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La question ici débattue n’est pas de savoir si Dieu existe ou non mais bien de comprendre comme un tel concept est apparu à la conscience humaine et qu’est ce que l’on en a fait, quelles représentations avons-nous choisies et adoptées au sein des différentes cultures pour l’exprimer, finalement saisir l’incroyable filiation entre toutes les grandes religions du monde moteur de l’extraordinaire continuité historique de Dieu à travers les siècles jusqu’à la science moderne de la Relativité de Einstein et de la Mécanique quantique de Planck. L'étude des archétypes et des mythologies universelles montre qu'il n'existe pas d'époque où la spiritualité fut absente du destin de l'homme. De tous temps, elle est au centre des différentes conceptions du monde et d'un système de valeur correspondant à chacune. L’histoire de l’humanité nous apprend Télécharger gratuit DIEU MAINTENANT pdf
DIEU MAINTENANT
Rétrospective et mise à jour du concept «Dieu» à l'aube du troisième millénaire
CLAUDE PAQUET
DIEU MAINTENANT
Rétrospective et mise à jour du concept «Dieu» à l'aube du
troisième millénaire.
Introduction.
Les événements dramatiques en ce début de troisième
millénaire, ont ramené sur le devant de la scène politique des
interrogations existentielles sur le sens de la vie, la fragilité de
l'être devant la nature (tsunami indonésien et japonais,
tremblement de terre en Haïti). On croyait notre civilisation
indifférente de plus en plus au phénomène religieux et nous
voilà soudainement forcé, entre autres par de nouvelles
guerres incessantes, à nous questionner sur des notions de
Bien et de Mal, et contre toute attente, à s'interroger sur l'idée
de Dieu.
Eh oui ! Dieu ! Ce mot que tant de gens ont voulu rayer de leur
vocabulaire, ce concept que plusieurs ont voulu éliminer de leur
pensée, cette idée tellement chargée d'émotions et
d'intransigeances, à l'origine de tant de divisions et d'atrocités
mais aussi de félicité ; Dieu est de retour et continue d'alimenter
des croyances d'une redoutable efficacité. Car, qu'on le veuille
ou non, le monde reste gouverné, malgré la séparation de
l'Église et de l'état en démocratie, par des principes
intrinsèquement reliés à la religion et cette réalité concerne
même l'incroyant. Si bien que la question ici débattue n'est pas
de savoir si Dieu existe ou non mais bien de comprendre
comme un tel concept est apparu à la conscience humaine et
qu'est ce que l'on en a fait, quelles représentations avons-nous
choisies et adoptées au sein des différentes cultures pour
l'exprimer, finalement saisir l'incroyable filiation entre toutes les
grandes religions du monde moteur de l'extraordinaire
continuité historique de Dieu à travers les siècles jusqu'à la
science moderne de la Relativité de Einstein et de la
Mécanique quantique de Planck. Car indépendamment de son
existence ou non, Dieu reste une représentation, des
représentations, devrais-je dire, puisque près de 85 % de
l'humanité de cultures différentes y croit plus ou moins avec
ferveur et le célèbre via d'innombrables rituels.
Une chose est sûre, l'homme, dès sa naissance à nos jours, a
toujours été à la recherche d'une présence métaphysique
comme réponse à sa présence sur terre et donnant un sens à
sa vie. Jung, le premier, fait remarquer que la spiritualité est le
centre de la vie psychique, c'est elle qui donne du sens à la vie.
En effet, il remarque, par l'étude des archétypes et des
mythologies universelles, qu'il n'existe pas d'époque où la
spiritualité fut absente du destin de l'homme. De tous temps,
elle est au centre des différentes conceptions du monde et d'un
système de valeur correspondant à chacune. L'histoire de
l'humanité nous apprend alors que la représentation de Dieu
n'est pas statique mais dynamique, qu'elle évolue au gré de
nos connaissances. Dieu est un concept, une idée nomade.
NOMADEUS
«L'histoire n'est que l'évolution de l'idée de Dieu dans
l'humanité». (Esquinos)
Dès l'Origine, l'homme primitif est confronté à la puissance des
éléments naturels et aux difficultés de sa subsistance. Il n'en
connaît pas les causes mais intuitivement, son instinct de
survie lui commande de chercher protection. La nature était
peuplée de puissances, animaux fabuleux, volcans,
tremblements de terre, inondations, orages, feux de forêt,
maladies et finalement la mort. Tous ces phénomènes naturels,
animaux et plantes semblaient animés d'une force intérieure si
mystérieuse que l'homme archaïque en vint rapidement à les
personnaliser sous formes de dieux : dieux de la pluie, du
soleil, du tonnerre, etc.
Ce besoin de représentation au départ des forces inconnues
évoluèrent par la suite de la mythologie à la croyance, croyance
que, par des rites et des sacrifices précis, l'homme pouvait non
seulement apaiser la «colère» des dieux mais pouvait
également, en prononçant des paroles magiques,
communiquer avec eux et plus encore en acquérir le statut, la
puissance. Les dieux pouvaient ainsi délégués leurs pouvoirs
aux hommes ; une fois l'homme investi de ces pouvoirs peut
commencer la spiritualité. Cette conviction d'appropriation de la
puissance divine devint, dans la conscience collective, une
vérité, une religion. Associée à une religion supportée par un
groupe ethnique précis, la représentation Dieu vint à refléter la
conviction des valeurs du groupe, l'homme délesta Dieu de sa
neutralité et fit du «dieu nature» et du «dieu cosmique» un
«dieu moral» et surtout tribal. Un prophète de grande
envergure viendra annoncer le passage du dieu tribal vers la
destinée plus totalisante du dieu universel, transcendant toutes
les divisions ethniques pour rejoindre l'intimité de l'être. Suivra
la trahison de la prophétie par ceux-là mêmes qu'il est venu
sauver par son sacrifice ; le dieu, père universel, récupéré par
la politique des hommes muta alors en un dieu impérial, en un
dieu monarchique et finalement en un dieu étatique ou national.
Le début du XXe siècle marque un retour inattendu de la
conception du «dieu cosmique» grâce au travaux des
physiciens de la relativité et de la mécanique quantique. Mais
avant d'y arriver, nous devons saisir comment l'ère du «dieu
tribal» s'est constituée et surtout comprendre pourquoi ce «dieu
moral» affecte toujours la destinée de l'homme. Une fois ce
constat établi, nous pourrons alors plus sainement aborder
cette «mise à jour» du Dieu cosmique révélé par la science
moderne.
Début
De l'unicellulaire au binaire (biologie)
Au "commencement" était le Chaos, l 'espace/temps primordial
où règne l'indifférenciation des éléments. Sur terre, c'est l'ère
des eaux originelles où se cache l'infini des possibles, le germe
des germes, toutes les promesses de développement, où éclos
le vivifiant monde unicellulaire. Pendant plusieurs milliards
d'années, le vivant fera des bonds de plus en plus complexe
pour se diversifier : le passage de l'unicellulaire au binaire,
passage de l'invertébré aux vertébrés, etc. Au Dévonien, voilà
maintenant 400 millions d'années, un événement, aux
probabilités infinies, se produit : un poisson, l'esthénoptérone
foordi, (www.pc.ca/miguasha) amorce sa sortie des eaux et se
retrouve dans un milieu totalement différent où des fougères,
entre autres, atteignent plus de 30 mètres de hauteur. La dérive
des continents vient à peine de commencer. Tous les
continents sont réunis en une masse compacte sous
l'Équateur. Plus incroyable encore, en plus de respirer, notre
premier ancêtre se déplace en s'appuyant sur des os articulés
(nos membres, pattes et avant bras actuels). Oui, l'homme
descend bien du poisson et l'évolution pendant plusieurs autres
millions d'années, se complexifiera davantage : amphibiens,
dinosaures, oiseaux, primates et finalement l'Australopithèque
arboricole, notre ancêtre.
Nous devons notre existence à notre perception des couleurs.
Elle fait partie intégrante des fonctions mises en marche par
l'évolution pour garantir notre survie. Notre champ de vision se
situe entre 400-800 nanomètres depuis des millions d'années,
depuis l'ère de nos ancêtres australopithèques arboricoles.
Pourquoi voyons-nous les couleurs spécifiques à ce champ ?
En effet certains animaux voient les infrarouges, au delà de 800
nanomètres, d'autres les ultraviolets, en deçà de 400, pas
nous. Les insectes, principalement les papillons, reconnaissent
une large gamme de couleurs tandis les animaux nocturnes
dont une grande partie des mammifères et les herbivores
diurnes distinguent une gamme restreinte. Seuls les primates
et les hominidés font exceptions, ils sont frugivores et, comme
les papillons, doivent percevoir une gamme élargie de couleurs
et de formes qui correspondent aux fruits qu'ils ont besoin de
consommer pour vivre et à ceux qu'ils doivent rejeter car
dangereux ou toxiques pour leur santé. Nous percevons donc
les couleurs et les formes en fonction de notre stratégie
d'exploitation des ressources naturelles qui assure notre survie.
De plus, nous «colorons» les autres animaux et végétaux de la
création en fonction de leur utilité ou non, de leur dangerosité
ou non, sans parler de l'utilisation des parures éclatantes entre
animaux de la même espèce à des fins de reproduction. Les
couleurs perçues par les hominidés ont une signification
cruciale pour leur existence propre : nous percevons des
intensités lumineuses que nous organisons en signes utiles
pour notre survie. Les couleurs se manifestent grâce à nos
organes de perception conçues en fonction des nécessités de
l'évolution. Chez tous les animaux, le spectre visible s'étend du
bleu au rouge. La chlorophylle que nous voyons verte, absorbe
les rayonnements bleus et rouges. Cela veut dire que la
photosynthèse à la base de toute vie sur terre se situe dans
une fenêtre qui correspond exactement à celle des possibilités
visuelles des animaux. La couleur est essentiellement une
lumière organisée qui n'est perceptible que par des êtres
organisés.
Dieu/Nature : la Terre-Mère
C'est l'ère de l'errance ; errance de l'Australopithèque
primordial de 7 à 2 millions d'années. Pendant des millénaires,
l'Australopithèque fut essentiellement végétarien et vivra une
errance de la cueillette, se déplaçant d'un endroit à l'autre à la
recherche de la nourriture nécessaire. Cette activité était
essentiellement individualiste, chacun étant responsable de sa
survie. Nous pouvons parler ici d'une relative coexistence
pacifique entre les groupes hominidés dans un monde
totalement cruel. L'agressivité était essentiellement de nature
défensive. (Chatwin) Il s'agit de s'imaginer notre ancêtre
arboricole vivant dans un environnement de prédateurs
carnivores, pour comprendre qu'il soit régulièrement attaqué et
que toute son agressivité de végétarien soit pointée vers la
défense pour sa survie. On pense aussi à l'agressivité
défensive de la mère protégeant sa progéniture.
C'est l'ère du matriarcat centré autour de la femelle, car non
seulement, elle donne la vie mais surtout, elle la protège, elle
est la garantie de l'évolution de l'espèce. Cette ère matriarcale
durera près de 5 millions d'années, durée plusieurs fois
supérieure à celle du patriarcat qui date lui d'environ 2 millions
d'années jusqu'à nos jours. Le régime alimentaire matriarcal
est essentiellement basé sur le végétarisme (la cueillette)
tandis que celui du patriarcat est axé principalement sur la
viande (la chasse). La femelle sera de tout temps associée au
monde végétal, à la terre nourricière, à l'agriculture, à la
fécondité de la vie.
Les périodes de surpopulation dans les groupes
d'Australopithèques végétariens enclenchaient des
mécanismes de régularisation dont le principal était l'exclusion
sociale des jeûnes mâles, par le mâle alpha, classés comme
surnuméraires et poussés à vivre aux limites du territoire
revendiqué par le groupe. Ces «superflus» n'ont pas accès aux
ressources alimentaires du groupe, ni accès aux femelles pour
l'accouplement. Non-reproducteurs, les superflus, souvent
solitaires, privés de la protection du groupe, subissent
cruellement les menaces du monde extérieur et sont plus
exposés à devenir la proie de féroces prédateurs carnassiers.
Exclus également des territoires nourriciers où abondent les
ressources, ils font face souvent à la disette si bien qu'ils
doivent régulièrement parcourir de longue distance pour
satisfaire leur besoin.
«Le chemin se fait en cheminant»
Puisqu'ils ne peuvent plus compter sur le groupe pour les aider
et les soutenir, ils sont condamnés à reformer avec les autres
exclus une nouvelle communauté susceptible de pourvoir à leur
besoin. Parce que jeunes, ces superflus sont plus aptes à
expérimenter de nouveaux comportements et ont souvent le
loisir d'observer le comportement des prédateurs afin de mieux
se protéger contre eux.
Dans l'ensemble, ils découvrent ainsi non seulement des
nouveaux comportements mais aussi de nouveaux aliments.
En période de famine, ils n'hésitent pas à aller goûter aux
carcasses d'animaux délaissés par les carnassiers. D'abord
accidentels, ces comportements deviennent progressivement
habituels : piller le nid des oiseaux pour y dérober les oeufs ou
dévorer les oisillons, manger le placenta et les foetus avortés
naturellement, consommer de jeûnes animaux naissants. Ainsi
se met en place un régime alimentaire de remplacement qui
deviendra rapidement complémentaire au végétarisme initial.
Lorsque des changements climatiques importants comme les
glaciations se pointent à l'horizon, surviennent alors avec eux
des perturbations qui bouleversent tout l'écosystème de la flore
et de la faune : les strictes carnassiers meurent de la rareté des
animaux, les strictes végétariens meurent de la pénurie des
plantes et fruits, seuls les superflus, à la fois carnivores et
végétariens, ont su s'adapter au nouvelles conditions
environnementales. Les exclus sont devenus les dominants
d'un nouveau paradigme existentiel, ils forment des
communautés «du futur» et adoptent des comportements tels
que l'action directe de prédation en groupe, ancêtre de la
chasse. Ainsi, tout s'est passé comme si les mécanismes
d'exclusion avaient «programmés» les mécanismes
transformateurs qui ont permis la naissance des hominiens. En
somme, les marginaux ont sauvé notre espèce de l'extinction
naturelle en lui offrant un meilleur équilibre écologique qui a
accru notre autonomie vis-à-vis le milieu naturel ambiant.
(Moscovici, 1994)
Des différentes familles d'Australopithèques, seule la lignée de
l'Australopithèque africanus et ses descendants comme Homo
habilis, Homo erectus, Homme de Neandertal et finalement
Homo sapiens appelé aussi Cro-Magnon intègrent la viande à
leur menu; devenant ainsi omnivores. L'intégration de la viande
dans leur régime alimentaire est d'une importance capitale
dans l'histoire de l'évolution et marque les débuts de la chasse
après une longue période de charognerie dont le cannibalisme.
En effet, seule la lignée de l'Australopithèque omnivore (Homo
habilis) survivra; les végétariens stricts disparaîtront,
incapables de compenser les effets néfastes des périodes de
glaciation sur les plantes qui les nourrissaient; affaiblis, ils
deviennent des proies faciles pour les carnivores. Homo habilis
doit sa survie aussi à un changement anatomique majeur :
l'allongement des jambes qui lui permet d'atteindre
éventuellement la station debout, libérant ainsi les mains vers
d'autres occupations. Son seul code de "conduite" est la nature,
il est le langage de la nature où tout se joue au niveau des
instincts et des comportements innés. De végétarien à
omnivore donc aussi Carnivore, il adapte son comportement à
son nouveau régime alimentaire et adopte la chasse comme
autre moyen de subsistance.
Pour la première fois, peut-être, une activité (la chasse) requiert
la coopération des membres du groupe en vue d'un objectif
précis et l'association dans le partage du gibier abattu. Ainsi
naîtra la notion de groupe, de tribu ou si l'on préfère de la
sociabilité nécessaire à l'attaque mais aussi à la défense contre
les autres prédateurs.
L'arrivée de la viande dans le régime alimentaire introduit dans
le comportement l'agressivité offensive nécessaire à l'attaque
du gibier (prédation) qui vient compléter l'agressivité défensive
des arboricoles végétariens. Dorénavant, le développement de
l'agressivité chez l'Australopithèque suivra les règles de la
chasse. On assiste ainsi pour la première fois à un partage des
tâches l'agressivité maternelle défensive servira
principalement à protéger le camp et les nouveaux-nés et
cueillir les baies, les noix, les tubercules et les fruits pendant
que le mâle prédateur chassera; bien que la femelle puisse
participer parfois à l'effort de prédation par la chasse aux petits
gibiers aux alentours du camp de base, (ici point de sexisme,
l'agressivité de la femelle étant identique à celle du mâle en
intensité du moins)
Mais avant d'y arriver, tout un processus évolutif, réparti sur des
centaines de milliers d'années, a du se réaliser comme le
passage à la station debout qui facilite la course, la création
d'outils par le développement d'un cerveau capable aussi de
mémoriser des concepts abstraits nécessaires à la planification
(de la chasse) et leur transmission par un mode de
communication rudimentaire, bref, l'émergence de l'esprit par
lequel il peut agir de manière prévisible sur l'environnement et
pressentir les forces qui régissent la nature, le cosmos et
l'émergence des archétypes fondamentaux comme
hiéroglyphes de l'inconscient.
Avec la chasse, le cerveau de l'Australopithèque double de
volume, non pas du jour au lendemain, mais répartie sur
quelques centaines de milliers, voire millions d'années. (À cette
époque, on prenait le temps nécessaire pour bien faire les
choses). Patiemment, l'Australopithèque désavantagé par la
nature, créera, à partir d'os (couteaux, massue) et de branches
(sagaie), les armes nécessaires à sa survie. Sans les armes, il
est fort à parier que nous n'existerions pas. Car les hordes de
la préhistoire vivent dans un monde de terreur et de cruauté
sans merci où la mort était non-pensée, elle arrivait tout à coup,
«tuer pour vivre» point final. L'Australopithèque avait peur, oui !
par instinct mais la peur de mourir n'existait pas.
« Avec l'Australopithèque (Homo Habilis), entre 3 million et 1 million d'an-
nées, les premiers outils apparaissent, traces d'un comportement tech-
nique, extérieure à l'anatomie. La reproduction des mêmes gestes organ-
isés en séquences logiques et efficaces prouve l'existence des premiers
concepts. La manipulation et l'usage de ces outils formaient un moteur à
l'enchaînement des idées. On retrouve des restes de chasse et de ramas-
sage montrant l'observation et la prévision du comportement animal. En
particulier des abris aménagés indiquent l'existence d'un lieu de retrou-
vailles, d'un endroit protégé où les jeunes pouvaient être éduqués et les
femmes nourries par les chasseurs, Ceci implique l'existence de proces-
sus d'apprentissage prolongé par rapport aux autres primates donc d'un
mode éducatif permettant la transmission d'un comportement social
acquis. Les éléments aux origines des premières expériences méta-
physiques étaient donc présents : l'émergence de la conscience entraî-
nant la création (la révélation) de son équivalent dans le domaine sacré
(inconscient) inaccessible par la raison». (Bernard G. Campbell éd.,
Humankind emerging, 4e éd., Boston-Toronto, 1983, p. 228)
Si bien que l'outil est indissociable du sacré. Non seulement, il
assure la survie et le développement de l'espèce mais il produit
tout un univers de relations mythico-religieuses, ne serais-ce
que la maîtrise de la distance par le lancé de la sagaie, qui
nourrit l'imagination créatrice. L'anthropologue économiste
Marshall Sahlins (1972) estime que «le chasseur-ceuilleur
pouvait amasser ce qui était requis pour vivre (nourriture, abri,
plantes médicinales, outils) après quinze heures d'effort par
semaine; ainsi le reste de son temps il l'utilisait librement pour
le jeu et le repos. Telle était la société d'abondance originelle.»
Notre ancêtre avait donc le temps de jouer mais aussi de se
concentrer et de réfléchir sur sa condition et surtout
d'expérimenter. (Rasmussen, 2004)
Au paléolithique, deux stratégies de survie sont présentes chez
les hominiens : l'attaque associée au mâle et la défense
associée à la femelle, toutes deux, exprimées avec la même
intensité agressive. Pendant que le mâle exprime sa puissance
dans l'acte sexuel, la femelle se découvre un pouvoir caché
inédit, par l'acte sexuel, elle contrôle l'agressivité du mâle, elle
l'assouvit complètement et donne la vie; la femelle découvre le
rôle (séduction) de ces attributs sexuels, de son corps, de sa
maternité comme puissance universelle.
"En d'autres termes : la défense n'est pas autre chose qu'une
démarche stratégique ou tactique visant à anéantir l'adversaire,
de même que l'attaque directe, à ceci près que la défense est
une forme de guerre plus puissante que l'attaque. (C. von
Clausewitz, De la guerre, Ulstein éd., Vienne, 1981, p. 360).
Sans être plus puissante que l'attaque, mais plutôt équivalente,
cette stratégie de défense de la femelle est néanmoins
employée abondamment à l'intérieur du groupe (entre
hominidés) et à l'extérieur du groupe comme mécanisme de
défense contre l'attaque de d'autres espèces.
« A quel point le comportement de l'homme et de la femme est
spécifiquement déterminé par leur corps et diverge, l'un orienté
vers l'agression et l'autre vers la protection maternelle, c'est ce
que montre leurs réactions instinctives en cas de menace (...).
L'équivalent féminin (défense) en est à l'évidence le geste
d'apaisement consistant à présenter les seins dénudés, qui a
été décrit notamment de la façon suivante : « Une femme
aborigène du Nord australien était en train de faire cuire un
serpent, lorsqu'elle fut surprise par une patrouille de Blancs.
Epouvantée, elle redressa ses seins et projeta du lait. Quand
on lui demanda par la suite pourquoi elle avait fait cela, elle
déclara qu'elle avait voulu montrer qu'elle était mère, afin que
l'on ne lui fit pas de mal. Montrer ses seins, voire en faire jaillir
le lait, c'est selon toute apparence le plus pressant appel : c'est
la maternité même qui manifeste de manière démonstrative et
demande que soit épargnée la vie, menacée de destruction à
sa racine si l'appel n'est pas entendu. (...) Quoiqu'il en soit, la
distribution instinctive des rôles entre l'homme et la femme en
cas de danger mérite la plus grande attention : alors que les
hommes réagissent par des mimiques menaçantes et
agressives (phalliques), les femmes le font par des gestes
d'apaisement et de soumission ». (Eibl-Eibesfeldt,
Menschenforschung, p. 166-167, in note 47, Drewermann,
Spirale de la peur, Ile partie, p.320.
On ne manque pas ici de s'interroger et de se demander : En
quoi la stratégie de défense et la soumission féminine
représente-t-elle une puissance universelle associée à la
maternité ? Tout est affaire de perception dirait le philosophe.
Bien sûr imbu de sa puissance et de sa force physique, le mâle
archaïque interprète l'acte de soumission féminine comme
conséquence de sa force physique, de son agressivité. Et il a
raison car la femelle a un devoir primordial envers la nature,
celui de transmettre la vie avec les meilleures chances de
réussite : pour être séduite (consentante) le rituel "d'amour" du
mâle se doit d'être viril; une sorte d'assurance pour elle que la
marchandise proposée n'est pas passée date.
Mais si on quitte le monde physique pour le monde psychique,
on peut accéder à une toute autre lecture. Et si l'acte de
soumission était plutôt un acte sacrificiel d'abandon. Par son
sacrifice, la femme apaise l'agressivité du mâle et c'est toute
l'harmonie du groupe qui est ainsi préservée. Par son sacrifice,
la femelle préserve non seulement le groupe de l'agressivité du
mâle par son absorption à l'intérieur de sa chair (pénétration du
pénis) mais aussi sauve le monde, sauve l'harmonie naturelle,
finalement elle sauve la vie elle-même de la mort par sa
fécondité. Imaginons maintenant, une société et une religion
strictement matriarcale pour comprendre que ce sacrifice de la
femme serait interprété comme mythe fondamental de la
Rédemption : son sacrifice sauve l'humanité; bref, elle serait le
Christ (la «Christesse») en croix, le sauveur mythique de
l'humanité qui se soumet, s'abandonne (comme la femme) à la
volonté des hommes.
Toutes les civilisations ont élaboré un mythe de rédemption, par
exemple Vishnu (Inde), Mithra (Iran) etc. voire livre des
sagesses - enlèvement. Cette doctrine du salut par la
Rédemption, par la venue du sauveur s'appelle la sotériologie
et tout laisse à penser que l'essence de la doctrine
sotériologique est éminamment féminine. On peut même
penser correctement en affirmant que la société et la religion de
type patriarcal, a récupérer (andropocentrisme) ce mythe
fondateur de l'humanité à son seul profit en le transposant en
l'homme. Comment et Pourquoi ?
Nous l'avons vu précédemment l'émergence de la conscience,
du moi, du processus d'individuation n'est pas sans
conséquence, au contraire. Comme le monde physique,
naturel, possède sa panoplie de maladies, l'homme découvre
que le monde psychique a aussi les siennes. L'homme et la
femme découvrent donc avec effroi leur maladie psychique
fondamentale, leur névrose commune, le mal radical du genre
humain : la peur, la peur de l'altérité, la peur de l'autre.
Depuis Homo érectus, deux grandes conceptions mythiques de
l'univers s'affrontent : la conscience de l'acte de chasse et des
forces qui s'en dégagent ouvrent la voie aux explications
métaphysiques primordiales: 1) l'harmonie naturelle universelle
de toutes les espèces animales et végétales devant la vie et la
mort (inné) 2) la puissance de l'hominidé sur les autres espèces
par la connaissance (acquis) du phénomène de mise à mort.
Cette bipolarité du monde, harmonie versus puissance (Yin-
Yang) se retrouve donc incarnée dans la puissance de l'homme
par la connaissance des forces de la mort versus la puissance
de la femme par la connaissance des forces de la vie; instinct
de vie versus instinct de mort. Pour respecter la philosophie du
Yin-Yang et les données de la psychologie moderne, il est bon
ici de préciser que l'instinct de vie et de mort est présent dans
chaque être, homme ou femme. Aristophane a raison « À
l'origine les êtres étaient sphériques » hommes et femmes
forment un tout à l'image du jaune et du blanc de l'œuf sauf que
l'homme, au cours des siècles à venir, actualisera davantage
les forces de la puissance (animus) et la femme, davantage les
forces de l'harmonie (anima). Progressivement s'installeront la
division, la rupture.
Partenaires dans la vie naturelle (procréation), l'homme et la
femme sont rivaux dans leur vie psychique (la peur). "La guerre
des sexes" peut commencer. Et pour ce faire, l'homme sortira
l'artillerie lourde et exercera sa puissance nouvelle à conquérir
(désir) à la fois la nature (environnement) et la force psychique,
mythique de la féminité en acquérant de générations en
générations plus en plus de puissance et de pouvoir envers
cette entité menaçante : la femme-nature. Car ne l'oublions
pas, la femme représente un important centre de pouvoir vis à
vis duquel l'animus envieux imposera de sévères contraintes.
Tabous sexuels et rites d'initiation seront mis en place à cette
fin. Allons donc jeter un coup d'ceil pour voir ce qu'il se passe à
l'intérieur de la mystérieuse caverne, l'antre des chasseurs.
Le symbole de la caverne est assez évident, c'est la matrice de
la deuxième naissance des mâles. Les jeunes initiés y
apprennent que deux activités fondamentales assurent la
survie du groupe : la chasse qui produit de la nourriture et la
copulation qui produit des enfants. La domination du chasseur
sur l'animal est lue comme la résultante d'une possession
sexuelle; d'où notamment l'équation blessure = vulve dans les
représentations symboliques de l'art pariétal du Paléolithique
supérieur. Cette possession sexuelle sera transférée vers la
femme qui à son tour subira l'interdit de la caverne sous
prétexte d'éviter les relations adultères et incestueuses avec
l'animal mythique. L'homme ainsi possède à la fois les
puissances animales et contrôle les actes de fécondité
féminins.
L'ère de l'Homo erectus
Paléolithique inférieur - 1,5 à 0,3 millions d'années
Pendant cette période, la chasse aux gros gibiers ( bisons,
aurochs, mammouths) est attestée et requière une planification
et des techniques élaborées. La conscience de l'acte de
chasse et des forces qui s'en dégagent (maîtrise de la vie et de
la mort) ouvrent la voie aux explications métaphysiques
primordiales : 1) l'harmonie naturelle universelle de toutes les
espèces animales et végétales (diversité) devant la vie et la
mort, 2) la puissance de l'hominidé sur les autres espèces par
la connaissance du phénomène de mise à mort. À partir de cet
"instant", l'homme, jusqu'à nos jours, sera hanté, tourmenté par
ce choix entre harmonie (écologie) et puissance (exploitation);
c'est l'origine du concept "de la connaissance du bien et du
mal" de la Genèse. Car c'est bien par la conscience de la mort
animale que l'homme se singularise et quitte l'animalité. (La
tauromachie illustre bien l'affranchissement de l'homme de la
nature par le rituel de la mise à mort du taureau).
Parallèlement, le sacrifice de l'animal propulse celui-ci dans le
domaine du sacré révélé par la mort. On assiste donc au début
de la conception du Dieu/nature et du totem collectif de l'animal
sacralisé, exemple: le clan de l'Ours des cavernes; le totem
collectif comme archétype primitif et fondamental de la notion
de Dieu.
Ainsi l'animisme accorde foi aux âmes présentes en toutes
choses, suivra la croyance polythéiste totémique en des dieux
multiples issus de la nature végétale ou animale. Mais bien
avant l'apparition de ces concepts, le primitif, à la recherche
d'un sens global, développa sans doute l'idée de Providence
comme puissance de la création. Et de cette Providence
mystérieuse, forte et bonne mais souvent menaçante,
gouvernant à la fois les phénomènes naturels (saisons,
tempêtes, tonnerre, etc.) et les destinées humaines (quête de
la nourriture, fertilité, naissance, mort), de cette Providence,
dis-je, sont nés des entités premièrement floues qui, par la
suite, évoluèrent en esprits ou fantômes particulièrement
identifiables aux phénomènes bons ou mauvais de l'existence.
Aparté : Il ne s'agit pas ici de se demander si Dieu à créé ou
non l'Univers mais plutôt de comprendre, et ce, que l'on soit
créationniste, évolutionniste ou athée, comment la notion de
Dieu s'est manifestée à l'homme; on parle ici de spiritualité et
par la suite de religion.
Dès les Origines, une insatisfaction profonde saisit les premiers
hominidés et les pousse au dépassement de leur condition.
Entouré d'une nature «hostile», l'homme a peur et cherche à
protéger son intégrité physique et celle des membres de son
espèce. À cela, s'ajoute la conscience d'un manque d'être, d'un
déficit de sens, une incomplétude qui donnera l'impulsion
initiale à la quête spirituelle.
Comme nous, aujourd'hui, notre ancêtre archaïque se trouvait
confronté à l'énigme de l'existence, à l'apparente absurdité de
la vie condamnée à l'ultime déchéance de la mort. À partir du
constat universel de l'apparente absurdité de la destinée
humaine, émergeront du néant des concepts qui évoqueront
des voies possibles de bonheur, de délivrance et même de
salut. À l'opposé, des forces maléfiques verront le jour et nous
rappellerons le drame de l'âme humaine qui a chuté dans la
création.
Force est de constater que les voies du Bien et du Mal ont
comme fondement la terrible souffrance de l'âme humaine et
l'homme dans sa quête d'accomplissement ne pourra passer à
côté de la profonde douleur issue de sa condition. C'est tout le
sens du chemin spirituel : «être ou ne pas être».
Ainsi s'explique le modèle «évolutionniste» de l'histoire de la
spiritualité composée de trois phases distinctes : la spiritualité
archaïque, les religions antiques et la métaphysique des
sciences modernes. À chaque étape, l'homme, au gré de ses
connaissances du moment, cherchant réponse à la seule et
unique question qui le tourmente : comment apaiser les
puissances de la nature, les souffrances de la vie et surtout
comprendre la mort.
Les civilisations archaïques pense le monde comme une entité
où la nature ne cesse d'anéantir ce qu'elle engendre tel est le
sens du cycle de la vie et de la mort.
«Ce n'est pas la vie qui importe à la nature, mais un équilibre entre la vie
et la mort et celui qui n'accepte pas la mort comme condition de la vie, ne
saura jamais consentir à la nature». (Eugen Drewermann, le Progrès
meurtrier, Édition Stock, Paris, 1981, p. 88)
Aparté. Cette conception de la dualité vie/mort sera reprise plus
tard par Anaximandre, philosophe grec au Ve siècle avant J.C.
qui affirma alors que «toutes choses proviendraient de l'Infini
vers lequel elles retourneraient sous l'effet de la corruption». La
corruption symbolisant la lente dégradation de la vie vers la
mort.
Les études sur le sujet de J.G Frazer publiées dans Le Rameau
d'or, nous montrent comment les humains ont toujours
éprouvés de la tristesse et même de la culpabilité à chaque fois
qu'ils doivent recourir à la mise à mort d'animaux ou de plantes
doués de sentiments et d'intelligence comme les hommes. On
peut comprendre que nos ancêtres aient pu craindre la
vengeance des esprits arrachés à la vie et que seul des rituels
précis et adaptés à divinité offensée pouvaient témoigner de la
peine ressentie.
Intimement relié au monde psychique de l'inconscient, la mort
de l'animal-dieu se ritualise en actes mythiques afin d'apaiser
les angoisses liées à la mort. Parmi ces actes mythiques, le
repas rituel ( la Cène), où la chair et le sang de l'animal
totémique (Eucharistie) sont partagés, permet à Homo érectus
de participer à la nature "divine" de l'Ours, de canaliser la
pulsion de l'agressivité mortifère vers la vie : eux-aussi devaient
mourir, mais en sublimant l'Ours-totem, ils étaient associés à sa
vie et en mangeant la chair, en buvant le sang de l'animal
défunt, l'Ours mythique pouvait ainsi renaître, ressusciter dans
une vie nouvelle, immortelle par la répétition éternelle du rituel.
Le rituel devient culte :
« la conviction qu'une nouvelle vie ne surgit qu'à travers la mort
sacrificielle » (M. Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses,
Payot, 1978, p. 327).
Des études comparatives sur les récits archaïques de
différentes ethnies indépendamment du continent, ont toutes
démontrées :
«qu'ils partent tous d'une idée centrale, celle d'une divinité qu'on a mise à
mort et qui, par sa mort à créer l'ordre du monde actuel. (...) L'homme tue
tous les jours pour se maintenir en vie. Il tue les animaux, et il est
manifeste que toutes les cultures considèrent - à fort juste titre - la récolte
des plantes comme une mise à mort. Sans celle-ci, il n'est de vie qui dure
et c'est peut-être ainsi qu'il faut comprendre le fait que la première mort
soit liée à un meurtre.» (Jensen cité in Le Mal tome II, p.610-613)
Celui qui n'a pas encore tué doit tuer pour vivre, malgré la peur
et la culpabilité tel est le fondement de la culture, le crime
originel dont la connaissance, la conscience nous fait homme.
On a peine à imaginer ce que peut représenter l'affrontement
au corps à corps avec l'ours des cavernes du Paléolithique,
véritable force de la nature, on a peine à imaginer ce qu'il faut
de courage, de témérité, de dépassement de soi pour
accomplir un tel exploit. Le dépassement de soi face à la mort
nous convie au désir de la vie éternelle, de l'immortalité, à la
victoire définitive de l'homme sur la nature, sur sa nature
mortelle.
Le premier culte universelle à apparaître est celui consacré au
crâne humain (culte des ancêtres) comme rappel d'un être mort
(parent ou ennemi), témoin du passage de la vie à la mort. Ce
culte est présent dans toutes les civilisations et de tout temps
que l'on pense aux scalps amérindiens, aux têtes desséchées
des pygmées ou plus récemment aux têtes coupées par la
guillotine.
« Ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel. Ainsi parle le
Seigneur, l'Éternel, à ces ossements : Je vais faire entrer l'esprit en vous
et vous revivrez (...). Je regardai et voici qu'il se formait sur eux des
muscles et de la chair ». (Vision d'Ézéchiel - 37;1-8 sq)
Ce premier culte aux morts se matérialisera dans la collection
de crânes (animaux et humains) comme fétiche de protection
collective (relique). Mais plus encore car ce culte des crânes
ritualise aussi la pratique du cannibalisme par l'absorption de la
moëlle des os et du cerveaux (la substance divine) avec la
même finalité que celle observée dans le sacrifice de l'animal :
Dieu (a ni mal -totem) et l'homme ne peuvent mourir car leur
substance ( ce qui est en soi, ce qu'il y a de permanent dans
les choses et êtres qui changent) est continuellement absorbée
(vie éternelle).
Seul reste sûr ce fait attesté par la paléontologie : l'action de
l'homme sur les restes de d'autres humains.
«Divers fragments de crânes humains du paléolithique ancien portent des
traces d'actions violentes : coups, découpes. Ils furent de plus retrouvés
dispersés parmi des ossements animaux traités de la même manière. Les
explications à cette observation furent nombreuses et fondées sur
d'abondantes comparaisons ethnographiques où, souvent un
«cannibalisme rituel» était rapporté. (...) Perpétuellement, les exemples
rencontrés frappent sur le même clou avec insistance : qu'il s'agisse de
fossiles récupérés, de traitement des morts ou de pratiques des vivants,
le monde animal est intimement intégré, utilisé, récupéré dans le monde
mythique de l'homme paléolithique, ici, sous sa forme immédiate, directe
et matérielle (les ossements eux-mêmes), plus tard sous sa forme
intellectualisée de l'image et du mythe. (...) Cette constatation est à nos
yeux importantes : elle touche au coeur de l'histoire des religions, le destin
de l'homme, et montre que la pratique primitive concerne ses vestiges
eux-même avant de s'abstraire dans le symbolique (images, verbes,
transposition sémantique ultérieure) » (NDA, l'hostie et le vin (corps du
Christ) comme symboles modernes du cannibalisme rituel archaïque). (M.
Otte, Préhistoire des Religions, p. 42-55)
Aparté : Il est aujourd'hui prouvé que tous les groupes
humains ont manifesté une dévotion envers des êtres ou des
entités surnaturels. Encore aujourd'hui, le culte des ancêtres
joue un rôle primordial partout en Afrique et domine la vie
religieuse attestée par les innombrables masques à l'image des
morts qui accompagnent de nombreux rituels comme les
naissances, les initiations, les mariages et les funérailles où les
ancêtres livrent des messages ou des avertissements aux
membres de la famille. L'ancêtre est l'acolyte de Dieu et tous
les membres du clan connaissent par cœur de génération en
génération le nom des ancêtres fondé sur les liens du sang qui
les relie au Père premier. D'ailleurs, quelle surprise ont eu les
premiers missionnaires tournés en ridicule par un vieux Africain
qui leur déclara : «Comment les Blancs peuvent-ils croire en
Dieu, alors qu'ils sont incapables de réciter la généalogie qui
les rattache à lui ?»
La connaissance des techniques de la chasse entraîne Homo
erectus à conquérir de nouveaux territoires en suivant la
migration des animaux. En quittant son aima mater ; l'Afrique
(paradis terrestre), Homo erectus entreprend une longue
période d'errance (errance de Gilgamesh, d'Adam et Éve) qui
le conduira vers une conquête, une expansion immense de son
territoire vers l'Asie jusqu'en Chine, vers l'Europe jusqu'en
Espagne. Grâce à cette expansion prodigieuse, l'espèce
humaine acquiert un bagage fabuleux de connaissance et
d'adaptation à différents environnements tant climatiques
qu'alimentaires. Ces nouvelles connaissances disséminées
dans l'espace correspondent aux fondements des populations
actuelles ; l'espèce humaine se divise en branches raciales
(modifications anatomiques) et développe des spécificités
culturelles inhérentes à la fréquentation des nouveaux
territoires, (nourritures, habitats, etc,). Le sacré n'échappe pas
à la diversification des concepts spirituels (totem collectif)
inhérents à la création de nouveaux clans : clan du Mammouth,
clan du Lion des montagnes, etc.) (fondement archaïque du
polythéisme)
L'acquisition de connaissances toujours renouvelées
commande aussi l'acquisition d'un code nouveau et plus raffiné
de transmission : le langage. Le développement du langage
fera faire un bond prodigieux à la transmission des
connaissances techniques, socioculturelles et spirituelles. On
peut affirmer que le développement du langage fut pour le
mythe archaïque, ce que l'invention de l'imprimerie fut au
christianisme comme mode de transmission du fait religieux. Le
passage du langage rudimentaire à un système plus élaboré
durera plus d'un million d'année. Pour la première fois, l'homme
peut dire qu'il a une histoire (orale) :
« les légendes et les mythes s'instituent, se répercutent, se complexifient.
Ils s'additionnent et constituent, comme pour les autres pratiques, le fruit
de la tradition, le poids de l'héritage intimement lié aux autres
composantes culturelles telles les règles sociales ou les pratiques
techniques. La période ne peut donc pas être considérée globalement
comme émergente mais, comme pour les races qui en proviennent, tel un
puissant processus de longue durée, de vaste ampleur débouchant sur la
création des mythes fondamentaux, des croyances les plus universelles
et les plus profondes : évocation de la vie et de la mort, distinction de
l'homme et de la nature, cycles de reproduction des saisons, distinction
sexuelle binaire (mâle-femelle), modes d'action sur la matière. Ces
conceptions mythiques fondamentales, à la rencontre de l'esprit qui
s'élabore et de l'Univers, imbriquées à la tradition, transportées par des
milliers de générations au fil de l'émergence de la conscience, furent sans
doute les axes principaux sur lesquels s'élaboreront les pratiques
religieuses successives (...)». Marcel Otte, Préhistoire des religions,
Masson, Paris 1993.
Bref, par l'intégration de rites et de cultes, l'animisme acquiert
progressivement le caractère du religieux transmissible par le
langage. Après l'avènement du langage rudimentaire, un autre
événement fondamental marquera la période du Paléolithique
inférieur : la découverte du feu. Encore une fois, une longue
période d'observation, d'abstraction, d'essais et d'erreurs fut
nécessaire à sa découverte. Cette maîtrise du feu et son
maintien pendant des dizaines de millénaires prouvent son
importance comme archétype fondateur et universel. Le feu est
lieu de rassemblement ( le foyer, synonyme de demeure) et de
protection. Il illumine la nuit (Lumière divine venant du ciel),
éclaire la caverne, lieu de la naissance de l'art pictural où se
concentrera la célébration des rites religieux (Église, Mosquée,
Synagogue, Temple). Le feu a aussi un rôle catalyseur au sein
du clan, il unit le groupe, renforce sa solidarité. Mais les
propriétés inouïes du feu auront un effet tout aussi inouï sur la
conscience : par le feu, non seulement, il maîtrise une des
forces de la création initiale mais de plus, par la transformation
de la matière grâce à son habileté avec l'aide du feu il est lui-
même créateur (Prométhée). Encore une fois, on a peine à
imaginer, la fascination que pouvait représenter la combustion
du feu. On peut facilement par contre penser que l'homme
archaïque a dû passer des heures, des centaines d'années à
tenter de déchiffrer le mystère. La flamme et la fumée aspirées
vers la voûte céleste, voilà les premières manifestations de la
transcendance aussi fascinantes que peut représenter pour
nous le décollage d'une navette spatiale s'élançant vers le ciel
émergeant d'un nuage de flammes et de fumées.
En tout cas, la conscience de l'homme est investi d'une
puissance titanesque en comparaison des autres animaux de
la création. Comme si l'homme avait eu la pré-science,
l'intuition de son destin unique celui de posséder la maîtrise des
autres forces de la création : l'eau, le vent, la terre, bref de
maîtriser la nature. La maîtrise du feu marque la rupture entre
l'homme et l'harmonie naturelle, son écologie initiale. L'homme
choisit la puissance de la création (Vous serez comme des
Dieux- la Genèse) et devra subir éternellement les
conséquences de son premier acte vers la connaissance des
forces de la nature.
«La conquête de l'énergie, c'est l'histoire de l'humanité. De la conquête
ancestrale du feu est né les plus grandes conquêtes de l'homme. Pour la
première fois, un être s'appropria l'environnement pour le transformer en
source d'énergie. A partir de cette date, toute la culture humaine naîtra
des efforts de l'homme pour transformer, préserver, transmettre ou
défendre cette énergie. De ces efforts naîtront des inventions fabuleuses:
roue hydraulique, turbine, machine à vapeur, moulin à vent, moteur à gaz,
fission de l'atome. Naîtront aussi des guerres atroces dans le but de se
les approprier ou les défendre. Et pourtant l'histoire nous apprend que ces
guerres furent une erreur. Par le pillage des territoires nourriciers d'Asie et
d'Afrique, l'empire romain s'appropria plus d'énergie que la Grèce, avec
son régime sobre, n'en possédait au Ve siècle. Mais Rome n'a produit
aucun poème, aucune statue, aucune architecture originale, aucune
oeuvre scientifique, aucune philosophie comparable à l'Odyssée, au
Parthénon, aux oeuvres des sculpteurs grecs du VI et Ve siècle et à la
science de Pythagore, d'Euclyde, d'Archimède, de Héro. Ainsi la
grandeur, le luxe et la puissance quantitative des Romains, malgré leurs
extraordinaires qualités d'ingénieurs, sont restés relativement
insignifiants. Même pour le développement des technologies en général,
l'oeuvre des mathématiciens grecs fut plus importante. C'est pourquoi
aucun idéal efficace du bien-être collectif ne peut être basé uniquement
sur l'augmentation de la production énergétique et encore moins sur une
augmentation constante de la consommation." Lewis Mumford, Technique
et civilisation, Seuil-Esprit 1950 ?, p.?
Continuons donc l'épopée de notre ancêtre Homo erectus.
Rupture donc entre l'homme et l'harmonie naturelle qui se
répercutera sur l'organisation de l'espace par l'apparition d'un
espace privé autour du feu. Cette notion d'intérieur versus
extérieur s'actualise dans le concept du privé versus le public,
du concept de la cellule familiale versus le corps social, le
concept du moi versus le soi, du conscient versus l'inconscient
(rêves-réalité), du totem personnel versus le totem collectif,
concepts, pour le moment nébuleux, qui se réaliseront à l'ère
du Neandertal au Paléolithique moyen.
Aparté : Bien que, la conscience, l'inconscience, le moi, le soi,
etc., sont des concepts intemporels. Ils ont été, par contre,
traités ici linéairement dans le temps afin de mieux saisir le lien
de causalité (cause-effet). L'homme en effet n'est devenu
conscient que graduellement au cours d'un processus de
plusieurs millénaires qui l'a conduit à l'aube de la civilisation.
En résumé, le Paléolithique inférieur correspond à la période
(des centaines de millénaires et des milliers de générations) où
tous les éléments fondamentaux des archétypes primitifs s'y
trouvent réunis : le feu, la mise à mort, le sang, le culte des
crânes humains, la famille élargie, le corps social. Tous des
concepts dorénavant codifiés par le langage et transmis
(tradition, héritage) par les légendes (les mythes) et les rituels
(spiritualité). La raison s'émancipant encore plus de la nature.
L'ère du Neandertal
Paléolithique moyen - 300 à 30 mille ans
Avec l'homme de Néandertal apparaît une nouvelle conception
de la mobilité dans le temps et l'espace qui le singularisera de
l'homo érectus : le nomadisme. Contrairement à l'errance du
chasseur-cueilleur des périodes antérieures, le Néandertalien
est maintenant capable de codifié son espace physique en
relation avec le temps (saisons). Le nomade se meut dans le
paysage, dans la nature de la même manière que la nature se
meut en lui. Il y a osmose et c'est cette même osmose que
l'écologie moderne cherche à retrouver.
Le nomadisme est intimement lié à l'apparition du langage.
Seuls les hominidés pouvaient alors dire ; « Je me rappelle que
mon père m'a dit qu'il y avait des baies sauvages là-bas
pendant qu'il y a sécheresse ici.». Contrairement à l'errance, le
nomadisme est possible lorsque le territoire est codifié,
répertorié : l'hiver c'est mieux au sud, l'été, on peut remonter au
nord comme les animaux, c'est le mode vie migratoire de
l'homme de Neandertal principalement Carnivore. Par ses
déplacements, le Néandertalien crée, au hasard des rencontres
avec d'autres groupes apparentés, un réseau
d'approvisionnement et d'échange, (début du commerce) La
quête de nourriture, les enfants, la protection des ancêtres
l'entraide entre groupes apparentés sont des traits essentiels à
la survie de la communauté.
Le développement des techniques de fabrication d'objets
s'affine de plus en plus et crée à l'intérieur du corps social une
nouvelle catégorie de membres : l'artisan qui par son travail de
production répond adéquatement aux besoins fondamentaux
du groupe en se servant des ressources locales. Ainsi, la
variété d'outils disponible hausse la capture de gibiers plus
diversifiés et amène aussi une alimentation plus variée sans
parler bien sûr de gastronomie; quoi que ! Toujours est-il, que
le Néandertalien poursuit de plus en plus l'emprise de l'homme
sur la nature.
Les foyers deviennent mieux aménagés et les espaces clos
respectent l'intimité nouvellement acquise. Ce besoin d'intimité
physique provoque un besoin tout aussi primordial d'intimité
profonde avec le monde spirituel. Cette intimité spiritualisée
amorce un processus d'individuation qui demande à se
manifester concrètement, à se révéler. Ainsi émerge de la
conscience la notion du moi
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