'œuvre de législation coutumière qui
mettait en présence tant d'intérêts opposés fût possible,
et devînt ensuite un objet d'attachement et de culte
local. L'œuvre multiple des Trois-Ordres , l'Église, la
Noblesse , le Tiers État représentant la propriété géné-
rale et les droits territoriaux sous toutes leurs formes,
partout s'est accomplie, de la fm du xv" au commence-
ment du XVI* siècle : quelques rares protestations, en fa-
veur de droits allégués et non reconnus, ont été consi-
gnées à peine et bientôt oubliées dans les procès- verbaux.
A l'ouverture de ce siècle de grande agitation où le
levain des dissentiments fermeiitait de toutes parts, les
dissentiments ne se sont point produits dans l'ordre des
intérêts civils, comme dans la sphère des questions po-
litiques ou religieuses :| l'Assemblée de lolO, par
exemple, pour la première rédaction de la Coutume de
Paris, n'indique aucun symptôme des divisions ardentes,
irréconciliables qui ont éclaté au sein des États-Généraux
de 1 576 ou de 1 61 4. C'est que dans l'ordre civil le sen-
timent du droit est plus profond et en même temps plus
calme que dans un autre ordre d'idées. Il s'agit des plus
graves intérêts de la propriété, de la famille, des suc-
cessions. Là ce qui est a toujours une grande raison
d'être, et le trouble apporté sur un point peut réagir
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 13
sur l'ensemble. En déposant de la coutume de son pays,
chacun dépose de son état de foraille, de son existence
civile, du droit de ses aïeux et de ses enfants, et chacun
sent que le droit et le devoir y sont unis par la tradition
d'un lien naturel ou sacré. Aussi, Charles VII, on peut
le dire, après avoir sauvé sa couronne et affranchi son
royaume de la domination étrangère, a sauvé le droit
de l'ancienne France. En fixant les coutumes par écrit,
il a fermé l'abîme de confusion où elles allaient se per-
dre ; et en même temps , il a redonné l'intérêt et la vie
à ces vieux coutumiers du moyen âge qui dormaient
dans les ténèbres du greffe des bailliages, et qui devin-
rent le principe et le fond des coutumes à rédiger,
comme la loi des XII Tables était restée le principium et
fons du Droit prétorien et du Droit de l'Empire.
Ce sont ces anciens titres surtout, les Coutumiers du
moyen âge, que j'ai voulu faire revivre dans ce Livre
qui s'arrête à l'entrée du xvi* siècle.
Mais je ne suis pas resté avec eux dans l'immobilité
de la lettre du xiif ou du xiv^ siècle; et reconnaissant
l'esprit progressif de la France qui , dans le cercle des
destinées humaines, s'avance même quand l'aiguille
paraît immobile, j'ai indiqué la marche du temps et
iixé les résultats du progrès dans les institutions coutu-
mières, jusqu'au moment où la Coutume de Paris se re-
cueille dans sa rédaction officielle de 1510 , pour se
j)réparer à sa réformation sous l'influence du génie de
Dumoulin, et pour partager avec le Droit romain le titre
de Droit commun de la France.
Quelquefois, quand le sujet l'exii^e, je jette un regard
li LIV. YII. COUTUMES DE FRANCE.
jusqu'au terme où expire la féodalité civile, jusqu'à la
Révolution de 1789 qui s'éclaire vivement, dans l'his-
toire, au rapprochement des institutions du passé.
En cela je ne manque pas à l'unité de plan, car l'idée
ou l'institution, qui n'a pas changé dans les temps mo-
dernes, est toujours l'idée ou l'institution du moyen
âge. Quand je franchis la fin du xv* siècle, c'est donc
pour montrer le lien qui existait encore , sur certains
points, entre le moyen âge et les temps modernes ; c'est
pour faire mieux sentir, dans l'histoire de notre Droit ,
l'importance d'étudier une époque qui a prolongé sa
durée jusqu'au dernier âge de l'ancienne monarchie;
c'est pour mettre mieux en relief des institutions ou des
coutumes, dont nous sommes séparés aujourd'hui bien
plus par les idées que par les siècles.
CHAPITRE PREMIER.
COUTUMES DES PROVINCES DE l'eST ET DU SUD-EST DE LA
FRANCE, QUI ONT PLUS OU MOINS DÉPENDU OU RELEVÉ
DE l'empire germanique.
SOMMAIRE.
sect. ^^ — lorraine.
Anciennes Coutumes de Lorraine , de Bar et du pays
Messin. — Accessoirement : Miroirs de Souabe et de
Saxe. — Droit de La province. — Assises de l'ancienne
Chevalerie de Lorraine.
Sect. II. — Alsace.
Anciennes Coutumes. — Influence directe et continue du
Livre des Fiefs et du Miroir de Souabe. — Droit sta-
tutaire.
Sect. m. — Les deux Bourgognes (Duché et Franche-Comté);
Pays Lyonnais, Bugey, Bresse et Dombes.
Observations préliminaires sur les relations de ces con-
trées et d'autres provinces avec le royaume d'Arles.
— Charte de Lxjon. — Caractère du Droit en Bugey,
Bresse et Dombes.
Anciennes Coutumes de Bourgogne. ~ Rapports et diffé-
rences entre les Coutumes du Duché et de la Franche-
Comté.
Sect. IV. — Dauphiné.
Ancien usage du Livre des Fiefs. — Statutum solemne
Humberti II Delpliini — Co??56'i7 delphinal; Gouver-
neur; Parlement. — Caractère du Droit.
16 IIV. VII. COUTUMES DE FRANCE.
Sect. V. — Provence.
1" Partie : Mondments du droit provençal.
§ 1. Charte du Consulat d'Arles (llZi2). — Charte de
concession féodale du comté de Provence (1162).
— Statuta sive Leges municipales Arelatis (1162-
1202).
§ 2. Statuts de R. Bérenger^ comte de Provence (1249).
— Ordonnance du comte d'Anjou , de Offleia-
libus. — Statuts du comte-roi Charles II. — Sta-
tuts de P. de Perrière^ archevêque d'Arles et
chancelier (130Zi). — Statuts des comtes de Pro-
vence et de Forcalquier depuis 1366 jusqu'à la
réunion de la Provence à la Couronne {ibSi) .
2' Partie:
§ 1. Droit provençal considéré en lui-même.
§ 2. Institutions judiciaires. — Persistance du Droit
du m.oyen âge jusque dans les temps modernes.
— Parlement d'Aix; samission.
Cette vaste lisière du Rhin et des Alpes, que le traité
de Verdun entre les fils de Louis le Débonnaire avait
détachée du royaume de Charles le Chauve pour la
joindre à l'Allemagne et à l'Italie, formait pour l'empire
germanique une large et forte ceinture prise sur les
frontières naturelles de l'ancienne Gaule ou de la France
carlovingienne ; et la suzeraineté impériale étendit, à di-
vers degrés, son pouvoir, ses institutions, son action de
féodalité militaire sur la Lorraine, l'Alsace, la Franche-
Comté, le Lyonnais, le Dauphiné, la Provence.
L'autorité du Livre des Fiefs , qui devenait la règle
générale de l'empire en Italie et en Allemagne , se fit
sentir ou éprouva des résistances dans ces provinces li-
mitrophes, en ce qui concerne le système fondamen-
tal, savoir, la constitution des fiefs, le droit qui en ré-
gissait la transmission après le décès du détenteur, la
CHAP. I. COUTUMES DE l'eST ET DU SUD-EST. 17
prohibition de les aliéner. Tout le système de la féoda-
lité militaire du Livre des Fiefs de Milan était dans le
droit de l'empereur de constituer des fiefs de dignité en
divisant de trop vastes possessions, d'en conférer libre-
ment l'investiture au seigneur de son choix après le
décès du vassal , de ne reconnaître pour les fiefs ordi-
naires un droit d'hérédité qu'en ligne directe, d'en
prohiber ou annuler l'aliénation pendant la vie du titu-
laire \ Tout l'effort de la féodalité politique et civile dut
tendre d'abord à substituer le droit du vassal à l'arbi-
traire du chef-seigneur.
La dépendance du fief ou sa transformation plus ou
moins avancée en chose de patrimoine ; le droit d'aî-
nesse ou son absence ; le droit de masculinité ou le droit
plus favorable aux femmes : c'est là ce qui différencie
principalement les coutumes dans la région de l'est et
du sud-est, ce qui marque leurs divers degrés de sou-
mission à l'action de la suzeraineté de l'empire. La va-
riété des institutions répond, du reste, aux origines et
aux mœurs de chaque pays, comme aux fortunes di-
verses de la propriété foncière et de l'aristocratie féo-
dale.
En suivant l'ordre géographique indiqué dans les
observations préliminaires , nous commencerons par la
Lorraine la revue comparative des monuments , des
usages et des institutions.
1 Voir mon t. iv, 1. 6, ch. 2, p. 553. — Voir aussi sur l'étendue
des droits de l'empereur et du roi des Romains, c'est-à-dire l'em-
pereur élu, mais non encore couronné, le Mémoire du Gouverne-
ment de C empereur, p. 28 et ch. ÛO (17/tl).
t. V. S
18 LIV. VII. COLTtWES DE FRANCE.
SECTION V\
LA LORRAINE.
ANCIENNES COUTUMES DE LORRAIKE , DE BAK , DU PAYS MESSIN. —
ACCESSOIREMENT, MIRUIHS DE SOUABE ET DE SAXE. — DROIT DE
LA PROVINCE. — ASSISES DE L'ANCIENNE CHEVALERIE DE LORRAINE '.
I. Les anciennes Coutumes de Lorraine tirent leur
origine des Lois germaniques, des mœurs féodales et
des décisions du Droit romain , mêlées aux usages du
pays. Elles n'ont point laissé de monuments particu-
liers recueillis au moyen âge. Mais le Miroir de Souabe
est un coutumier du xiif siècle qui réfléchit souvent
des usages communs à la partie méridionale de l'Em-
pire et aux contrées voisines des deux rives du Rhin.
— De plus, les Coutumes générales des trois Bailliages
de Lorraine (Nancy, Vosges , Allemagne) , ont cela de
remarquable que leur rédaction faite en 1 59i seule-
ment, sous les auspices de Charles III, duc de Lor-
raine, est la reproduction des anciens usages recherchés
et attestés par les États généraux de la province ^.
C'est ce que déclarent expressément les lettres patentes
1 Foir Hist. de Lorraine, par D. Calmet; Annales de Lorraine,
par RisTON (1782). — :\Iahuet, Comrn. surlescout. anc. et générales
de Lorraine. — Abr. Fabert, chevalier et maître échevin de Metz,
Bemarqiies sur les Coût. gën. de Lorraine (1657). — Coût gén. de
la ville de Aietz et du pays ;\Iessin avec comment. (1730).
2 Charles III était gendre du roi de France Henri II et de Cathe-
rine de Médicis.
CIIAP. I. SECT. I. LORRAINE, BARROIS, PAYS MESSIN. 19
du 16 septembre 1594 qui mentionnent a le Caijer des
vieUles Coutumes recueillies en l'assemblée dernière des
États généraux; » et une ordonnance de la même an-
née, sur l'homologation des Coutumes nouvelles, porte
« qu'elles seront suivies et observées comme celles qui
de tout temps sont reconnues pour anciennes Coutumes ^. »
Si donc une date précise ne peut être attachée à l'ori-
gine des Coutumes de Lorraine, il y a, du moins, cer-
titude qu'elles ont été recueillies par les États du pays
et sanctionnées par le pouvoir « comme les anciennes
Coutumes de tout temps reconnues. » C'est dès lors un
document très-important par son antiquité, revêtu d'une
rédaction en langage du xvf siècle ^.
Il en est de même des Coutumes du Barrois, pays
possédé primitivement par le duc de Lorraine^. Les an-
ciennes coutumes de Bar furent rédigées par le Greffier,
les Jurés et le Notaire du bailliage, d'après l'ordonnance
des Trois-États assemblés à ce sujet en octobre 1506.
La qualité des rédacteurs indique le caractère tradi-
tionnel du Recueil. Ce sont des officiers de justice et
des praticiens du tabellionage qui ne font que constater
et réunir « les Coustumes du Bailliage de Bar de tout
temps notoires, notoirement pratiquées et gardées au dit
3 Ordonnance du 17 mars 159/1, sur les Coutumes nouvelles en
2/i articles, Richebodrg, t. ii, p. 112Z(.
k Texte dans le Coût, général de Richebourg, t. ii, p, 1099 et
1119.. — Voir ï Essai sur les Goût, de la Lorraine et du Barrois, par
M. Beaupré. (Mémoires de l'Acad. de Stanislas, année 1835 et suiv.)
5 Voir L'ouvrage de M. le président Jeantin sur les marches de
l'Ardennes et des W^oëpres, ou le Danois, le Vallon, étudiés dans
les chartes (185/t).
20 LIV. vu. COUTUMES DE FRANCE.
B;)illiage *^. » — Il existe aussi d'anciennes Coutumes
de Saint-Mihiel dont le bailliage et les fiefs relevaient du
comte de Bar : elles portent le même caractère d'an-
cienneté, dans une rédaction sans date '^.
Plus près de l'Allemagne, à Metz et dans le pays
Messin, le Maître-Échevin , le Conseil et les Treize de la
justice, après la réunion du pays à la France, pu-
blièrent en 1564 des Ordonnances de la ville et cilé de
Metz qui, sous prétexte de remédier à la confusion pro-
duite par le siège de \ 552, anéantissaient les anciennes
Coutumes ^. Les Trois-Ordres de iti province, dès l'an-
née \ 569, portèrent leurs plaintes au Roi de France et
demandèrent qu'il leur fût permis de faire rédiger par
écrit leurs anciens Us et Coutumes ^. Les Rois donnèrent
successivement en 1569, 1578, 1G09, 1611, des
Lettres patentes pour leur rédaction, qui fut terminée
en 1613. Or, dans les procès-verbaux de révision de
1616 et 1617, ce Recueil est appelé du nom de Coustu-
viier ; et une demande d'innovation, émanée des nobles,
6 Auc. coutumes de Bar, Zil articles, Richeb., t. ii, p. 1015. Une
nouvelle rédaction eut lieu en 1579, en 231 articles.
7 Ane. coût, de Saint-Miliiel, Richeb., t. ii, p. 10^5.
8 Elles sont insérées dans le t. ii de Richebouiîg.
9 Les termes de la plainte sont abrégés dans Richebourg (t. ii,
p. 395}, et rapportés en entier dans Ancillon, Traite de (a diffé-
rence des biens sous la Coutume de Metz, p. 59 :
Les Trois-ordres de la ville et dît pays firent plainte au roi
Charles IX de ce que « sous prétexte de débrouiller en quelque
» sorte la confusion que le siège de l'an 1552 avait produite en l'ad-
» ministration de la justice et règlement de police, certaines ordon-
» nances avaient été dressées et publiées sous le nom des INIaître-
» Échevin, Conseil et Treize, dont l'observation anéantissait les
» Coutumes anciennes, desquelles la seule mutation pouvait causer
» des désordres irréparables. »
CHAI». I. SECT. 1. MlHOIRS DE SOUABE ET UE SAXE. 21
est repoussée par le Maître-Éclievin et les députés du
grand Conseil « comme contraire à ce que, de toute an-
cienneté, leurs majeurs et anceslres ont toujours prati-
qué ^^\ » — Nous pouvons donc, en conférant les prin-
cipales dispositions avec les faits historiques, et en
usant d'une saine critique, retrouver dans ces anciennes
Coutumes de Lorraine, de Bar et de Metz le droit de la
Lorraine au moyen âge.
IL Mais, comme nous l'avons dit en commençant, un
monument qui appartient bien certainement au moyen
âge, le Miroir de Souabe [Spéculum suevicum , Scliwabcn-
spiegel), est d'une grande importance pour le droit des
terres de Cempire voisines du Rhin ; et, comme nous
aurons à en faire usage, en nous occupant surtout du
droit de la Lorraine et de l'Alsace, nous devons donner
ici les détails nécessaires sur ce curieux monument et
sur celui qui s'en distingue sous le nom de Miroir de
Saxe {Spéculum saxonicum, Sachsenspiegel).
La féodalité politique et civile de l'Empire d'Alle-
magne était régie par trois recueils de constitutions et
d'usages : le Livre des fiefs Lombards , qui constituait
le droit commun de l'Empire; le Miroir de Saxe, et le
Miroir de Souabe qui en formaient les droits provin-
ciaux. Nous avons apprécié avec soin le Livre des
fiefs à la fin du dernier volume ; nous n'y reviendrons
pas. Incorporé aux collections du droit romain depuis
10 RiCHEBODRG, t. II, p. lill et Z|12. ...Siir lesquelles choses (l'aî-
nesse, les tutelles, etc.) a été ordonné que lesdits sieurs de la no-
blesse seront priés de demeurer... ainsi que leurs prédécesseurs
font pratique jusqu'à ce jour, sans lear accorder pour ce sujet
autre chose. (Délibération du 21 janvier 1617.)
22 I.IV. vu. COUTUMES DE FRANCE.
le xiii" siècle et propagé dans rAllemagne sous les aus-
pices et l'autorité des empereurs, le Livre des fiefs avait
l'autorité d'une loi générale, mais nou absolue. — Quant
aux Miroirs de Saxe et de Souabe, ils ne formaient que
des recueils d'un caractère privé, des Coutumiers.
Le Miroir de Saxe fut rédigé, le premier, par Epko
Rcpliovius qui déclare, dans sa préface, l'avoir rédigé
d'abord en latin et l'avoir traduit, ensuite, avec beau-
coup d'efforts, en langue vulgaire ou saxonne. C'est
cette traduction (premier monument juridique en langue
tudesque) qui a rendu l'œuvre populaire dans le nord
de l'Empire ^^ La compilation a été faite entre les
années 1215 et 1235 : le recueil mentionne une décré-
tale d'Innocent III de 1215, donc il lui est postérieur;
il ne cite pas dans la nomenclature des duchés celui de
Brunswick institué par Frédéric II en 1235, donc il lui
est antérieur. Le Miroir de Saxe a été condamné par le
pape Grégoire XI, en 1374, comme contenant des dis-
positions fausses, téméraires, iniques, et quelquefois
hérétiques, schismatiques, contraires aux bonnes mœurs *^.
11 Les manuscrits latins sont beaucoup plus rares que les manu-
scrits en allemand, et il paraît que les manuscrits latins ne sont
eux-mêmes qu'une traduction très-défectueuse de Tallemand faite à
une époque postérieure. (Il y a sur ce point dans les auteurs alle-
mands d'inépuisables controverses.)
12 BuLLA, rn Goldast., et Heinecc, Hist. jur. germ. (édit. Silber-
rad, II), p. 961.
« Ad nostrum perduxit auditura quod in Saxonia ac nonnuUis
aliis partibus quredam detestabilia scripta legum, Spéculum saxoni-
cuin vulgaritcr appellata... et ipsa scripta vel leges tanquam falsa,
temeraria, iniqua, et in quibusdam partibus eorum haeretica et
schismalica, et contra bonos mores existentia, periculosaquenimium
animabus... reprobamus, damnanus, etc.. Datum Avinionis, anno
(|uarto pontificatus Nri. »
CIIAI'. I. SECT. I. MIROIRS DE SOUABE ET DE SAXE. 23
Mais il n'en a pas moins étendu son autorité, comme
coutumier, dans les cours de justice des territoires com-
pris entre la Pologne et la mer d'Allemagne, entre la Bal-
tique et la Thuringe : il a môme servi aux tribunaux
secrets ou vehmiques pour sanctifier l'exécution de la
sentence de mort prononcée par les francs-juges *'.
Le Miroir de Souabe a été fait, sans doute, à l'imita-
tion du premier ; il n'a pas d'auteur connu ; sa rédac-
tion originale est allemande. Il paraît avoir été compilé
entre les années 1250 et 1290, c'est-à-diie , entre la
mort de l'empereur Frédéric II et la fin du règne de
Rodolphe de Habsbourg qui réprima les désordres de
l'anarchie et remit en vigueur, dans l'empire, les lois et
les tribunaux ^^. Le Livre offre deux divisions princi-
pales, le droit provincial [Landrecht) et le droit féodal
(Lelmreclit). L'autorité du Miroir de Souabe, comme
Coutumier féodal et provincial, fut reconnue librement
et à divers degrés dans la partie méridionale de l'Em-
pire, ou la Souabe proprement dite, l'Autriche, la
13 L'office des francs-juges exécutant la sentence est celui d'un
messager céleste, d'après le SachsenspiecjeL — Voir le Mém. de
M. GiRAUD sur les Tribunaux velwiiques, p. 13 et 15 (18/i9).
14 Cette opinion est fondée sur le texte allemand du Miroir de
Souabe qui attribue aux ducs de Bavière la qualité de grand cclian-
son de l'Empire qui fut disputée entre eux et le roi de Bohême
depuis l'année 1231 jusqu'à l'année 1290, époque à laquelle elle fut
définitivement attribuée par Rodolphe I" au roi de Bohême, lequel
restait, h ce titre, un des sept grands électeurs de l'Empire créés
en 1002 par Othon , de l'avis du pape Grégoire V. Le Miroir de
Souabe (en français) mentionne le roi de Bohême en cette qualité,
p. 23, ch. 128. — Voir KocH, tableau des Révol. de l'Europe, i,
p. 179. —Mém. de l'Empire, p. Zi3, Zi7, 52, 188, — Silbehrad sur
IlEiNECCius, Ilist. juris. gerni., ii, p. %5.
24 LIV. vu. COUTUMES DE FRANCE.
Bohême, leTyrol, la Bavière, la Hesse, la Franconie,
la Suisse, la Lorraine et l'Alsace. Les manuscrits de ce
Coutumier se sont beaucoup multipliés en Allemagne
et offrent de nombreuses variantes. En tête de son édi-
tion, le baron de Lassberg a donné la liste et la des-
cription de 197 manuscrits, dont douze sont en Suisse
et cinq ont appartenu ou appartiennent encore à la ville
de Strasbourg ^^.
Un manuscrit offre pour les provinces de la Lorraine
et de TAlsace un intérêt tout particulier, c'est celui
d'une traduction française en langage du moyen âge ,
trouvé dans la Bibliothèque de Berne et publié en 1 843
par M. Mattile , professeur en droit à l'Académie de
Neufchàtel ^\
Le manuscrit français est une copie très-nette dont
l'écriture indique la fin du xi\^ siècle : le langage em-
ployé par le traducteur paraît remonter plus haut et se
distingue peu de la langue de nos Coutumiers du xni\
La traduction ou, du moins, la copie retrouvée et im-
primée, a été faite en vue de la Lorraine et, du pays
Messin, car le mot de Lorreine ou de Lorranne est
substitué au nom de Lusace (margraviat incorporé à la
Bohême) qui se trouve dans le texte allemand de
15 M. \Vacker>agel dans son édition donne de très-nombreuses
variantes des manuscrits. — Scherz a traduit en latin le droit pro-
vincial (t. II de Schiller, corpus juris feudali-germanici) ; Senken-
BERT , le droit féodal.
16 Le titre est : Miroir de Souabe, daprôs le manuscrit français
de la ville de Berne, publié par C.-A. Mattile, docteur et profes-
seur en droit à Meufchàtel ( 18Zi3, petit in-folio de 87 f"' avec une
introduction et quelques variantes).
CHAP. I. SECT. I. MiUOlU DE SOUAlîE, EN FllANÇAlS. 25
presque tous les manuscrits ^'^; le texte français porte :
« //■ îiiarche de Lorranne... » et (dans un autre passage)
il est dit. . . « à une lieue de la cité de Mez en Lorréme ^ **. »
L'existence de ce manuscrit est un précieux témoi-
gnage de l'autorité ou de Tintluence que le Miroir de
Souabe pouvait exercer dans les parties du territoire
soumis à la suzeraineté de l'Empire où l'on parlait la
langue française. C'est donc un document à l'aide duquel
on peut éclairer et contrôler les coutumes de Lorraine,
dont la rédaction a revêtu une forme plus moderne.
Les monuments reconnus, jetons un coup d'œil sur la
province elle-même.
IIL A la faveur des troubles de l'Allemagne, en 9 M ,
le Roi de France, Charles le Simple, s'était emparé du
royaume de Lorraine. Mais l'Empereur Henri I", dit
l'Oiseleur, en reprit possession dans les années 923 ,
925 , et étendit les limites de l'Allemagne jusqu'à la
Meuse et à l'Escaut '^. La Lorraine devint fief de l'Em-
pire sous Othon I", qui en investit son frère Brunon, ar-
chevêque de Cologne, en qualité d'archiduc. Elle fut di-
visée, vers l'an 953, en haute et basse Lorraine : la
première, dite la Mosellane, a seule conservé le nom de
duché de Lorraine ; la seconde a pris le nom de duché
de Brabant ^". Le premier duc titulaire de la haute Lor-
17 M. Mattile (introd., page ix) a remai^qué dans le manuscrit
de Bàle les mots « diu marke ze Lutringcn, » mais c'est le seul qu'il
cite comme donnant en allemand le nom de Lorraine.
18 Voir Miroir de Souabe, ch. ZiO, p. 70, au verso ligne 26.
19 Frodoardi Chronicon, et le continuateur de Ueginon, années
1)23 et 925.
20 Voir le tableau des Révolutions de l'Europe, par Koch, ou-
vrage trop peu connu, t. i", p. 61, 80. — La Haute -Lorraine
2G LIV. VII, COlTUMES DE FRANCE.
raine fut Frédéric I", duc amovible [959]. La basse
Lorraine fut concédée par l'Empereur Othon II, en 977,
à Charles de France , oncle du dernier Roi carlovin-
gien, et compétiteur malheureux de Hugues Capet.
Réunies sur la même tête en 1 033 et , depuis , défini-
tivement divisées, les deux Lorraines ont été possédées
par des ducs héréditaires qui ont fondé en France la
maison de Lorraine, et la maison de Brabant dans les
Pays-Bas.
Le fondateur de la noble maison de Lorraine, Gérard
d' Alsace, avait reçu le duché en 1048 de l'Empereur
Henri III, successeur de Conrad le Salique. En lui com-
mença un nouvel ordre de choses. La Loi de Conrad,
de 1038, établissait la succession en ligne directe, jus-
qu'au deuxième degré, pour les bénéfices ordinaires
seulement et non pour les fiefs de dignité -'. Gérard
d'Alsace, nonobstant la loi de Conrad, transmit le du-
ché, fief de dignité, à sou fils aîné Thierry [1070].
Thierry transmit le duché en 1115 à son fils aîné,
était bornée au nord par le duché de Luxembourg et Tarche-
vêché de Trêves, au levant par l'Alsace, le duché des Deux-Ponts
et le palatinat du Rhin, au midi par la Franche-Comté, au cou-
chant par le Barrois et la Champagne. La Haute-Lorraine com-
prenait primitivement les diocèses de Metz, Toul et Verdun qui se
détachèrent depuis en petits États indépendants sous la suzerai-
neté de CEmpirc.
La Basse-Lorraine comprenait Cologne, le duché de Brabant,
l'évêché de Liège, une partie de la Gueldre.
L'archevêque Brunon qui avait été investi de toute la Lorraine
en qualité d'archiduc, en 9ii5, conserva l'administration de la Basse-
Lorraine.
21 Sur la Constitution de Conrad, au livre des fiefs, voir mon
t. IV, p. 5Zil, bhh.
cjiAi'. 1. swrr. j. nucHÉ de lorraine, hérédité. ^7
Simon I", qui eut également son fils pour successeur et
ainsi de suite : le duché resta dans la maison de Lor-
raine pendant près de sept siècles ^^. L'hérédité et le
droit d'aînesse s'établirent donc en Lorraine pour le fief
de dignité malgré les liens qui attachaient le duché à
l'Empire, malgré les lois impériales, et conformément
au capitulaire de Charles le Chauve. Le droit féodal de
la France prévalut à cet égard, de bonne heure, sur le
droit féodal de l'Allemagne et de l'Italie. Il ne resta de
la prérogative de l'Empereur que la cérémonie de l'in-
vestiture par l'étendard ou les cinq étendards. Ainsi
Ferry II, qui avait succédé à son père dans la posses-
sion du duché , reçut en 1 256 d'Alphonse roi de Cas-
tille, élu Empereur, l'investiture par cinq étendards, qui
représentaient ses fiefs et dignités. Le Codex diploma-
licus de Leibnitz contient, à ce sujet, une lettre du
xni' siècle qui donne des détails précieux à recueillir :
« Le duc de Lorraine à genoux devant le trône d'Al-
phonse reçut l'investiture des dignités ou fiefs qu'il
possédait par cinq étendards qu'on lui mit successive-
ment entre les mains. Le premier regardait son emploi
de grand sénéchal de l'Empereur lorsqu'il tient sa cour
aux environs du Rhin. Le second signifiait que le duc
devait présider, au nom de l'Empereur, les duels judi-
ciaires des nobles , entre le Rhin et la Meuse. Le troi-
sième lui était donné pour l'investiture de Remiremont,
ville des Vosges, qui avait des privilèges particuliers à
raison surtout de sa célèbre abbaye, dont l'abbesse était
Princesse de l'Empire. Le quatrième était donné pour la
22 Wastelain, Gaule Belgique, donne toute la généalogie de
GÉRARD d'Alsace, jusqu'à 1737.
28 LIV. VII, COUTUMES DE FRANCE.
dignité de Marquis ou de Grand- Voyer de l'Empire dans
toute l'étendue du duché de Lorraine, tant sur terre que
sur eau. Le cinquième enfin était pour l'investiture de la
Régale qui appartenait à l'Empereur dans les abl)ayes
de Saint-Pierre et de Saint-Martin de Metz -\ »
La transformation du fief de l'empire en fief hérédi-
taire exerça une influence favorable sur le droit coutu-
mier de la Lorraine.
Les assises des anciens chevaliers de Lorraine, insti-
tution politique et judiciaire, dont nous parlerons bien-
tôt, firent passer dans la jurisprudence féodale de la
province le droit qui avait prévalu dans la transmission
du duché lui-même. Ils en développèrent les consé-
quences dans l'application aux fiefs particuliers par des
jugements dont le plus ancien, qui soit connu, date de
l'an 1094. Le principe que « le fief doit se gouverner
par la coutume en laquelle il est situé, non par la cou-
tume oïl est assis le fief dominant » fut reconnu. Il li-
mita dans la Lorraine l'autorité des lois impériales. Il se
trouve nettement exprimé, sous forme d'exception à
l'autorité de ces lois , dans les anciennes coutumes de
Bar et de Saint-Mihiel : « coutume est telle que tous les
)) fiefs... se gouvernent et règlent selon les lois et cou-
» tûmes impériales es cas où il n'y a coutumes particu-
» lières contraires -^. » C'était en même temps déclarer
le droit général de l'Empire et établir la Hmite locale.
La coutume de Lorraine appHqua formellement l'excep-
23 Codex diplomaticus, anno 1256.
2Zi Ane. coût, de Bar et de Saint-Mihiel, art. 1". Richebolrg, t. ii,
p. 1016 et 10Zi5.
CHAP. I. SECT. 1. COUTUMES DE LORtlAINE. 29
tion aux enclaves, objet fréquent de conflits de juridic-
tion, en ces termes : « Les fiefs et francs alœuds encla-
vés en Lorraine sont régis et réglés selon les coutumes
générales de Lorraine"^. » Ces principes si favorables
au droit local et coutumier, qui nous sont transmis par
une rédaction du xvi* siècle, étaient bien ceux reconnus
au moyen âge ; ils sont attestés par le Miroir de Souabe
quant à l'autorité du droit provincial et des jugements :
« Là où les biens sont, il convient que honspragne droit
» selon la coustume du pais ; — là où li aleus et la terre
» git, là an doit lan faire droit et prandre -^. » Le cou-
tumier maintient la règle sur ce point, même contre l'au-
torité du pape"^.
Les Coutumes de Lorraine, dès le moyen âge, avaient
donc acquis, en principe et en fait, la préférence sur les
lois ou coutumes générales de l'Empire ; elles avaient pris
le caractère de Statuts réels-, elles avaient placé l'hérédité
des fiefs et le droit d'aînesse dans le DroilP provincial.
Une autre exception s'établit en opposition avec le
Droit de l'Empire ; les femmes furent reconnues capables
de succéder aux fiefs et de les transmettre : « les fiefs
sont généralement de telle nature et qualité (dit l'an-
cienne
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