Termes les plus recherchés
[PDF](+53👁️) Télécharger Discours patriotiques. pdf
Discours prononcé à la Société des amis de la constitution du Carla, sur les moyens de s'instruire, & d'instruire la jeunesse -- Discours prononcé à la réception de B.*** agriculteur travaillant son bien -- Discours sur l'harmonie --Discours a M. L.*** négociant de Bordeaux, partant pour cette ville -- Discours sur le courage des bons patriotes & sur la crainte des malveillans -- Discours prononcé dans l'église de Carla à la réception du juge de paix, mon ami M.L.D.L.P. -- Discours prononcé dans l'église du Carla -- Discours prononcé devant un grand feu de joie, en présence du peuple, de la municipalité, & de la Garde nationale -- Discours prononcé devant l'autel de la patrie, dans le Champ de Mars, le 14 juillet 1791 -- Discours pronncé devant un grand feu de joie, en présence de tout le peuple, la municipalité & la Garde nationale, le jour que nous apprîmes que le roi avait sanctionné la Constitution -- Discours prononcé devant l'autelTélécharger gratuit Discours patriotiques. pdf
ÎSCOURS
PATRIOTIQUES
PRONONCÉS AU CARLA.
DISCOURS
Prononcé à la Société des Amis de la
Conjlitution du Caria , fur les moyens
de s’injîruire , & d^injîruire la jeuneffe.
Frè
ERES ET AMIS,
Les règlemens de toutes les Sociétés font des
lois qu’il faut fuivre; il faut que les petites pallions,
les petits intérêts fe taifent, fans quoi rien ne fleurit.
Pour que la raifon le favoir falfent des progrès,
il faut avoir le cœur & l’efprit difpofés au Bien :
.,( 4 )
les malvelllans font affez malKeureux pour ne pas
connaître le beau ni le vrai. Rien .de grand n’eft à
leur portée : il faut ^onc que les vrais patriotes fe
réuniffent pour faire exécuter les règlemens qu’ils ont
faits dans leur fageffe.
Pour fuivre nos reglemens, il faut commencer à
nous inftruire, & puis àinftruire lajeuneffe. Voilà le
fujeî de mon difcinürs : difcours que je diviferai en
deux parties. Je me flatte, frères ôc amis, que vous
m’accordejez votréaàention, & mon travail ne fera
pas perdu.
■■ j C V-,
P R E M I È k~E PA R TI E.
Pour s’inftruire foi-même, il faut étudier, il
faut réfléchir, il faut écrire & parler, il faut avoir le
cœur & 1 efprit en mouvement. Lorfque nos facultés
font en mouvement ou en travail, on s’éclaire. S’é-
clairer, c efl: voir les objets de très- près j & en
grand nombre, c’eft appercevoir leur liaifon & leur
rapport. Pour s’éclairer, en un mot, il faut être à
portée, & fe placer. Aufli félon nos règlemens cha-
que Membre de cette Société qui faura lire & écrire,
paffera a fon tour aux charges. JLorfqu’il aura quelque
charge, il faudra qu’il fafle un difcours, un verbal,
une deliberation, &c. Je vais moi-même m’eflayer
a parler de ces differens ouvrages ,.puifque je fuis en
charge.
( 5 )
Il s’agit d’abord d’un difcours de réception. Ce
difcours doit être fimple comme tout ce qui fort
de l’elprit d’un homme libre. II faut remercier la
compagnie : la reconnaiffance eft la vertu des cœurs
bienfaits. Le cas qu’on fait de la place à laquelle on
nous a élevés , prouve le délir qu’on a de remplir
fes devoirs. Les devoirs d’un bon patriote en charge
font de maintenir les lois & la liberté, & de lier de
plus en plus les Membres de la Société par les faints
nœuds de l’amitié. Oh ! tendre amitié des patriotes,
tu es un don célefte : ta douceur lie tous les cœurs.
De cette liaifon réfulte des prodiges de valeur pour
foutenir les lois & la liberté. Avec toi, divine
liberté, tout eft lumière & enthoufiafme : les pa-
triotes jouiffent de toutes les délices , parce qu’ils
aiment toutes les vertus. Puilfent tous nos frères qui
occuperont des charges, parler vivement de l’amitié,
& la fentir de même I
S’agit-il encore de paffer une délibération, il faut
mettre Amplement en écrit ce qui a été convenu.
Par exemple, comme les bons ouvrages éclairent
les hommes, la Société a délibéré de faire venir le
Recueil des Décrets de notre Conftitution, la Feuille
Villageoife, l’Hiftoire univerfelle de Voltaire, le
Contrat focial & l’Emile de Roufîeau, & un Traité
de Géographie avec les cartes.
S’agit-il de faire un mémoire fur l’hlftoire, il faut
feulement préfenter les traits principaux, Tout ce
(O
qui fait époque , înftruit ; tout ce qui eft long &
vague, & qui ne tient pas à un grand évènement,
furcharge l’efpritrle Taillant feul plaît & illumine.
Les fuperftitions & l’ignorance du dixième & dou-
zième fiècles appefantirent les fers de tous les Peu-
ples de l’Europe, & les lumières de l’efprit du
feîzième fiècle rendirent la liberté aux Anglais, aux
Hollandais & aux Suifles. Lorfque dans un Empire
l’efprit s’éclaire de tous les côtés, la liberté n’efl pas
loin. Maintenant que le favoir a ouvert en France
tous les chemins de la liberté, fi les malveillans
voulaient nous empêcher d’y courir , ils feraient
froiffés & renverfés, comme ils le furent autrefois
chez les Nations libres. Les mêmes principes dans
tous les temps produifirent les mêmes faits; ce qu’on
a fait autrefois, on le fait aujourd’hui. Les tyrans ne
fouffriront jamais les nobles fentimens de l’homme
pour la liberté. Ces fentimens font dans la nature;
ils reparaîtront de temps en temps pour le bonheur
du monde. Voilà ce qui fait époque; tout le refte
doit être nul, & ne doit point trouver place dans la
mémoire d’un homme raifonnable & libre. En un
mot, comme dans prefque toutes les hiftoires du
monde il vaut mieux oublier qu’apprendre, il ne faut
jamais lire l’hifioire qu’en petits extraits.
Apres avoir parlé de l’hifloire, fi le patriote en
charge veut faire un verbal, il faut qu’il fàfle fimple-
ment le récit de tout ce qui s’eft pafiTé, L’an mil
( 7 )
& le.»'., jour du mois de la Société des Amis
de la Conftitution étant affemblée, un Membre a
propofé un vertueux Agriculteur ; plufieurs voix fe
font élevées pour dire qu’il fallait le recevoir, parce
qu’il aimait fa patrie , fes enfans & le travail ,
qu’un brave homme comme lui fanélifiait tous ceux
qui l’approchaient. En confequence le candidat
ayant été fcrutiné , il en a refulte qu ayant obtenu
la pluralité abfolue des fuffrages , il a ete requ Mem-
bre de la Société,
Il s’agit de plus qu’une perfonne en charge re-
cueille les voix fur la queftion la plus importante
qui puifle occuper la Société , par exemple , fur
l’éducation ou l’art de faire fleurir les facultés du
cœur & de l’efprit? Il faut interroger chaque Mem-
bre des Amis de la Conftitution , il faut de chacun
en tirer un trait de lumière , car plufieurs traits de
lumière offrent fouvent la vérité : la vérité quelque-
fois efl éparfe & flottante. L’art de rapprocher les
opinions efl l’art de trouver la vérité.
En un mot, frères 8c amis, avec des effais dans
l’art de penfer 8c d’écrire , les perfonnes qui auront
paffé aux charges , ne feront plus novices lorfqu elles
feront nommées aux places importantes de Maire,
d’Offleier Municipal, de Procureur de la Commune,
8c éleèlorales.
de Préfidept aux Affemt
Il faut pratiquer pour
aifées ont leur côté difficile : l’ufage rend tO|üt aifé.
J
Ainfi, frères & amis, vemlkz paffer les uns après
les autres dans les charges de cette Société, ayez la
noble ambition de vouloir apprendre & de ne rien
dédaigner : tout ce qui regarde l’augmentation de
nos connaiffances doit être d’un grand prix. C’eft le
rameau d’or; il ne faut épargner ni peines ni fatigues
pour 1 obtenir. Si vous faites des fautes dans vos
effai^ les perfonnes éclairées vous reprendront : l’a-
m.tie des patriotes eftofficieufe & indulgente. D’ail-
lem^ les fautes qu’on fait en faifant des difcours, des
verbaux, des délibérations , ou en recueillant les
VOIX, ne tirent pas à conféquencedansnotreSociété
commune, ou dans une’
AffemMee primaire ou éleftorale, les fautes ont des
luîtes facheufes.
Enfin frères & amis , exerçons-nous eiifemble
elprit & le cœur , communiquons-nous nos lu-
mières réciproques, & n’oublions jamais que l’a-
mour du favoireli toujours l’amour des devoirs, de
J ordre, & de toutes les vertus.
seconde Partie
Après avoir démontré, frères & amis, dans
la première partie de mon ouvrage combien il eft
i^ortant que vous palliez aux charges pour vous
flfuire, démontrons dans la fécondé partie que
« patriotes mflruits fut une chofe le font bientôt
( 9 ) :
fur une autre. Une preiniêre réflexion les conduit
à une fécondé: rien n’eft ifolé, tout a des fuites &
I
des conféquences chez eux. Chaque jour leur efprit
s’ouvre & leur ralfon s’éclaire dans le fanftualre
de l’amour patriotique, & l’on peut dire que lorfque
le patriote paraît au -dehors devant le Peuple,
il efl: brillant & lumineux.
Oui , les lumières de l’efprit & les fentimens du
cœur s’étant agrandis dans les Sociétés patriotiques,
on répand de tous les côtés le bonheur & le favoir.
Telle la lumière en mouvement depuis le foleil
jufqu’à la terre, agit fans jamais s’arrêter. Tel le
patriote dans l’élévation de fon cœur, fent naître les
idées, les penfées, & puis la vérité. La vérité qu’il
porte avec lui éclaire de fes rayons tous les êtres qui
l’entourent.
Éclairer & porter la lumière partout efl: la jouif*
fance du fage. Qu’on ne dife pas que les Sociétés
patriotiques ne font pas faites pour inftruire. Pour
quoi font-elles donc faites ? Après avoir veillé au
maintien de la conflitution , il faut gtiider les mains
qui tiennent le flambeau de l’inftruêlion publique.
Il vaut mieux cette utile & noble occupation, que
de pafler fon temps à définir gauchement la forme
des gouvernemens : ce qui efl inutile ou mal défini,
occafîonne le défordre, & bien loin d’augmenter
nos connaiflances , il les diminue. Quand on n’a-»*
vance pas direèfement vers la vérité , on la perd
bientôt de vue. La vérité fuit toujours; il faufla
tour & non la voir, pour en jouir. Inftruifons-nouï
In rui ons les autres , afin que la vérité foit à' ’
notre dtfpolition ; laiffons dire les malveillans: '
tnettons toujours fur la porte de la maifon où notre
, ociete s affemble : Ici, comme une tendre mire,
I anmur patriotique aime & injlrnit fes enfans.
En effet , .nlîru.re, c’ell aimer les hommes & les
OIS. Quand on aime les hommes, on aime tout
ce qu, fait leur bonheur. Il „-y a point de vrai
bonheur fans les lois. Il faut donc inllruire les
homm« pour leur faire connaître les lois, la liberté,
égalité, enfin le vrai bonheur : Imftruaion les fait
participer à tout, les rend égaux à tous, & les pré-
ferve d etre la proie des malveillans, ou de ces pet-
fonnagesqui, la tôte rempliede mots, veulent affer-
vir & diriger tout lemonde. Il y a beaucoup d’efpèces
danliocratie, mais la plus dangereufe de toutes eft
ce e qui veut entretenir l’ignorance du Peuple
pour pouvoir le gouverner. L’ignorant eft une efpéce’
d efclave q„’on conduit comme un enfant.
Pour rendre donc l’homme indépendant de mille
e peces de charlatans, faifons nos efforts pour l’é-
clairer (i). n ne fuffit pas feulement d’éclairer
•••
noble ambition cPinftrïire en nà p<itriotiques a la
befoin , toute la France fera perfonnes qui en ont
ces Officiers de morZ T P'^>s que
avoir fait leur ferment
ent civique & conffitutionnel , il faut qu’üs
l’homme d’un certain âge que le temps entraîne vers
le tombeau, il faut encore éclairer les êtres qui à
petit pas viennent prendre la place que nous occu-
pons. L’homme d’un certain âge qui eft bon patriote,
eft aifé à inftruire: le patriotifme ouvre toutes les
voies du cœur & de l’efprit. L’éducation d un bon
patriote eft bientôt faite; mais ce font les enfans, ce
font les jeunes gens qu’il eft difficile d’inftruire 6c
de former.
C’eft auffi fur ce fujet important que j’ai fait de
profondes réflexions. Il eft certain que la nature 6c
la marche de l’enfance font très-difficiles à obferver :
l’efprit voit , mais le fentiment devine. Cette idée
nous conduit à croire que les femmes en général
étant plus fenfibles, plus tendres, plus patientes que
les hommes, font plus propres à élever les enfans,
'qui demandent tant d’attentions 6c de menagemens.
Si notre Comité d’éducation qui va fe former, eft
perfuadé de cette obfervation, il faut que les enfans
de ce pays foient élevés par des Dames d éducation.
Ces Dames affifteront fouvent à nos féances ; elles
ralTemblent au moins une fois la femaine la jeuneffe , pour I inftruire
fur Dieu, fur fes ouvrages, fur la morale & fur les lois. Que ces
Officiers ne croient pas qu’un prône ou qu’un fermon fumle pour
l’inflruaion. La jeuneffe furrout eft trop volage, trop mobile pour
écouter & pour tirer quelque profit d’un difcours qu on fait en
public ; il faut lui parler en particulier, il faut la fixer autour de foi
en cercle, il faut fe coller, pour ainfi dire, avec el e pour 1 inf-
truire. S’il y a des intervalles, fl on la perd de vue, elle le outrait,
fe diffipe, ôc n’apprend rien.
reront ,e lerment cv.que, & en faîfant apprendre
a leurs eunes élèves les tables du droit de l’homme
, f “ in-pireron, le refpeft pour
es ors & 1 amour de la patrie (,). En leutlfpLt
toutes ces vertus, nous aurons pour ces Dames
educanon la plus grande vénération. On acquiert
me grande gloire quand on fait tourner au bien les
très les plus chéris que nous puiffions avoir, nos
“mot, lorfque les enfans feront atrivés à di*
aos, .l faudra les fortir des bras des Dames d’éduca-
toi.; il leur faut une nourriture plus forte & une
éducation plus mâle; il leur faut des hommes. Il
faut donc que le Comité d’éducation choifilTe des
hommes propres pour l’infiruftion commencée. Ces
hommes que j’appelle Officiers d’éducation, doivent
a nos yeux auffi refpeaables que les Fonaion.
■tes publics. Ceux-ci font exécuter les lois, les
autres les gravent dans les cœuts.
I d’éducation, en fotmant l’ef-
L'n I I '“m >a fonc-
tendres, en letfr offrant les Xfe l fentimens les plus
exemple, une ieune femm!. • i tendres, comme , par
infirme. L’air , Paccent de iFrl ^ ^ P®" père, vieillard
viires impr’edions X le cœur l"
( *3 )
Pour commencer ce travail Important I il faut
«ju’avec les principes de la langue françaife les jeunes
gens apprennent à écrire; il faut de plus qu*ils ap-
prennent par cœur les morceaux de poëfie & de
profe qui renferment le plus d’idées , de penfées &
de maximes. 11 faut des chofes pleines de fubftance
aux jeunes gens; il ne leur faut point de ces mor-
ceaux qui ne renferment que des mots, cela tue
l’émulation.
En enfeignant aux jeunes gens les chofes que je
viens d’indiquer, il faut leur faire faire de grandes
courfes à pied (i), & leur apprendre à manier les
armes; il ne faut jamais perdre de vue qu’en éclai-
rant l’efprit, il faut fortifier le corps : c’eft le travail
feul qui fortifie.
En apprenant par cœur, en exerçant fon corps à
la fatigue, il faut que les jeunes gens s’exercent à la
(i) On dit que le célèbre FrédérîcII, RoidePrufle, difaît fou-
vent au Précepteur de fon neveu : Faites faire à pied fept lieues par
jour à mon neveu, pour difpofer les organes de fon corps à la fa-
tigue, & les facultés de fon efpritau favoir. On peut ajouter que
comme il faut varier ces travaux du corps coinme ceux de l’efprit,
toutes nos facultés ont befoin de changement; il faut prendre
l’ame & le corps dans tous les fens, pour les préparer au bien.
Après des courfes à pied onpeutfaire travailler quelques jours enfuite
les jeunes gens à l’agriculture: les membres fe développent encore
mieux par les travaux variés que par une courfe à pied. On peut
dire déplus que lafaibleffe du corps, l’inclination à la faineantife & à
l’humeur des jeunes gens fe diflipent par les travaux du corps bien
mieux que parles privations du manger , ou parles infâmes coups. Les
coups, les privations donnent toujours mauvaife idée de ceux qui
infligent les chàtimens, & au contraire les jeunes gens^ont à la
longue bonne idée de ceux qui les font travailler. L’utilité du tra-
vail eft à la portée de l’enfant, comme de l’homme fait.
C
compofition: on ne travaille la terre que pour la
Le al !' leur
«t t’ez o7r''°“'
L u leur produaion, il „e
jeune plante tout fon feuillage; mais lorfque vous
voyez que votre diève devient fertile , pLLors
qu. payables; corrigez les fautes avec peine
On ne do.t hum, lier perfonne, furtout les enfans
& 1er jeunes gens fur les produffions de leur efprh
une trop forte cenfure fuppofe toujours l’orgueil &
P fcursmechancetdshumai„es.oli,u„e4w
cenfure borne toutes les ide'es i ^
facultés de l’eforit Xr ^ ^ ^ ®
sèche le^fle '^““'■1 ■'^POulTe &
eche le. fleurs qu, voudraient éclore. Au contraire
favo.r appla„dh& encourager, ell favoir enfeiguer
orfque 1 Officier d’éducation verra que fes ffifci’
pl« Pavent beaucoup de chofes par cœur & pL '
commencent à compofer quelques bonnes phrLeL
*«lre de tête de graLs & r
ce ien ^ nombres. Par
ieunes 1 ^ "<>-1=-. ter
Il nc m^TT & te méthode.
® P^s feulement de combiner & d’arran-
(• 5 )
ger, Toit des nombres, foit des mots, qu’on peut
appeler raifonner, analyfer, ou, fi l’on vent logi-
que, il faut encore polir & embellir ce qu’on com-
bine , ce qu’on dit & ce qu’on écrit , qu’on peut
appeler éloquence ou rhétorique. On peut donc
définir la rhétorique & la logique les arts qui enfei-
gnent à placer les objets avec proportion, & avec
une belle couleur. Pour réuffir à ces deux arts , il
faut toujours fuivre la nature : l’homme ne fait que
rafiTembler & décompofer. Il y a des modèles du
beau partout : notre efprit trouve tout dans lui ou
autour de lui. Tout efl; à notre portée ; il faut pafler
du fimple au compofé. Le fimple eft toujours à
notre portée; c’efl: fur les chofes fimples & faciles
que les jeunes gens doivent commencer leur travail,
s’il veulent aller en avant. Quand on monte, il faut
que la pente foit douce & infenfible, fi l’on ne veut
ni fe fatiguer ni fe rebuter.
Pour faire des progrès dans les arts , dont nous
parlons fans fuivre les anciennes routes, il faut que
les Officiers d’éducation ayant exercé la mémoire
des jeunes gens par les principes de notre langue,
par de beaux morceaux de notre littérature , & par
le calcul ; il faut qu’ils perfectionnent leur efprit 6c
leur cœur, en offrant à ces jeunes gens le fpeéfacle
de la nature; il faut qu’ils fe promènent avec eux
dans la campagne; il faut qu’ils leur fafient examiner
un bel arbre, une fleur bien colorée, le criftal d’une
don'rrifà'fon'’” brebis qui
avec des yeux humides! Uformêdes ^b‘ 1"’’“
mouvement, leur couleur, leur fitua, °c
impreinons dans la tdte des jeunes
'^eau , étant fouvent répétées i
m»ières,.rerprit & le cœur fe formen.''c •
a ete bien vu & bien fenti fp j •
on fe fait un m r j * ^^produit aifément:
le fait un magafîn de fenfations & d’idées au.
les jeunes gens ret™„vent dans le befoin. ^
Voila donc les jeunes gens oui f. fr^
-■ik ... S-s
ces impreffions ils calcnlen. •. ' ^
WhlTent, les voilà Artiflel
En parlant d’Artiftes, tous les ar.. .
analogie. Un Peintre qui veurpdlr
fe tranfporte fur une élévation , il ex.JJZf
jets, il obferveles impreffions qu’ils font ZZ'
fon ame s’étend ffir tous les objets elle s’
tians fes méditations de tous ceux J ' r
s.i i. faPK. il ™, ,i 4Î:“;'“
(l?)
fent le clair & l’ombre des objets. Que fait le jeune
homme, la plume à la main, qui fe trouve à côté
du Peintre ? Son ame fent les mêmes impreffions, il
combine, il choifit également les objets qu’il voit
dans le payfage , il écrit des mots qui rendent les
plus {impies idées des objets : H met
d’autres mots , d’autres idées il continue
fon travail , le coloris fe forme : coloris qui n’eft
qu’un parfait alTortiment d’idées variées, fi combi-
nées avec juftelTe. Cela étant fait , le tableau eft
peint. ÉclaircilTons ces idées , décrivons tout li’ra-
plement ces objets principaux qu’on voit dans un .
payfage. D’abord c’eft un jardin émaillé de fleurs,
des vignes, des champs dorés, un ruiffeau, qne
forêt de fapins , & le foleil qui fe couche derrière le ..
fommet des montagnes couvertes de neige. On voit
aülTi en tournant les regards, & à l’ombre d’un grand
nuage , des moilTonneurs qui fe retirent en chantant
des chanfons patriotiques, & plus près de nous,
éclairés de longs traits de lumière , des patriotes qui
gémiffent fur l’aveuglement des malveillans & fur
l’efclavage de plulieurs Peuples de l’Europe. On voit
qu’on décrit avec la plume, comme le Peintre avec
le pinceau; on arrange, on place ce qu’il y a de
plus faillant & de plus beau pour rendre la nature.
Savoir choifir, c’eft favoir raifonner : voilà la pre-
mière règle de tous les arts.
Comme tout eft defcription, calcul 6c choix, ce
(Ig)
qu’on a fait pour le payfage, on peut le faire pour
toute autre chofe. Par exemple dans toute Société
patriotique il eft bon de palTer aux charges pour )
s’inftruire : voilà le fujet. Appliquons à ce fujet les
mêmes règles que nous avons employées pour dé-
crire le payfage. ReflechilTons d’abord aux objets
qui font voir que de paffer aux charges on s’inftruit.
Il faut faire un difcours, une délibération, un mé-
moire, un Verbal? il faut recueillir les voix? Ces
chofes ou ces objets demandent des recherches &
des réflexions. L’ufage, l’attention , le travail inf-
truifent ; donc il faut palTer aux charges pour s’ins-
truire.
On pourra me dire, il ne fuffit pas de favoir
placer les objets ou les principes des chofes, &
même en tirer des conféquences, il faut encore fa-
voir embellir toutes les matières qu’on traite. Eh
bien! la jeuneffe aura cet art, elle aura un flyle
brillant, fi elle fe nourrit l’efprit des meilleurs ou-
vrages de Fénélon, de Voltaire, de J. J. Roufléau
& de Buffon. Il eft certain d’ailleurs que l’art de
peindre n’eft pas fi difficile que l’art de penfer.
Quand on penfe & qu’on voit la Véritable place des
objets ou les principes des chofes, on fent des infpi-
rations au fond de fon ame, on entend le langage
du vrai & du beau. A ces accens fublimes , on eft
enflamme d’un feu célefte, on peint les objets, on
eft rhetoricien, on eft tout, oh rend la nature.
\
( 19 )
Si les jeunes gens font bien conduits par les Ofii-
ciers d’ëducation , ils auront dans peu de temps des
idées précifes de la méthode de l’art d’écrire que je
viens d’indiquer* Je pourrais m’étendre & dévelopc
per plus au long mes principes ; mais cette fécondé
partie de mon ouvrage n’eft déjà que trop longue.
D ailleurs ce que ] ai dit indique ce que je pourrais
dire. Au furplus les jeunes gens viendront de temps
en temps dans notre Société nous lire des defcrip-
tions de payfages, & des analyfes de nos meilleurs
Auteurs. En leur diftribuant des prix , nous leur
parlerons plus au long de notre méthode.
Apres que les jeunes gens auront des idées fur
I art d écrire J il faudra que notre Comité leur parle
de la théorie des métiers qu’ils veulent apprendre.
II faut un état à l’homme pour être heureux. Si les
jeunes gens veulent entrer dans le commerce , on
leur parlera des livres à fimple & à double partie,
& du rapport que le commerce a avec l’agriculture,
& avec les richeffes des Empires.
En un mot j la bonne culture de l’elpnt & du
cœur des jeunes, gens doit leur infpirer de bonne
heure a fe faire un plan, pour remplir avec diflinc-
tion une place dans la Société y ils profpéreront,’
s ils font aélifs & fages. Nous les conduirons fur le
rivage avec un efquif,,une voile & une ancre; c’elî
a eux a voguer fur la mer du monde.
Enfin ma manière facile me paraît propre à éleveî"
B
les jeunes gens de cette ville. D’ailleurs , frères &
amis, fi après avoir réfléchi fur l’éducation, vous
compofez, vous produifez de meilleures méthodes
que les miennes , je les adopterai , je les applaudirai
avec reconnaiffance : la reconnaiffance fe lie tou-
jours bien avec l’amitié, elle lui donne même plus
de mouvement & de vie. J’ajouterai, frères & amis,
ce fentiment avec tous les autres que j’ai pour vous,.
he Z4 août l’jyt.
(“)
DISCOURS
Prononcé à la réception de B.*** Agriculteur
travaillant fon bien.
Frère et ami,
La fageffe confifte à remplir fes devoirs. Les
miens ont été d’aller dans votre voifînage & chez
vous-même, pour m’informer de vos mœurs, pour
voir i’état de vos affaires. Tout m’a fait votre éloge î
vous êtes digne d’être un Membre de la Société des
Amis de la Conftitution. Auffi vous êtes retju parmi
nous ; vous êtes notre frère ÔC notre ami.
Une belle réputation efl: une fource de bonheur
pour nous & pour les autres , à tout inftant on en
goûte le doux fruit; fes jouiffances fe communiquent
à tous les êtres qui nous entourent. Le concert des
louanges de la vertu charme tout le monde : mille
échos font revenir fes accens délicieux fans ceffe
vers nous. Aufli des hommes vrais, charmés de vos
vertus , m’ont alTuré que l’ordre & l’amour du tra-
vail faifaient votre caradère, & que vous cultiviez ^
de vos bras robuftes le bel art de l’agriculture. En
effet j’ai vu vos terres bien travaillées & vos beftiaus
(il)
fort gras. Quand je me fuis préfenté chez vou#j
voîrj père, qui s’approche de la vieilIe/Te, amalTait
de Pherbe pour vos vaches; votre fils, fort jeune
encore , faifait paître vos brebis; pour vous & votre
dpoufe, je vous ai vus au loin au milieu d’un champ
doré , les épis de blé étaient renverfés à grands
coups par vos mains vigoureufes ; vous faifiez la
moifîbn. Frère & ami, vous faites ce que faifaient
les premiers fages de l’antiquité; ils travaillaient à
la terre, ils faifaient porter des fleurs & des fruits
& mille richelTes à cette mère commune, à cette
tendre mère qui n’aime que les gens adifs comme
vous, & ne donne à la nonchalance & à la fainéan-
tife que des ronces & des malheurs. On peut dire
que rien n’eft plus ingénieux que la fable d’Hercule
& d’Anthée, fils de la terre. Hercule , qui n’eft que
limage de la force, du courage & du travail, pour
tirer tout le parti poflible d’Anthée, était obligé de
luter long-temps avec lui ; puis à force de l’agiter
& de le^foulever en l’air, il en triomphait.
Ce n’eft pas tout pour vous de remuer, de fou-
lever la terre, de l’animer, devons identifier avec
elle par la force du travail, de la vaincre, en un
mot, pour la faire produire, il faut encore connaître
l’art de l’agriculture ; il faut favoir conduire les
eaux fur fon fein & dans fes entrailles; il faut foigner
fes plaies & fes maladies ; il faut réchauffer ou refroidir
plufîeurs de fes parties parle baume d’un terreau corn-
(^ 3 )
pofé par le fumier, par la marne, &c. Les Anglais,
ce pre- ner Peuple du monde pour bonifier la terre,
ont un tas de terreau dans chacune de leur pièce.
De là ils portent le remède dans les parties qui en
ont befoin ; ce qui fait que la récolte eft également
belle dans toute leur pièce. Ils jugent de l’art de
l’Agriculteur par cette égale beauté, & donnent en
conféquence des prix & des récompenfes à l’Agri-
culteur. De plus , les Anglais ont foin de travailler
la terre quand il faut. La terre efl: un levain qui a
fes degrés & fon temps de fermentation & de repos;
c’eft à l’Agriculteur à le connaître : l’aélif Agricul-
teur le connaîtra toujours par la pratique. Au fur-
plus, le travail & l’expérience conduifent les chofes
au point de perfeéfion.
Oui, on réuffit à tout avec le travail : avec le
goût du travail le cœur & même l’ame fe bonifient.
Les facultés de notre être font comme la terre, elles
ont befoin de travail ; fans quoi mille produêlions
empoifonnées s’élèvent de tous cotés : le travail eft
le père de toutes les vertus. Frère & ami , vos vertus
ont excité mon admiration. Votre père, qui après
Dieu & la Loi efl; ce que vous avez de plus cher
dans le monde, m’a fait votre éloge. Votre époufe
& vos enfans, à ce que m’ont alfuré vos voifins,
vous chériflent : vous les chérilfez. Les fentimens
du cœur font récompenfés par d’autres fentimens :
voilà ce qui fait le bonheur réciproque de vous tous.
(M)
Le bonheur de vous tous a fon centre dans vos
travaux & dans vos vertus ; de là il réfléchit fes
rayons fur tout ce qui vous entoure. Cefl: une éma-
nation célefte que la bonne conduite d’un père de
famille. L’ordre , frère & ami, que vous avez établi
dans votre maifon eft en petit l’ordre focial qui doit
régner dans les grandes Sociétés. Tout a des rap-
ports du petit au grand : la raifon & le bon fens
font le fondement des grandes comme des petites
Sociétés.
De plus^ pour entretenir l’ordre dans fa famille
comme dans la Société, il faut être toujours en fen-
tinelle, toujours ennâivité. Ainfi frère, faites pour
notre Société comme chez vous, foyez furveillant,
denoncez-nous tous les ennemis de la conftitution ;
voila les engagemens que vous avez pris avec nous.
.Vous en avez pris encore d’autres; félon nos règle-
mens , il faut qu apres vos travaux , le foir en vous
repofant, vous inftruifîez vos enfans fur leur devoir,
fur le travail , fur les vertus & fur notre fublime
conflitutlon, & qu’enfuite en élevant votre cœur
au.ciel, vous répétiez fouvent à votre famille le
ferment que vous avez fait dans notre Société, qui
eft d etre fidelle a la Nation , à la Loi & au Roi , &
de maintenir 1 ordre dans votre maifon, d’aimer le
travail, d elever vos enfans félon notre conftitution,
& vivre libre ou mourir, &c.
(•»5 )
discours
Sur PHarmonie.
Frères et amis.
Cherchons l’harmonie , & nous ferons
heureux.
La définition de l’harmonie eft un jufte rapport
' dans toutes les parties d’un tout : c’eft un heureux
mélange du bon, du jufte & du beau. Notre ame
dans fa perfeélion eft un tout parfait, une harmonie
parfaite.
Plus on a l’ame pure & les fens bien organifés,
plus l’harmonie a de charmes. 11 faut donc exercer
& perfeaionner fon ame & fes fens , pour goûter
fes plus doux effets. Le temps , la reflexion & les
différentes imprefîions des objets, en nous perfec-
tionnant, augmentent toutes nos jouiffances.
Pour goûter d’abord les charmes de l’harmonie,
commen<^ons par la loi , parce que la loi donne le
ton fondamental: c’eft l’inftrument qui met tous les
autres d’accord.
Cet inftrument eft la conftitution , c eft le droit
de l’homme, ce font tous les décrets de l’Affemblee
Nationale*, on trouve là la juftice , l’égalité, la
liberté. Rien ne peut humilier ni enorgueillir. Per-
fonne ne rampe ni ne s’élève, tout refte à fa place,
a place d’homme, on voit tout à fon niveau : l’a-
l’humanité circulent dans tous les cœurs, &
la raifon dans tous les efprits: l’ame fent les charmes
de l’harmonie, & goûte le parfait bonheur.
Etendons, frères & amis, toutes ces idées. Lorf-
que la raifon & les lois gouvernent les hommes, &
que les fentimens précieux ou les jouilTances du
cœur charment tous les inlîans de notre vie , on
peut dire que nous fommes en harmonie avec nous-
memes, avec les autres, & avec toute la nature.
Mais quand on s’ifole & quand on fe fépare des
hommes avec inquiétude & avec méchanceté, cela
annonce le defordre & le défacord de fon cœur &
de fon efprit. Ne pouvant tromper les hommes, on
les fuit pour les haïr ; le vice fe cache, & la vertu
fe montre.
Voilà pourquoi les patriotes fe montrent & fe
cherchent; ils aiment d’être enfemble, ils fe per-
feélionnent par 1 amour des lois & par la tendre
amitié. Ayant entr’eux un jufle accord d’idées & de
fentimens, ils ont une même ame; les délices des
uns font toujours celles des autres. C’eft un concert
qui a la même mélodie ; cette mélodie eft l’harmonie
des âmes tendres & raifonnables.
f’ame commence à fe purifier, à s’agrandir par
îa Société des patriotes : les vertus qui la charment
{^ 7 )
lui donnent un goût infini pour ce qui eft beau ] car
le beau , comme la vertu , a fon harmonie. Rien
n’eft indifférent à un patriote que l’amour du beau
enflamme ; il le cherche dans toute la nature : fes
douces impreflions achèvent de perfeélionner fon
ame & fon cœur.
Oh ! que le patriote aime tendrement à ouvrir
fon efprit 5c fes fens à toute la nature I II aime à
parcourir les campagnes. Il entend un oifeau mer-
veilleux : fes roulades, fes files, fes éclats, fa viva-
cité, fa douceur, font un concert harmonieux. Pour
redoubler encore les délices du patriote, il voit dans
les airs l’arc-en-ciel déployer fa brillante ceinture ;
il voit s’étendre fur des nuages des couleurs trans-
parentes & légères , qui donnent de la force aux
couleurs brillantes. Elles fe répètent, elles fe réflé-
chiffent les unes fur les autres, 5c fe prêtent leur
mutuel fecours. Le flambeau du monde qui va dif-
paraître derrière une longue chaîne de montagnes,’
colore les fleurs, la verdure 5c l’onde des fontaines.
D’autres arcs-en-ciel fe forment, 5c fous leurs voûtes
immenfes 5c lumineufes d’autres oifeaux , d’autres
roflignols chantent. Ce fpeftacle fi grand , fi vif , fi
animé, fait fentir à l’ame du patriote l’harmonie de
tous les fons 5c de toutes les couleurs. ,
Pour augmenter encore le charme de l’harmonie -
la nuit détend fes voiles , les aftres parent le firma-
ment : le doux éclat de leur lumière, la fraîcheur de
hÿ, l’agîtatJon d*un léger zéphlr, apportent dans
repos. Mars comme l’ame du patriote eft faite
pour le mouvement & pour les contemplations fu-
mes, elle s’élève dans fon enthoufiafme vers l’har-
-me c letle. Là dans des torrens de lumière & de
dchces .1 contemple la fource de toutes les vertus
I3eau. L ame du patriote, confondue dans
tra„s toutes les deltces. Son ame entièrement p„rt
vrai’ & du
qui doit être toujours en har-
—me avec fes devoirs, & trouve qu’,1 faut revenir
a on po te. En effet l’heureuv patriote revient à fon
la Souete, pour lefquels il efl fur la terre.
Pui^Eons-nous, frères & amis, goûter' & le jour
ns ceffe la douceur de fes charmes, fi notre efprit
& notre cœur fe purifient par les lois, par la vertu,
« par les contemplations de la terre & du ciel
(^ 9 )
DISCOURS
A M. L** Négociant de Bordeaux^
partant pour cette ville.
Frère ET ami.
Vous partez : vous emportez nos cœurs & nos
plus tendres afFe£lions. La Société des Amis de la
Conftitution du Caria m’a chargé de vous exprimer
fes fentimens; ils font, comme les miens, remplis
de reconnaiffance & d’amitié.
Oui, les fentimens d’amitié que nous avons pour
vous, font fondés fur la reconnaiffance, car dans ce
temps-ci l’amitié des patriotes doit être fondée fur
le bien qu’on fait à la chofe publique. Vous l’avez
fait ce bien. Dès votre arrivée dans ce pays vous
vous êtes tranfporté dans toutes les maifons & dans
toutes les affemblées publiques; vous nous avez
donné à tous de brillantes fêtes, & cela pour prêcher
l’amour des lois; en un mot, par vos difcours, par
vos chanfons patriotiques vous avez charmé tous les
habitans de cette ville : tous paraiffent avoir adopté
vos idées. Les hommes en général fuivent la façon
de penfer des perfonnes qu’ils aiment. Ayant charme
tous les cœurs, vous avez convaincu tous les efpritsj
( 3 ° )
& le pitnotiCme a fait beaucoup de progrès depuis
gue vous etes dans ce pays*
'Vous voyez, frère & ami, que Tamitié que nous
avons pour vous eft fondée fur la reconnalffance.
Pour augmenter encore, s’il eft poffible, notre re-
connailfance, parlez de notre Société à la Société des
Amis de la Conftitution de Bordeaux dont vous êtes
Membre; faites en forte de nous affilier avec elle.
Cette Société eft célèbre par fon dévouement à la
confiitution. On n oubliera jamais qu’une armée de
patriotes de Bordeaux partit pour fecourir les pa-
triotes malheureux Se opprimés de Montauban. Vo-
tre digne frère était de cette armée; alTurez, nous
vous en fupplions, ce Soldat de la patrie, ce bon
Négociant, combien fon courage Sc fon amour pa-
triotique ont excite notre admiration & tous les
fentimens de notre cœu.
Enfin, O notre frerel ô notre ami! vous partez,
vous nous quittez, vous quittez vos tendres parens^
qui font tous bons patriotes : tous enfemble nous
vous comblons de bénédiaions. Puiffient vos tra-
vaux , votre adivité & la jufteffe de votre efprit
faire profpérer de plus en plus votre commerce I
C eft le commerce, pour le dire en paffiant, qui fait
fleurir les Empires ; c’eft le commerce qui portant ■
l’homme vers le travail, l’ordre, la bberté, l’éclaire
& 1 enrichit. Puifte, en un mot, le commerce, qui
vous a déjà favorifé de tant de dons, achever de
( 3 > )
VOUS combler de toutes fes richeffes , & puis , frère
& ami, venez vivre parmi nous avec votre aimable
famille? Le fage, lorfqu’il s’approche d’un demi-
fiècle, doit jouir dans le repos du fruit de fes travaux
de fes vertus ; il ne faut pas qu’il attende un âge
trop avancé pour faire retraite. Dans la vieilleffe on
ne jouit de rien : la vieilleffe eft la privation de tous
les plaifirs. Venez donc dans quelques années, frère
& ami, dans ce pays jouir de votre fortune & de
tous les fentimens que nous avons tous pour vous.
En attendant, permettez, comme votre ancien ami,
que je vous embraffe.
/
(n)
DISCOURS
Sur k courage des bons Patriotes^
& fur la crainte des malveillans,
F RÊRES ET AMIS,
Le courage & le bonheur font le partage des
patriotes, & la crainte ôc le malheur font Eapanage
des malveillans.
Je vous prie de m’accorder un moment votre at-
tention pour démontrer ces deux propofitions. Les
hommes qui aiment l’inégalité & la tyrannie, dans
quelque âge qu’ils foient , font fans énergie : leur
ame pufillanime a rendu leur caradère faible. Quand
on eft petit dans fes idées , on l’eft toujours dans fes
avions. Le moindre malheur épouvante ces efclaves,
parce quêtant fans conliflance, ils ne favent rien
foulFrir : au moindre obftacle la peur les tranfit. Un
cœur glacé rend la tête fans idées & fans reffources.
En un mot , lorfqu aucun fentiment noble ne foutient
1 homme, il eft chancelant & malheureux tous les
inftans de fa vie; les fonges même de la nuit font un
tourment pour lui. La lumière du jour qui diftipe
les ombres, ne peut diffiper les fantômes effrayans
(3Î )
qui le pourfuivent. Comme le malveillant eft fans
principes , il eft fans bonheur.
Il n’en eft pas de même des bons patriotes, de
ces êtres privilégiés du ciel que l’amour de la liberté
& des lois enflamme : dans quelque âge qu’ils foient,
ils font heureux.
Je vols d’abord le jeune patriote brillant comme
la fleur des champs, & vigoureux comme ces beaux
arbres qui ornent nos riantes campagnes. La belle
ame du jeune patriote eft nourrie dans les bons prin-
cipes : l’amour de la patrie éleélrife fans cefle toutes
fes facultés. Voilà ce qui rend fon courage fi grand
& fi fubllme ; il croit, comme Hercule, n’avoir be-
foln de perfonne pour détruire tous les monftres; il
eft intrépide, il eft heureux, parce qu’il veut le bien
de fa patrie.
Le patriote d’un âge mûr eft plus réfléchi que le
jeune homme; il s’aide de la force des autres pa-
triotes pour le bien public; il mêle fans cefle fes bras
avec les bras des perfonnes qui penfent comme lui; il
marche toujours en bataillon ; il calcule tous les mou-
vemens des malveillans; il réuflit à tout, parce que tout
eft prévu & combiné. Plus les obftacles font grands,
plus les reflburces du patriote éclairé font étendues. »
Une grande caufe produit un grand courage & de
grandes reflburces : voilà ce qui fait le fuccès & le
bonheur du patriote mûri par l’âge.
Pour le patriote qui eft dans la vieillefle, il fe fent
ri.
I; f
(34)
rajeuni par les grandes idées de la liberté ; il melitre
ans ceiTe toutes les forces des êtres qui penfent
comme lu,, & c’eft ce qui fait fo„ courage. Les
jeunes gens font à fes yeux des colonnes entre les
bras des perfonnes d’un âge mur & réfléchi. L*art &
la prudence arrangent & mettent en œuvre. C’eft
amfî que l’édifice de la liberté fe forme, c’eft dans
ce fuperbe monument que le bon vieillard plein de
jme rendra d’éternels hommages au Dieu des lois
OC de la liberté.
Nous devons conclure, frères & amis, de toutes
les ventes que je viens de vous annoncer, que les
malveillans, ces tyrans du Peuple, font les êtres les
plus malheureux de notre Empire; leur ambition les
aveugle & les tourmente; leurs projets, pour nous
remettre dans les fers, font les projets des infenfés,
R, en ne leur reuflit, parce qu’ils ne veulent que h
mal, & le mal qu’on veut faire aux autres tombe
toujours fur foi-même. La vanité, les préjugés, tous
les défauts du cœur & de l’efprit dénaturent les
belles .facultés de l’homme; les inconféquences Si,
les malheurs fuivent toujours les malveillans.
Oh! que le fort des bons patriotes eft différent,
comme nous l’avons vu! La caufe de la liberté &
des lois eft fi belle, que toutes les vertus enflamment
à h fols tous les patriotes. Le vieillard, l’homme
d un moyen âge & le jeune homme fentent égale-
ment le même charme pour la gloire. La plus belle
1
( 35 )
des paffions lie tous les cœurs : tout concourt à faire
le bonheur public. La France eft entourée d’un rem-
part de bayonnettes, tous les bras font levés de tous
les côtés pour la défenfe de la liberté. Avec le cou-
rage, la force & l’harmonie les patriotes font gais
& heureux. Voilà, frères & amis, ce que je voulais
vous démontrer*
( 36 )
DISCOURS
Prononcé dans PÈglife du Caria à la réception
du Juge de Paix^ mon ami M. L. D. L, P.
Citoyens,
La jullice & toutes les vertus doivent animer le
Juge de paix, pour entretenir la concorde dans la
Société. '
S’il était donné à l’homme d’avoir l’ame auffi
pure que les rayons du foleil, il verrait toujours la
vérité comme dans un miroir fidelle. Toutes les lois,
qui ne font qu une émanation célefte , éclateraient
autour de lui en traits de flamme.
Mais au lieu de cette perfedion de voir, l’homme
erre & fe trompe, parce qu’il eft plein de défauts.
Son efprit obfcurci & entortillé ne voit pas aifément
la vérité ; il faut qu’il foit aidé , & qu’une lumière
étrangère fe joigne à la fienne ponr voir les objets,
les comparer & les juger.
Pour remplir ce grand objet, nos fages Légifla-
teurs connaiflfant l’homme & fes imperfeélions, ont
donne au Juge de Paix des Prud’hommes ou des
AflTelTeurs, pour lui fervir d’appui, & pour l’aider
dans fes jugemens.
( 37 )
Voilà donc, Citoyens, le Tribunal de ce Canton
formé d’un Juge de Paix , de quatre Affeffeurs
d’un Secrétaire : eux feuls doivent juger nos que-
relles & nos diviiions , fruits de nos défauts & de
nos erreurs.
Ayant au milieu de nous un pareil Tribunal, ns
craignons plus les abus de l’ancien régime, ni la chi-
cane , qui par fes détours tortueux venait flatter nos
erreurs & nos faufles prétentions ; elle défendait
avec le même langage , pour nous féduire, ou pour
nous ruiner , le faux comme le vrai.
Oublions, s’il efl; poffible , des malheurs qui ne
font plus , & tâchons dans ce renouvellement de
toutes chofes de préparer nos cœurs ôc nos efprits à
la juftice. Hélas ! fl nous étions juftes, nous n’aurions
befoin ni de Tribunaux ni de Juges.
■ Mais qui peut fe flatter d’être jufte ? perfonne.
Perfonne non plus n’efl: à l’abri des méchancetés hu-
maines ; par conféquent , dans quelque fltuatlon de*
la vie qu’on foit, on peut être en guerre avec fes
femblables.
Le riche dans fa pofition élevée , toujours en
mouvement, toujours aux prlfes avec les hommes,
parce que fans cefle il a befoin d’eux, fe trouve ex-
pofé aux plus grands orages. Rien de ce qui efl: trop
élevé n’efl en repos.
L’homme à fortune médiocre efl bien dans une’
fituation faite pour les fages ; il peut cultiver dans
( 38 )
le repos l’arbre fleuri de la fagelTe & du bonheur.
Mais comme il penche 'pour la folitude & l’infou-
ciance, l’envie, toujours en convulfion , s’élance
fouvent fur lui. Le pauvre, au lieu de fe diftraire par
le travail , feul bien de l’ame des juftes, s’égare quel-
quefois dans fes idées & dans fes adions : il veut
monter où il ne peut atteindre.
Pour mettre donc l’accord entre le pauvre, l’homme
à fortune médiocre & l’homme riche, il faut que le
Juge de paix & fes nobles compagnons veillent fans
ceflTe ; lorfque les divifions commencent, ils doivent
redoubler de zele, & calmer les premiers mouve-
mens de l’agitation.
Pour réuflir à ce grand ouuvrage , qui forme la
plus belle fondion de la fociété, puifqu’elle confifte
à entretenir l’harmonie parmi les hommes, il faut
que le Juge de paix fe porte promptement chez les
parties divifées; il faut qu’il s’informe de leur carac-
tère , qu il leur parle amicalement j & comme un
jour doux porte le calme a une vue trop agitée, ainfi
la préfence du fage Juge de paix calmera l’homme
bon , car l’homme bon peut aufli tomber dans l’er-
reur. S’il y tombe, il fe relève aifément.
Il n’en eft pas de même de l’homme que l’avidité,
que le goût de la chicane égare ; comme il eft fans
principe, il flotte fans celle dans l’illuflon de l’intérêt.
La calomnie , qui invente toujours des défauts , afin
qu’on lui pafle les liens, a beaucoup d’attraits fur lui;
( 39 )
îl s’aide d’elle pour noircir la partie avec laquelle il,
eft en difcuffion. C’eft auprès de cet homme à grands
défauts qu’il eft important que le Juge de paix & fes
amis emploient avec ardeur leur miniftère , &
comme des Médecins habiles il faut qu’il le traitent
avec tout le foin & tout l’art poffîble. Les maladies
du cœur & de l’efprit font plus difficiles à guérir
que celle du corps : le goût des méchancetés eft une /
vraie maladie.
C’eft ainfi, Citoyens, que le bon Juge & fes amis
feront rentrer l’homme qui s’égare, dans le chemin
de l’ordre 8c de la paix, 8c le bonheur régnera dans
la contrée.
Je ne doute pas. Citoyens, que le Juge de paix,
mon ami , que vous avez nommé , 8c tous ceux qui
compofent fon Tribunal, ne fuivent les moyens que
je viens d’indiquer pour nous rendre heureux. Oui,
nous ferons heureux par leurs foins : les lois font
écrites dans leurs cœurs plutôt que dans leur mé-
moire, puifqu’ils ont le goût de toutes les vertus. A
ces titres je leur préfente mes hommages , 8c les
fupplie de fe rappeler fans cefle cette grande vérité ; ^
Les bénédiélions du Peuple font le bonheur des
hommes en place.
(4o)
DISCOURS
Prononcé dans VÈglife du Caria,
Citoyens,
Je fuis pénétré de la plus vive reconnaiffance de
la place dont vous m’avez honoré; je ferai tous mes
efforts pour m’en rendre digne. Si le zèle fiiffit pour
faire fruèlifier les lois, & maintenir l’ordre , je mé-
rite de prefider votre Affemblée primaire.
Après avoir affuré cette refpeftable Affemblée de
tous les fentimens de mon cœur, je fupplie le ciel
de répandre fur elle le don précieux de connaître les
hommes, pour choifîr ceux qui peuvent nous rendre
heureux.
Nous ferons heureux , Citoyens , fi nous faifons
de bons choix pour remplir les places d’Eledeurs :
les bons choix raffermiront de plus en plus notre
eonftitution.
Nommons donc de bons patriotes : eux feuls fe-
ront notre bonheur. L’amour patriotique eft l’affem.
blage de toutes les vertus : avec les vertus on ne fait
prefque jamais de mauvais choix. La vertu cherche
la vertu, elle la connaît , elle fe pofe fur elle comme
par inflina, çomme par fentiment. On dirait que
(40
les hommes vraiment patriotes n’ont qu’une même
ame *, ils fe cherchent, fe trouvent, & s’aiment.
Je fais que les malveillans fe mafquent , & qu’ils
affeêlent dans ce temps-ci plus que jamais de pofféder
les vertus patriotiques qu’ils n’ont pas j mais leur ré-
putation les précède. Ce qui eft aujourd’hui fera de-
main : les défauts de l’efprit & du cœur ne changent
pas aifément. Voyons ce qu’çn a fait, & non ce
qu’on nous dit : ce font les aétions , & non les pa-
roles qui font connaître l’homme. Que tout ce qui
a quelque rapport à l’intrigue a la cabale vous foit
fufpea : l’intrigant a toujours le cœur cangréné. On
ne cabale que pour faire le mal, 6>c jamais pour le
bien. Le vertueux patriote ne connaît
Lire la suite
- 4.02 MB
- 15
Vous recherchez le terme ""

61

53

97